Le Projet de prévision polaire

 


 

Par Neil D. Gordon1 , Thomas Jung2 et Stefanie Klebe3


L’impact des régions polaires sur les phénomènes météorologiques et climatiques mondiaux est mieux perçu aujourd’hui, tant dans les milieux scientifiques que dans la population en général. L’emploi du terme «tourbillon circumpolaire», devenu courant en début d’année aux États-Unis d’Amérique, n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de l’intérêt grandissant porté à l’évolution rapide du climat aux hautes latitudes. Année après année, les rapports publiés par l’OMM sur l’étendue des glaces de mer estivales dans l’Arctique attirent l’attention des médias du monde entier. La population – en particulier les jeunes – s’intéresse vivement à la façon dont ces facteurs conditionnent le temps et le climat sur le reste de la planète. L’expansion des activités humaines aux pôles accroît aussi les attentes en termes de volume d’information et de qualité des prévisions.

La reconnaissance du rôle important joué par les régions polaires dans les systèmes environnementaux du globe, y compris le climat, a conduit à réclamer davantage d’études scientifiques, de stations de recherche permanentes et semi-permanentes et d’activités diverses de surveillance de l’environnement in situ et à distance, ainsi qu’à formuler les besoins correspondants d’information météorologique et environnementale à l’appui de la prise de décisions stratégiques. Par exemple, la prévision de nappes de brouillard, de nuages bas ou de problèmes de visibilité est utile pour les vols effectués au-dessus de l’Antarctique afin de réaliser des recherches dans la région; un mauvais temps imprévu est très coûteux si l’aéronef, incapable de parvenir à destination, doit faire demi-tour.

Les régions polaires sont pourtant les moins bien observées de la planète, en raison surtout de leur éloignement et de la fréquence de conditions météorologiques et climatiques difficiles.

Nous détenons une connaissance et une compréhension très insuffisantes en ce qui a trait aux grands processus des régions polaires, aux meilleurs moyens d’affiner les modèles numériques et les systèmes de prévision, à la façon d’optimiser le système d’observation et aux services qu’il faudrait offrir. La recherche polaire exige énormément de moyens et une infrastructure de grande ampleur. Il est donc particulièrement important de coordonner à l’échelle internationale les travaux qui produiront le savoir dont nous avons besoin pour étendre les capacités de prévision dans ces régions et ailleurs. Le Projet de prévision polaire a été lancé afin de mettre en place l’infrastructure requise pour optimiser l’observation des pôles. Il améliorera la qualité des données sur les conditions initiales avec un bon rapport coût-efficacité. Il fournira la réalité de terrain nécessaire pour parfaire les algorithmes de calcul, et la compréhension des processus polaires fondamentaux dont on a absolument besoin pour étendre les capacités de modélisation numérique.

Le Projet, qui relève du Programme mondial de recherche sur la prévision du temps, vise à relever ces défis à des échelles temporelles allant de une heure à une saison. Une collaboration étroite sera instaurée avec l’Initiative sur la prévisibilité du climat polaire, gérée par le Programme mondial de recherche sur le climat, qui s’intéresse aux échelles saisonnières à pluridécennales. De concert, ils exécuteront les travaux qui seront à la base du Système mondial intégré de prévision polaire. Le Groupe directeur international du Projet rassemble des universitaires et des spécialistes de la prévision opérationnelle du temps et du climat. Le Centre Helmholtz pour la recherche marine et polaire de l’Institut Alfred Wegener, à Bremerhaven, Allemagne, accueillera le Projet.4

Services, prévisions et recherche sous-jacente

Les objectifs du Projet de prévision polaire en matière de recherche peuvent être répartis en trois volets:

• Recherche axée sur les services, qui s’attaque aux questions présentant un intérêt direct pour les utilisateurs des prévisions environnementales – Cela comprend l’analyse de l’utilisation passée et présente des produits de prévision polaire, la communication des risques, des conditions favorables et de l’incertitude à des utilisateurs divers et la vérification poussée des produits utiles aux utilisateurs, telles les prévisions des glaces de mer;

• Recherche axée sur les systèmes de prévision, qui englobe des sujets plus «classiques», telles les observations, la modélisation, l’assimilation des données et la prévision d’ensemble – La priorité va aux questions qui sont propres aux pôles, par exemple l’insuffisance des observations, la représentation convenable de la cryosphère dans les modèles de prévision, les schémas d’assimilation des données et les systèmes de prévision d’ensemble;

