Au cours des deux dernières décennies, les organismes de développement[1] ont investi des millions de dollars des États-Unis d’Amérique (dollars É.-U.) dans des projets qui visent à améliorer les réseaux d’observation météorologique dans les pays en développement. Leur objectif a toujours été d’aider les pays en développement qui ne peuvent pas respecter leurs engagements en matière d’exploitation et de préservation de leurs réseaux nationaux d’observation et d’échange de données. Les services météorologiques, hydrologiques et climatologiques dépendent d’un système mondial f iable et coordonné pour la collecte et l’échange de données d’observation en temps réel. Tous les Membres de l’OMM se sont engagés à contribuer à cet échange. Si un Membre manque à ses engagements, cela a un impact négatif sur la qualité des produits de prévision et de surveillance du temps et du climat, aussi bien à l’échelle locale que mondiale.
Un nombre croissant de projets de développement ayant pour but de renforcer les réseaux d’observation météorologique a vu le jour pour remédier aux carences persistantes en termes de capacités. Cependant, les résultats sont souvent décevants. Le présent article met en avant certaines des raisons pour lesquelles les réseaux d’observation soutenus par des organismes de développement parviennent rarement à s’ancrer dans les pays en développement. L’article avance également quelques solutions pour améliorer le soutien apporté.
Carence en observations de surface: un problème mondial persistant
Malgré plusieurs décennies d’investissements substantiels dans le renforcement du secteur météorologique des pays en développement, de nombreuses régions du globe sont encore loin d’être en mesure d’assurer un échange international continu, f iable et en temps réel des observations de surface. La figure 1 montre les échanges internationaux d’observations in situ de la pression à la surface, une variable d’entrée importante pour la modélisation numérique du système Terre, au 9 septembre 2021. La situation est grave, surtout dans les zones contenant des stations d’observation représentées en noir (aucun échange d’observations), en rouge (échanges sporadiques) ou dans les zones ne contenant pas assez de stations. Non seulement il sera quasiment impossible de fournir des produits de prévision de haute qualité dans ces régions, mais il sera également difficile de déterminer la qualité des prévisions puisqu’aucune observation ne pourra en confirmer la précision. Les observations satellitaires peuvent contribuer à garantir une modélisation réaliste à grande échelle de la dynamique des couches supérieures de l’atmosphère, mais elles ne peuvent pas être utilisées pour vérifier les prévisions de la météorologie en surface. Faute d’échanges d’observations de surface, le reste de la chaîne de valeur météorologique (voir l’article 1, figure 1) manque d’éléments sur lesquels s’ancrer.
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Figure 1. Observations de la pression à la surface reçues par les centres mondiaux de PNT le 9 septembre 2021. (Source: Système de contrôle de la qualité des données du WIGOS) |
L’OMM et ses Membres s’inquiètent du manque d’observations en provenance des pays en développement depuis plusieurs décennies et on a tenté à de nombreuses reprises de résoudre le problème. Cependant, malgré les efforts déployés dans de nombreuses régions, l’écart en matière de données ne cesse de se creuser. Ainsi, le nombre d’observations par radiosonde en Afrique fournies aux modèles mondiaux a diminué d’environ 50 % entre 2015 et le début de l’année 2020. Pour quelles raisons les investissements importants réalisés dans les systèmes d’observation n’ont-ils pas abouti à une augmentation des échanges des données d’observation?
Absence d’approche mondiale
Pour une bonne part, l’insuffisance des résultats peut être attribuée à l’absence d’approche mondiale. Les projets de développement se concentrent en général sur un seul pays. De ce fait, lorsqu’une de leurs composantes concerne les systèmes d’observation, elle se limite à l’infrastructure d’observation nationale. Or, il est rare que les mesures nécessaires à la mise en place d’un échange de données performant soient purement nationales. Cela suppose plutôt une collaboration (et parfois des investissements) avec des systèmes et des entités qui évoluent en dehors du pays, comme le Centre régional de télécommunications, le Centre mondial du système d’information et les centres régionaux du WIGOS, par exemple. Ainsi, les projets qui ne se concentrent que sur un seul pays ne peuvent en général pas remédier aux problèmes liés aux échanges de données.
Puisque les observations qui ne sont pas partagées ont un impact insignifiant sur les prévisions, cela n’incite pas les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) à assurer la maintenance et le fonctionnement des réseaux d’observation une fois que les projets et l’aide prennent fin.
