Dans le Pacifique tropical, en raison des changements rapides et importants des conditions océaniques observés ces derniers mois, les conditions d’émergence du phénomène El Niño sont réunies. Selon les dernières prévisions des centres mondiaux de production de prévisions à longue échéance relevant de l’OMM, la probabilité d’un épisode El Niño au second semestre de 2023 est de 90 % et celle d’un retour à des conditions ENSO neutres n’est que de 10 %. La probabilité d’apparition d’un phénomène La Niña est négligeable. Les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) suivront de près l’évolution des conditions caractéristiques d’un épisode El Niño et les répercussions de ce phénomène sur les températures et les précipitations à l’échelle nationale et locale. L’OMM actualisera régulièrement ses prévisions dans les mois à venir si cela s’avère nécessaire.
Depuis février 2023, les températures moyennes mensuelles de surface dans le centre-est du Pacifique équatorial, connu sous le nom de «région Niño 3.4» (5° N-5° S, 120° W-170° W), sont devenues significativement supérieures à la normale. Selon le jeu de données OISST (Optimum Interpolation Sea Surface Temperature) de l’Administration américaine pour les océans et l’atmosphère (NOAA), cette anomalie, qui atteignait près d’un demi-degré Celsius (°C) en dessous de la normale (‑0,44 °C) en février 2023, est passée à environ un demi-degré Celsius au-dessus de celle-ci (+0,47 °C) en mai 2023 (par rapport à la moyenne de la période 1991-2020). Au cours de la semaine du mercredi 21 juin 2023, cette anomalie positive dans la région Niño 3.4 s’est accrue jusqu’à dépasser de 1,0 °C la moyenne de la période 1991-2020. Ce réchauffement graduel soutenu des températures de surface est attribué à l’augmentation des températures sous la surface enregistrée ces quatre derniers mois et à une thermocline plus profonde dans l’est du Pacifique équatorial.
Depuis la mi-juin 2023, les températures de surface de la mer et d’autres indicateurs océaniques dans le centre-est du Pacifique tropical présentent des valeurs caractéristiques d’un épisode El Niño. Actuellement, les températures sont élevées sous la surface du Pacifique équatorial, en particulier dans l’est de cette zone. Ce réchauffement sous la surface, combiné à des périodes d’affaiblissement des alizés en lien avec l’oscillation de Madden-Julian et l’activité d’autres ondes tropicales, a contribué à la propagation progressive vers l’ouest des eaux de surface chaudes le long de l’équateur. Sur le plan atmosphérique, l’activité convective est proche de la normale au-dessus du Pacifique équatorial, à proximité de la ligne de changement de date. Sur le Pacifique équatorial, on note un affaiblissement des vents d’est dans la basse troposphère (alizés). Les anomalies de vent en altitude (200 hPa) sont orientées vers l’est sur l’extrême ouest du Pacifique tropical, alors qu’elles sont proches de la moyenne ailleurs. L’indice d’oscillation australe, défini par la différence de pression normalisée au niveau de la mer entre Tahiti et Darwin, se situe désormais dans la fourchette des valeurs El Niño, mais il a présenté d’importantes variations infrasaisonnières et est actuellement moins fort qu’il y a quelques semaines. Un épisode El Niño de faible ampleur semble se développer dans le Pacifique, mais une certaine incertitude demeure car le couplage entre le réchauffement océanique dans le centre et l’est du Pacifique équatorial et la couche atmosphérique située au-dessus est resté limité jusqu’à présent. Un renforcement de ce couplage est attendu dans les mois à venir.
Les centres mondiaux de production de prévisions à longue échéance, qui intègrent les données d’observation récentes dans leurs systèmes dynamiques de prévision saisonnière, communiquent régulièrement des prévisions climatiques à l’échelle planétaire pour les mois à venir. Selon leurs prévisions et évaluations d’experts les plus récentes, il est très probable que le réchauffement se poursuive dans le centre-est du Pacifique équatorial. Les températures de surface de la région Niño 3.4 devraient franchir au minimum les seuils correspondant à un phénomène El Niño d’intensité modérée (anomalie des températures de surface de la mer ≥ 1,0°C). Il est extrêmement probable (à environ 90 %) que l’épisode El Niño se poursuive jusqu’en décembre 2023. Selon ces prévisions, la probabilité que les conditions dans le centre-est du Pacifique équatorial s’atténuent pour atteindre des valeurs ENSO neutres au second semestre de 2023 est de 10 %, et on ne s’attend pas à la réapparition de La Niña au cours de la période de prévision. De plus, d’après les orientations actuelles données par les modèles, on ne peut exclure la possibilité qu’un épisode de forte intensité se produise au cours de la période de prévision.
Il convient de souligner que les phénomènes El Niño et La Niña ne sont pas les seuls facteurs qui déterminent les régimes climatiques à l’échelle régionale et mondiale. En outre, il n’y a pas nécessairement de corrélation directe entre l’intensité d’un épisode ENSO et l’ampleur de ses incidences. Au plan régional, les prévisions saisonnières doivent tenir compte des effets respectifs du phénomène ENSO et d’autres phénomènes influant sur le climat à l’échelle locale. Des informations exploitables à l’échelle régionale et locale peuvent être tirées des prévisions saisonnières du climat de portée régionale ou nationale, comme celles qui émanent des centres climatologiques régionaux de l’OMM, des forums régionaux sur l’évolution probable du climat et des SMHN.