• Recherche sous-jacente, qui porte sur des aspects plus fondamentaux, comme la prévisibilité du système climatique polaire, le diagnostic des erreurs de prévision et les liens temps/climat entre les régions polaires et les autres régions du globe;

Le Projet accordera une large place à la mise en oeuvre des moyens nécessaires pour prévoir les glaces de mer. À des échéances assez courtes, il sera important (pour la sécurité maritime et la gestion du phénomène) de fournir aux utilisateurs des informations fiables sur les caractéristiques des glaces de mer, par exemple sur les chenaux libres et sur les zones de forte convergence des glaces. À des échéances plus longues, mensuelles à saisonnières, l’accent sera mis sur de plus grandes échelles spatiales, s’agissant notamment de prévoir l’état des glaces de mer dans la route maritime du Nord et dans l’océan Austral qui borde l’Antarctique. Vu la place centrale que la prévision des glaces occupe dans les régions polaires, il sera essentiel de mettre au point des systèmes de prévision reposant sur des modèles couplés atmosphère-glaces de mer-océan.

Année de la prévision polaire (APP)

Le temps fort des dix années du Projet (2012–2022) sera l’Année de la prévision polaire (APP), qui se déroulera de la mi-2017 à la mi-2019. Cette initiative permettra un essor marqué des capacités de prévision environnementale dans les régions polaires et ailleurs dans le monde en coordonnant une période d’observation intensive et des activités de modélisation, de vérification, de participation des utilisateurs et d’éducation.

Le calendrier des trois phases de l’APP − l’une des initiatives phares du Projet de prévision polaire – est présenté ci après, avec une partie des principales activités prévues.

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Retombées du Projet

L’affinement des prévisions bénéficiera à nombre d’habitants, ou de visiteurs, des régions polaires dans lesquelles s’intensifient les transports, le tourisme et l’exploitation des ressources naturelles. Mais les retombées attendues iront bien au-delà de l’objectif premier du projet, à savoir la fourniture dans l’Arctique et l’Antarctique de prévisions plus fiables à diverses échelles temporelles (une heure à une saison). Une représentation plus fine des processus polaires dans les modèles couplés de prévision du temps aidera à réduire les incertitudes qui entachent l’anticipation de l’évolution du climat régional. En outre, l’amélioration des prévisions environnementales dans les régions polaires bénéficiera aussi aux autres régions de la planète, en particulier aux latitudes moyennes, par le biais des interactions atmosphériques.

Contribution et appui

Le Projet de prévision polaire est une initiative internationale qui vise à étendre les capacités de prévision dans deux régions du monde qui n’ont reçu à ce jour que peu d’attention des spécialistes, mais dont l’importance va croissant. Le Groupe directeur international a élaboré des plans et des stratégies en concertation avec des instituts de recherche et des centres d’exploitation. Le projet pourrait représenter une contribution cruciale de l’OMM à l’Initiative polaire internationale qui est en
train de se former; ce partenariat coordonnera l’action engagée par de nombreuses agences et organisations pour atteindre d’importants objectifs sociétaux dans les régions polaires et les régions de haute montagne, dont le «troisième pôle» (Himalaya et plateau tibétain). En dernière analyse, la réussite du Projet de prévision polaire dépendra de l’appui que lui accorderont les Membres de l’OMM par leur contribution au Fonds d’affection spéciale destiné à assurer la coordination internationale, de l’aide en nature qui sera fournie par les centres opérationnels, les instituts de recherche et les universités, et de l’intérêt que les organismes de financement nationaux et internationaux porteront à la prévision polaire.

Complément d’information

OMM, WWRP Polar Prediction Project Science Plan, WWRP/PPP No. 1 – 2013, 69 p. – disponible à l’adresse: http://polarprediction.net.

OMM,WWRP Polar Prediction Project Implementation Plan, WWRP/PPP No. 2 – 2013, 59 p. – disponible à l’adresse: http://polarprediction.net.
 

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Le navire russe MV Akademik Shokalskiy prisonnier des glaces de l’Antarctique à 1 500 milles marins au sud d’Hobart, Australie, le vendredi 27 décembre 2013



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1 Consultant, Projet de prévision polaire, Nouvelle-Zélande.
2 Président, Projet de prévision polaire; membre du Groupe d’experts du Conseil exécutif pour les observations, la recherche et les services polaires (OMM); Institut Alfred Wegener, Centre Helmholtz pour la recherche marine et polaire, Allemagne.
3 Assistante, Projet de prévision polaire; Institut Alfred Wegener, Centre Helmholtz pour la recherche marine et polaire, Allemagne.
4 Pour de plus amples informations, voir le site: http://polarprediction.net

 

 

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