Une approche trop étroite entrave d’autres types de projets. Les projets du «dernier kilomètre» (comme les systèmes d’alerte précoce) dépendent fortement des données des modèles mondiaux. Si l’importance de ces données est bien comprise par les responsables de la mise en œuvre des projets, le rôle des observations locales au sein des modèles mondiaux ne l’est généralement pas. L’importance du lien qui existe entre la disponibilité des observations locales et la qualité des données du modèle n’est généralement pas reconnue, pas plus que l’importance des observations pour la vérification des prévisions. De plus, les observations qui sont les plus importantes pour les prévisions météorologiques dans les petits pays proviennent souvent de l’étranger. Les projets du «dernier kilomètre» qui ne se concentrent que sur un seul pays ne sont généralement pas coordonnés avec des projets similaires dans les pays voisins. De plus, la mise en place d’un réseau d’observation dans un seul pays, en n’ayant aucune garantie que les pays avoisinants vont faire de même, risque de n’avoir qu’une valeur limitée. L’incapacité persistante à résoudre ce problème de manque de coordination internationale des activités des systèmes d’observation est très préjudiciable à la disponibilité des observations par radiosonde, surtout en Afrique.
Absence de critères d’évaluation appropriés
Alors que le manque d’observations en provenance des pays en développement est reconnu et souvent évoqué dans les justificatifs et les descriptifs des projets, ce problème est souvent expliqué, à tort, par le manque de stations d’observation (voir l’encadré 1). Or, puisque l’objectif final est l’échange de données, les critères de réussite des projets concernant les systèmes d’observation doivent être définis en conséquence, et non en termes d’installation et d’exploitation locale des stations.
Encadré 1. Faire la distinction entre les réseaux d’observation et l’échange de données d’observationProjet de développement hydrométéorologique au Malawi:Un réseau complet de 50 stations météorologiques automatiques (SMA) de pointe a été installé au Malawi avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). L’installation a été complétée en 2019 et l’évaluation finale a conclu à la réussite du projet, toutes les stations fonctionnant et fournissant des observations. Cependant, l’analyse initiale des lacunes du Réseau d’observation de base mondial (ROBM) entreprise par l’OMM en 2020 a montré que seule une station du Malawi (qui ne faisait d’ailleurs pas partie du réseau SMA) échangeait sporadiquement des observations à l’international. En collaboration avec le PNUD, l’OMM a mené une évaluation interne de la situation qui a conclu que, en dépit du bon fonctionnement de l’équipement sur le terrain et de la communication de données aux serveurs nationaux, des difficultés techniques continuaient à empêcher l’envoi de ces données aux serveurs régional et mondial hébergés par l’OMM. Une nouvelle enquête commencée en 2021 par l’OMM a montré qu’aucune des observations effectuées par le réseau SMA n’était disponible au siège du SMHN, qu’en raison de difficultés croissantes liées aux capacités nationales et aux contraintes budgétaires, aucune observation n’était échangée à l’échelle internationale, que le réseau était dans l’incapacité de communiquer des données au format standard de l’OMM (BUFR) et que les capacités en matière de télécommunications étaient insuffisantes. Projet CREWS en Afrique de l’Ouest:En 2020, cinq pays d’Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Tchad, Mali, Niger et Togo) ont réalisé des évaluations de leurs infrastructures d’observation et de leurs systèmes de gestion des données. Ces efforts, qui s’inscrivaient dans le cadre d’un projet d’investissement pluriannuel mis en œuvre dans la région par l’Initiative sur les systèmes d’alerte précoce aux risques climatiques (CREWS)[2], avaient pour but de renforcer l’accès des pays à des données essentielles pour les prévisions et à des informations sur les risques pour améliorer l’efficacité des alertes précoces. Les évaluations ont montré que sur les 341 stations d’observation disposant de capteurs de pression dans les cinq pays, 60 seulement (17 %) étaient enregistrées dans la base de données Surface des stations de l’outil d’analyse de la capacité des systèmes d’observation (OSCAR) de l’OMM. Cela limite les échanges de données à l’international et par conséquent la qualité des produits de prévision disponibles dans les pays. Des facteurs historiques sont à l’origine du faible niveau de contribution: de nombreuses stations ont été créées principalement pour fournir des données permettant de prévoir l’insécurité alimentaire et ne sont, par conséquent, pas connectées aux autres systèmes régionaux et mondiaux. Les capacités et les ressources sont également des défis à relever. Les cinq pays ont commencé à remédier au problème. Les mesures prises comprennent l’élaboration de plans de maintenance des infrastructures d’observation, la mise à jour des métadonnées dans la base de données OSCAR et la connexion des stations au Système d’information de l’OMM (SIO), processus qui est désormais simplifié grâce à une connexion Internet. Une transformation majeure a été réalisée au Burkina Faso. La figure ci-dessous montre l’évolution du nombre de stations enregistrées dans la base de données OSCAR Surface au Burkina Faso entre avril et août 2021. Ces efforts vont être généralisés aux 24 pays qui composent l’Afrique occidentale et centrale, en s’appuyant sur le modèle de la coopération durable Sud-Sud et le soutien financier de l’Initiative CREWS. Nombre de stations d’observation en surface (points bleus) enregistrées
dans la base de données de l’outil d’analyse de la capacité des systèmes d’observation (OSCAR)
de l’OMM avant et après le projet de l’Initiative CREWS
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Absence d’ajustement structurel
Les stations météorologiques automatiques (SMA) sont considérées par les donateurs et les organismes d’exécution comme une solution moderne d’une grande efficacité et à bas coût pour obtenir des données météorologiques de surface. Cependant, elles peinent souvent à prendre de l’ampleur dans les pays en développement, dont les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) continuent de s’appuyer sur des observations manuelles effectuées par des observateurs humains et transmises par le biais de moyens de communication obsolètes même après l’installation de réseaux de SMA. Il existe des raisons structurelles à cela, ainsi que des obstacles institutionnels que des projets à court terme ne peuvent pas facilement surmonter.
Absence de coordination et d’intégration dans la mise en œuvre
Un problème récurrent auquel doivent faire face de nombreux pays Membres en développement est de se trouver face à plusieurs partenaires de développement qui essaient de remédier aux carences en matière d’observations indépendamment les uns des autres et par le biais de projets distincts. Ainsi, de nombreux pays en développement se retrouvent avec des réseaux d’observation disparates qui dépendent du soutien des fournisseurs de différents pays donateurs, produisent des données dans des formats exclusifs différents et nécessitent des stocks distincts de pièces de rechange, etc. Il est difficile de maintenir de tels systèmes en place, même pour les SMHN des pays développés.
Un autre problème de coordination découle du manque de reconnaissance du rôle que jouent les SMHN dans les échanges de données internationaux. Les SMHN font office de nœuds nationaux dans les échanges internationaux des observations conformément aux règlements et aux pratiques de l’OMM. Cependant, dans certains cas, les organismes d’exécution ne reconnaissent le rôle essentiel des SMHN dans l’échange des données qu’une fois que toutes les ressources du projet ont été utilisées (matériel acheté et installé), mais qu’aucune donnée ne circule: il n’a pas été prévu de soutien institutionnel, technique ou f inancier suffisant pour les SMHN. Ceci n’a pas un caractère incitatif et en conséquence, aucune donnée d’observation n’est échangée.
L’absence de modèle de financement réaliste compromet la durabilité
Dans les pays en développement, et en particulier dans les petits États insulaires en développement (PEID) et les pays les moins avancés (PMA), le manque d’observations est souvent étroitement lié à l’incapacité de financer les réseaux d’observation nécessaires. La figure 2 montre la densité horizontale des réseaux d’observation nationaux (partie gauche) et les ressources financières disponibles, mesurées d’après le produit intérieur brut (PIB) par km2 (partie droite); une plus grande surface implique une plus grande zone d’observation. Comme les PEID ont souvent des zones économiques exclusives (ZEE) qui sont beaucoup plus étendues que leur zone continentale, les calculs pour les PEID ont été effectués en incluant ces deux zones. La «capacité à payer» des pays riches et des pays pauvres fait apparaître des différences frappantes: les revenus des pays les plus riches au km2 sont plus d’un million de fois supérieurs à ceux des pays les plus pauvres. Des ressources locales insuffisantes débouchent sur des carences en matière d’observations, comme on peut le constater sur la base des similarités entre la partie droite et la partie gauche de la figure 2.
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Figure 2. Comparaison de la capacité à payer et de la capacité à observer. Partie gauche: densité des observations par pays (en rouge, ne répond pas aux exigences). Partie droite: PIB/km2; les couleurs sombres (bleu et violet) représentent des ressources moindres par unité de surface. (Source: OMM, 2021) |
Enfin, l’adoption d’approches commerciales en vue de générer des revenus pour financer certains services publics est souvent très difficile à concilier avec la nécessité de maintenir un échange international libre et gratuit des observations. En raison du rôle des observations au début de la chaîne de valeur et des accords internationaux sur le partage des données, il est difficile pour les États de monétiser les données d’observation et de nombreuses analyses économiques ont montré que cela limiterait considérablement l’utilisation et, par conséquent, l’impact des données.[3] Cependant, dans leur quête de revenus, certains gouvernements ont tenté de restreindre la capacité de leur SMHN d’échanger des données, y compris les observations.
Un nouveau dispositif d’appui pour les réseaux d’observation dans les pays en développement: le mécanisme de financement des observations systématiques
Dans de nombreuses régions du monde, même en améliorant la gestion et les pratiques, il est peu probable que les pays puissent maintenir et exploiter seuls des réseaux d’observation adéquats (voir l’encadré 2). Sensibilisée au problème, la communauté internationale, sous l’égide de l’OMM, du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), ainsi que de ses partenaires de l’Alliance pour le développement hydrométéorologique, a entrepris de mettre en place un nouveau dispositif, le mécanisme de f inancement des observations systématiques (SOFF).
Le SOFF a pour vocation d’accorder des subventions à long terme et d’apporter une aide technique en ciblant tout particulièrement les PEID et les pays les moins avancés (PMA), afin de leur permettre de se conformer à la réglementation du Réseau d’observation de base mondial (ROBM, voir l’article 11). Le SOFF: i) appliquera une stratégie planétaire en visant la durabilité des échanges de données à l’échelle mondiale; ii) offrira un financement à long terme afin de pérenniser la pratique des échanges de données; iii) renforcera les compétences techniques en encourageant la communication des bulletins météorologiques entre pairs, en veillant à ce que tous puissent bénéficier de l’expérience opérationnelle des services météorologiques nationaux les plus avancés de la planète; et iv) mettra pleinement à profit les connaissances et les ressources des partenaires.
Le SOFF sera exclusivement axé sur le début de la chaîne de valeur météorologique (voir l’article 2), tout en travaillant de pair avec d’autres organismes de développement qui se concentrent, eux, sur d’autres maillons de la chaîne, ceci afin que les investissements se traduisent par des bénéfices pour les utilisateurs f inals. Les fonds issus du SOFF seront intégrés à des projets hydrométéorologiques ou climatologiques de grande envergure. Ceci permettra d’aider les pays à renforcer leur capacité d’exploiter utilement des produits améliorés de prévision et de climat, au service de l’adaptation et du renforcement de la résilience.
Le SOFF constituera un «fonds de coalition des Nations Unies». Il sera établi conjointement par l’OMM, le PNUD et le PNUE et administré par le Bureau des fonds d’affectation spéciale pluripartenaires des Nations Unies.
Le SOFF se fonde sur une théorie du changement bien définie. Le soutien du SOFF sera fourni en trois phases consécutives dont les résultats sont conçus pour parvenir à une conformité durable au RBOM. Cela contribuera ensuite à l’objectif final, celui d’une adaptation au climat renforcée et d’un développement résilient grâce à l’amélioration des prévisions météorologiques, des systèmes d’alerte précoce et des services d’information climatologiques, essentiels pour sauver des vies et favoriser la prospérité économique. Les trois phases de soutien du SOFF sont les suivantes:
- La phase de préparation. Les pays bénéficiaires (PEID, PMA et autres pays pouvant prétendre à l’aide publique au développement (APD) auront accès à une assistance sous forme d’analyses et de conseils fournis par des services météorologiques nationaux, dans une logique de conseil de pair à pair, afin de définir leurs lacunes par rapport au ROBM et d’élaborer un plan national de contribution au ROBM.
- La phase d’investissement. Les PEID et les PMA recevront des subventions destinées à financer des investissements et des conseils, afin d’établir les réseaux de stations et de renforcer les capacités humaines et institutionnelles nécessaires à la mise en conformité avec les principes du ROBM.
- La phase de conformité. Les PEID et les PMA recevront des subventions en fonction de leurs résultats, pour couvrir les frais d’exploitation et de maintenance des stations conformes au système de partage de données du ROBM.
Le SOFF sera mis en œuvre en trois phases s’échelonnant sur une période de dix ans conçues pour parvenir à une conformité durable de tous les PEID et PMA aux normes du ROBM et fournir une assistance technique relative au ROBM à tous les pays en développement. Le mécanisme sera établi officiellement sous l’égide du Bureau des fonds d’affectation spéciale pluripartenaires des Nations Unies d’ici à la fin octobre 2021. La création du SOFF sera annoncée lors de la vingt-sixième session de la Conférence des Parties (COP26) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, lors d’une manifestation de haut niveau à laquelle assisteront les premiers bailleurs de fonds. Le SOFF devrait devenir opérationnel d’ici à la mi-2022.
Pour parvenir à une conformité pérenne avec les règlements du RBOM et donc à une amélioration durable de l’échange international de données d’observation, il faudra des investissements substantiels, un renforcement des capacités et des ressources à long terme pour l’exploitation et la maintenance dans de nombreux pays. Pour resserrer les mailles du ROBM, le nombre d’observations effectuées par les PEID et les PMA devra être multiplié par 28 pour les stations en surface et par 12 pour les stations en altitude par rapport à leurs niveaux actuels. La concrétisation de cet objectif ambitieux avec la rapidité nécessaire passe par un renforcement des efforts internationaux. Le SOFF répond à ce besoin critique.
Encadré 2. Les enjeux spécifiques de la pérennité des réseaux d’observation des PEID du Pacifique – Programme PNUE/FVCEn novembre 2020, le Fonds vert pour le climat (FVC) a approuvé un programme du PNUE pour cinq PEID du Pacifique: les Îles Cook, les Îles Marshall, Nioué, les Palaos, et les Tuvalu, pour un montant total de 49,9 millions de dollars É.-U. Cette initiative appuie le développement de services d’information climatologiques et océaniques intégrés, de services hydrométéorologiques axés sur l’être humain et de systèmes d’alerte précoce multidangers. Les cinq pays font l’objet d’une étude de cas initiale dans le cadre de l’analyse des lacunes des pays du ROBM. Les objectifs seront atteints grâce à quatre composantes interconnectées: i) un modèle de prestation de services durable pour les services climatologiques et hydrométéorologiques et les services d’alerte précoce; ii) des observations renforcées qui répondent aux exigences du ROBM et des prévisions axées sur les impacts; iii) une amélioration de la préparation de la population, des moyens d’intervention et une résilience accrus face aux risques climatiques, y compris un financement fondé sur les prévisions; et iv) une coopération régionale et une gestion des connaissances des services climatologiques améliorées. Il a été conclu dans l’évaluation effectuée par le Conseil du FVC et le Groupe consultatif technique indépendant que la conformité avec le ROBM était une approche innovante qui renforçait la valeur du programme. Il a également été pris note des défis que devraient relever les réseaux proposés dans les pays du programme en termes de durabilité. En tant que PEID du Pacifique, ces cinq pays seront confrontés à des difficultés bien spécifiques pour assurer la pérennité de leurs réseaux d’observation hydrométéorologique. Tous les pays du monde sont censés fournir les ressources nécessaires pour exploiter et maintenir durablement leur réseau d’observation sur leur territoire national (y compris les zones océaniques). Or, ceci est impossible pour ces PEID du Pacifique compte tenu de leurs faibles revenus, de la petite superficie de leurs terres émergées et de leurs vastes zones océaniques. Il faut savoir par exemple que les terres émergées des Îles Marshall (181 km2) ne représentent que 0,009 % de leur ZEE (2 131 000 km2). La petite taille, l’éloignement et l’insularité de ces pays sont un réel problème pour la logistique des transports. Le coût des déplacements, des transactions et des opérations de manière générale dans le Pacifique est plus élevé que dans d’autres régions du monde. Communiquer avec les îles périphériques peut également s’avérer coûteux et peu fiable. Cela se traduit par une augmentation des coûts à chaque étape de l’investissement dans le réseau, de son exploitation, de sa maintenance et de son remplacement. De plus, les conditions environnementales (c’est-à-dire les températures élevées, la forte humidité et les vents salins) dans les zones tropicales chaudes telles que le Pacifique Sud mènent souvent la vie dure aux capteurs météorologiques et aux équipements automatiques. Les stations météorologiques peu coûteuses cessent souvent de fonctionner dans les douze mois. Il faut donc privilégier des équipements plus sophistiqués et plus robustes qui pourront fonctionner de manière précise sur de longues périodes et ne nécessiteront qu’une maintenance limitée. Cette solution est plus économique sur le long terme même si elle requiert des fonds initiaux plus importants. Les perturbations et les dommages causés par des phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents ou intenses et provoqués par le changement climatique compromettent également la pérennité des stations. Or, faute d’observations in situ systématiques recueillies sur des îles périphériques très dispersées, les produits locaux de prévision ne peuvent être validés et les PEID du Pacifique ne peuvent mettre en œuvre des mesures opportunes pour atténuer les impacts climatiques extrêmes. |
Résumé
Tous les Membres de l’OMM sont entièrement acquis au principe de l’échange international des données. Cependant, des contraintes structurelles, politiques et financières empêchent actuellement certains pays Membres en développement de respecter pleinement leur engagement au titre de la Convention de l’OMM. La nouvelle politique unifiée en matière de données de l’OMM et les initiatives connexes telles que les règlements du ROBM et le SOFF, offrent la possibilité à l’OMM, aux partenaires du développement et aux Membres de l’Alliance pour le développement hydrométéorologique d’aider les pays Membres en développement à remédier à ces problèmes dans l’intérêt de tous. Cela entraînera une augmentation spectaculaire des données d’observation échangées à l’échelle internationale et débouchera donc sur une nette amélioration des modèles employés pour la surveillance et la prévision. Pour la première fois en outre, cette nouvelle politique énonce clairement le principe selon lequel, en échange de leurs observations, les pays Membres en développement doivent bénéficier d’un accès libre et gratuit aux produits des modèles qui sont créés à partir de leurs observations. Cela permettra d’améliorer les capacités de tous les Membres de l’OMM en matière de prestation de services dans l’ensemble des domaines relatifs à la prévision et à la surveillance du système Terre.
Footnotes
[1] Le présent article s'inspire pour une bonne part du projet de la Banque mondiale et du rapport en cours d'examen par les pairs intitulé «A Vision: Charting a Course For Sustainable Meteorological and Hydrological Observation Networks in Developing Countries» (Une vision: tracer la voie pour des réseaux durables d'observation météorologique et hydrologique dans les pays en développement) par Tsirkunov, Grimes, Rogers, Varley, Schumann, Day et des contributions de la HMEI, 2021.
[2] L'Initiative CREWS est un mécanisme de financement qui a pour but de renforcer les systèmes d'alerte précoce axés sur les impacts et sur l'être humain dans les PMA et les PEID. Le montant des projets actuellement financés s'élève à 75 millions de dollars É.-U. Les projets sont menés par les pays et les institutions régionales avec l'appui logistique de la Banque mondiale, de l'OMM et du Bureau des Nations Unies pour la prévention des catastrophes (UNDRR). L'Allemagne, l'Australie, la Finlande, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse alimentent ce fonds d'affectation spéciale.
[3] Voir les exemples et les références concernant les bénéfices des politiques de libre-échange des données: i) la Représentante permanente de la Hongrie auprès de l'OMM explique, lors de la Conférence sur les données, comment et pourquoi son pays a adopté une politique de libre-échange des données, ii) l'atelier de préparation à la Conférence de l'OMM sur les données énumère les bénéfices de la politique de libre accès aux données Copernicus et détaille les avantages économiques sous-jacents et iii) Stratégies d'accès ouvert aux données au sein du Groupe sur l'observation de la Terre et de la communauté scientifique
Par Lorena Santamaria et Lars Peter Riishojgaard, Secrétariat de l’OMM, John Harding, Chef du Secrétariat de l’Initiative sur les systèmes d’alerte précoce aux risques climatiques (CREWS), Benjamin Larroquette, Conseiller technique régional pour l’Équipe sur la nature, le climat et l’énergie du PNUD et Jochem Zoetelief, Chef de l’Unité des services et des renforcements des capacités climatologiques de la Division science du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE)