«Si vous aimez vos prévisions du temps pour les 7 prochains jours, remerciez les océanographes.» – Craig McLean, Directeur scientifique par intérim, Administration américaine pour les océans et l’atmosphère (NOAA) des États-Unis d’Amérique, Sous-comité sur l’environnement du Comité sur la science, l’espace et la technologie de la Chambre des représentants des États-Unis, juin 2021.
L’océan nous concerne tous. Il couvre plus des deux tiers de la surface de la Terre. Il a un impact sur notre vie quotidienne et sur un large éventail de secteurs économiques – de l’agriculture aux activités marines et côtières en passant par le tourisme, la construction et les assurances. En tant qu’élément clé du système climatique, il exerce une influence directe sur les caractères du temps sur l’ensemble du globe, y compris pour des zones situées à des milliers de kilomètres du littoral le plus proche. Ce ne sont là que quelques unes des raisons pour lesquelles le Système mondial d’observation de l’océan (GOOS) est essentiel pour améliorer les produits et services de l’OMM.
Les observations océaniques sont nécessaires à l’exécution du mandat de l’OMM, qui a pour objet d’aider ses Membres à fournir et à utiliser des informations et des services de qualité et dignes de foi en météorologie, en climatologie, en hydrologie et dans des domaines environnementaux connexes pour améliorer le bien-être de tous les pays. En particulier, comme les sociétés se voient confrontées aux effets des changements climatiques, un plus grand nombre de données océaniques sera nécessaire pour mieux prévoir les phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes tels que les sécheresses, les inondations, les feux incontrôlés, les vagues de chaleur et les cyclones tropicaux, et mieux s’y adapter.
L’importance des données océaniques a été soulignée dans les conclusions du récent Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, RE6, août 2021)1 . Les changements observés au regard de plusieurs paramètres océaniques qui ont un impact sur certains phénomènes tels que les vagues de chaleur, la fréquence des ouragans et les inondations occupent une place prépondérante dans le rapport. Depuis 1980, la température de la mer en surface a augmenté de 0,6 °C, ce qui a contribué à un excès de la teneur en chaleur de l’océan, à un quasi doublement de la fréquence des vagues de chaleur marines qui sont également devenues plus intenses, et à une élévation du niveau de la mer, parallèlement à une diminution du volume de la glace arctique. Avant 2050, l’océan Arctique devrait être pratiquement libre de glace au cours du minimum d’étendue saisonnier de glace de mer. L’acidification de l’océan s’accentue en raison de l’absorption des émissions de dioxyde de carbone et se propage plus profondément dans l’océan, entraînant des changements dans la chimie de l’eau salée.
Dans le contexte actuel, on ne saurait trop insister sur l’importance du GOOS en tant que système mondial d’observation durable de l’océan. Coparrainé par l’OMM, la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l’UNESCO, le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et le Conseil international des sciences, ce programme dirige, soutient et coordonne les observations océaniques durables et à long terme pour le climat, les services opérationnels et la santé des océans. Depuis trois décennies, le GOOS coordonne les observations effectuées in situ au moyen d’un large éventail d’initiatives, de projets et de systèmes d’observation des océans aux niveaux mondial, national et régional.
Aujourd’hui, le fait que le système GOOS évolue et innove conformément à une approche du système Terre et au plan stratégique de l’OMM est essentiel pour améliorer les services et produits météorologiques, climatologiques et hydrologiques des Membres de l’OMM. Pour appuyer les efforts du GOOS en matière d’évolution et d’innovation, le présent article présente cinq recommandations. Si ces recommandations sont mises en œuvre, elles aideront non seulement le GOOS à adopter une approche du système Terre, mais accéléreront également l’application des observations océaniques et la fourniture de données dans le cadre des opérations de l’OMM afin d’améliorer les prévisions météorologiques et climatiques, en particulier pour les phénomènes extrêmes.
- Compléter le Réseau d’observation de base mondial (ROBM) de l’OMM par un système mondial d’observation de base des océans. Ce système d’observation «de base» des océans devrait être conçu pour répondre aux besoins prioritaires de l’OMM en matière d’observations et de partage des données, pour se concentrer sur les moyens d’appuyer la mise en œuvre et pour évoluer en fonction des facteurs tant opérationnels que scientifiques.
- S’engager et apporter un soutien auprès du Programme de coconception de l’observation des océans du GOOS afin de construire un système qui réponde aux besoins des services de l’OMM; par exemple, en élaborant un projet exemplaire axé sur l’utilisation de l’OMM.
- Adopter les principes FAIR (selon lesquels les données doivent être faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables) pour les données océaniques, afin de tenir compte de la diversité des systèmes d’observation des océans et des systèmes de gestion des données.
- Renforcer les relations, la coopération et la coordination entre les points de contact appropriés des Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) et les points focaux nationaux du GOOS.
- Accroître la coopération et la coordination entre les Alliances régionales pour le GOOS (GRA) de la COI et les conseils régionaux (CR) de l’OMM afin d’améliorer la conception et la collecte des observations océaniques pour les applications de l’OMM.
Statut du Système mondial d’observation de l’océan (GOOS)
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Depuis 1991, le GOOS a progressivement créé un vaste système mondial d’observations océaniques, basé sur les contributions d’un grand nombre d’organisations et de gouvernements, et ce, au bénéfice des pays du monde entier. Au cours des deux premières décennies de son activité, le GOOS s’est surtout concentré sur l’établissement d’un système propre à développer la climatologie et à constituer le fondement observationnel des systèmes de prévision opérationnels. En 2012, le succès qu’il a rencontré, conjugué aux préoccupations croissantes soulevées par la santé des océans et à la demande de produits d’information permettant aux pays de gérer leurs économies océaniques, a suscité l’élaboration du Cadre d’observation de l’océan proprement novateur. Depuis, le GOOS a dirigé la mise en œuvre du Cadre d’observation de l’océan afin de répondre aux besoins des utilisateurs dans les secteurs du climat, des services opérationnels et de la santé des océans, en mettant de plus en plus l’accent sur les mers côtières et régionales.
Le GOOS a travaillé de manière interactive avec la communauté d’observation des océans pour définir les variables océaniques essentielles et les variables climatologiques essentielles sur la base d’évaluations de faisabilité et d’impact. Les observations des variables océaniques essentielles et des variables climatologiques essentielles sont indispensables pour fournir des évaluations scientifiques des changements climatiques et de la santé de l’environnement, pour permettre la prévision environnementale et l’adaptation aux changements climatiques, et pour contribuer à une protection plus efficace des écosystèmes. (Les variables climatologiques essentielles sont examinées plus en détail à l’article 5.)
La durabilité et la fiabilité de la diffusion des données VOE sont importantes pour la prestation des services océaniques. Les quelque 30 variables océaniques essentielles sont réparties à peu près également entre les variables physiques, biogéochimiques, biologiques et d’écosystèmes. Les variables océaniques essentielles physiques sont considérées comme des «données fondamentales» dans le projet de politique unifiée de l’OMM en matière de données, ce qui signifie que les Membres doivent les échanger. En revanche, toutes les autres variables océaniques essentielles biogéochimiques, biologiques et d’écosystèmes sont considérées comme des «données recommandées» et, à ce titre, devraient être échangées par les Membres pour appuyer les efforts de surveillance et de prévision du système Terre.
Aujourd’hui, le Groupe de coordination des observations (OCG) du GOOS ainsi que le Centre conjoint OMM-COI de soutien aux programmes d’observation in situ dans les domaines de l’océanographie et de la météorologie maritime (OceanOPS) renforcent et coordonnent ensemble les activités de 12 réseaux mondiaux d’observation des océans. Cette initiative extrêmement complexe comprend près de 10 000 plates-formes opérationnelles d’observation, qui sont toutes engagées à fournir des données librement accessibles, d’une qualité et d’une latence adaptées aux applications des utilisateurs. Les données d’observation comprennent des variables atmosphériques au-dessus de l’océan (telles que la pression à la surface de la mer, la température de la mer en surface, l’humidité et la tension du vent) de chaque région océanique, y compris les zones sous-échantillonnées (telles que les pôles et l’océan Austral). Mondiaux et complémentaires, ces 12 réseaux d’observation des océans sont exploités par plus de 80 pays. Ils comprennent des navires, tant universitaires que marchands, des instruments mobiles de surface et de subsurface, ainsi que des plates-formes fixes.
![]() 1) Situation: Situation au regard de l’objectif du réseau.
2) La colonne santé de l’océan regroupe les observations menées à l’appui de l’évaluation de l’état biologique et géochimique de l’océan.
3) Les phénomènes météorologiques extrêmes englobent les vagues de chaleur, les ouragans et les inondations.
Flotteurs profilants: À l’heure actuelle, un réseau de 4 000 flotteurs autonomes permet d’établir des profils de la température et de la salinité jusqu’à 2 000 m de profondeur, à partir de prélèvements effectués en vue de prévisions climatiques saisonnières, et de l’évaluation de la teneur en chaleur des océans/* Les missions Deep et BGC qui voient le jour visent à étendre la capacité des flotteurs en termes de profondeur (jusqu’à 6 000 m) et le volume des observations biogéochimiques.
Bouées dérivantes et polaires: Il existe un réseau de 1 500 bouées dérivantes qui permettent d’observer la pression atmosphérique en surface, la température et les courants sur l’océan et qui sont indispensables pour les prévisions météorologiques mondiales et régionales. Bouées ancrées: Un réseau d’environ 400 bouées ancrées permet d’observer de multiples paramètres atmosphériques et océanographiques, principalement dans les zones côtières et tropicales, pour les prévisions météorologiques régionales et les opérations océaniques.
Mesures météorologiques à partir de navires: Il existe une grande flotte de navires d’observation bénévoles qui mesurent les paramètres de météorologie maritime pour la prévision météorologique maritime et la sécurité en mer, les enregistrements effectués remontant à 150 ans et étant également utilisés dans le cadre de la recherche climatique.
Mesures océanographiques à partir de navires: Le programme de navires occasionnels (SOOP) a pour objet les mesures qui sont actuellement réalisées à partir des navires d’observation bénévoles, notamment les profils de température XBT jusqu’à 1 000 m de profondeur, la température de la mer en surface, la salinité et la pCO2 , à partir de transects ou de lignes de référence à répétition.
Mesures aérologiques à partir de navires: Le Programme de mesures automatiques en altitude à bord de navires recueille des données en altitude pour des applications opérationnelles et des études du climat mondial, au moyen de navires bénévoles.
Marégraphes: Un réseau de 290 stations d’observation marégraphique permet d’obtenir des séries chronologiques à long terme de haute qualité enregistrées par des marégraphes pour la recherche sur le climat, les utilisateurs opérationnels maritimes et les avertissements de points dangereux.
Capteurs océaniques portés par des animaux: Un réseau d’instruments déployés sur des animaux marins permet de fournir des profils océaniques de température et de salinité, ainsi que des données comportementales pour une gestion durable.
Transects à répétition: Les navires océanographiques fournissent des données de haute qualité recueillies sur toute la profondeur et toute la largeur de l’océan, sur des lignes de référence à répétition tous les dix ans. Ces lignes servent de référence à l’étalonnage des instruments et aux études sur le climat, telles que les études de biogéochimie marine et sur le cycle du carbone, et alimentent de nombreuses applications scientifiques.
Sites de séries chronologiques à long terme: Il existe un réseau de 300 bouées ancrées de haute mer et en eau profonde qui servent de stations de référence pour mesurer des douzaines de paramètres océaniques, dans les domaines physique, biogéochimique et biologique, et surveiller toute la profondeur de l’océan depuis les interactions air mer jusqu’aux fonds marins.
Radars haute fréquence: Il existe un réseau de 150 stations opérationnelles qui mesurent les courants côtiers de surface de haute fréquence aux fins de l’assimilation des données dans des modèles, de l’étude des courants de surface et des besoins des services opérationnels.
Hydroplaneurs du programme OceanGliders: Il existe un réseau d’environ 200 véhicules sous marins autonomes qui profilent l’océan jusqu’à 1 000 m au cours de missions régulières préprogrammées, généralement le long de transects spécifiques. Ils recueillent toute une série de paramètres sur les côtes et en haute mer, qui sont utilisés pour la prévision des tempêtes, la surveillance des courants aux limites mondiaux et l’évaluation de la santé des océans et de l’écosystème.
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Une équipe de coordination technique d’OceanOPS soutient la mise en œuvre du système mondial par l’intégration et l’harmonisation des métadonnées – à savoir des informations de base sur les données qui facilitent leur recherche et leur utilisation. Cette gestion des métadonnées permet un suivi précis de l’activité mondiale d’observation des océans en cours et garantit que les données et les métadonnées peuvent être livrées aux parties prenantes.
D’autre part, l’OCG du GOOS soutient le système mondial en travaillant avec les 12 réseaux internationaux d’observation des océans pour élaborer des stratégies communes dans huit domaines, dont la gestion des données, les meilleures pratiques, les mesures, le renforcement des capacités et les besoins. Ces stratégies communes permettent de consolider les 12 réseaux, de piloter la croissance du système et de développer la mise en œuvre entre plates-formes.
Les organes régionaux jouent également un rôle dans la gestion du GOOS. Les Alliances régionales pour le GOOS (GRA), créées par le Conseil régional du GOOS en 1994, ont pour mandat de relier «le niveau mondial au niveau régional et au niveau national». Le processus de réforme de l’OMM a ouvert la voie, par l’intermédiaire du nouveau Conseil collaboratif mixte OMM-COI, aux GRA et aux conseils régionaux de l’OMM pour travailler ensemble sur des questions communes mettant en relation océan et météorologie.
Pour ce qui est des observations par satellite, il convient de noter que si le présent document se concentre sur la composante d’observation in situ des océans, il est également important de reconnaître l’impact des investissements très importants dans les observations océaniques effectuées à partir de l’espace. Depuis le lancement des premiers satellites d’observation de la Terre à la fin des années 1970, on a assisté à un développement considérable des données océaniques recueillies par télédétection, qu’il s’agisse d’altimétrie, d’étude de la couleur de l’océan, de la température de la mer en surface ou de la salinité. On ne saurait trop insister sur l’importance des données de télédétection pour les services océaniques, notamment dans la mesure où ils sont capables de combler les lacunes du système d’observation in situ. Par exemple, les données de télédétection de la chlorophylle et de la température sont utilisées pour combler les lacunes des observations éparses du CO2 océanique afin d’atteindre la couverture nécessaire pour estimer les flux mondiaux de CO2 .
L’un des objectifs fondamentaux du GOOS, c’est que les données océaniques soient livrées de manière efficace, c’est-à-dire qu’elles soient d’une latence et d’une qualité appropriées, assorties de métadonnées suffisantes, idéalement dans le respect des principes FAIR (selon lesquels les données doivent être faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables), et qu’elles le soient aux services et aux utilisateurs qui en ont besoin, de manière gratuite et librement accessible. Ce n’est pas une tâche facile. Le système d’observation des océans est diversifié, avec un large éventail d’acteurs fournissant des données à un grand nombre de portails de données conçus à des fins différentes. Bien que les principes des données FAIR soient essentiellement une condition préalable aux services opérationnels de l’OMM, ils ne sont pas encore largement mis en œuvre pour de nombreux flux de données océaniques, en particulier pour les données en mode différé. Pour y faire face, l’un des onze objectifs stratégiques de la Stratégie relative au GOOS à l’horizon 2030 préconise des données océaniques FAIR.
La fourniture efficace des données du GOOS est un objectif clé qui ne peut être atteint sans un système de gestion des données fonctionnant sans heurts et convenablement connecté et financé. Pour soutenir un tel système de gestion des données, le GOOS s’appuie sur la coopération avec l’Échange international des données et de l’information océanographiques (IODE) et le Système de données et d’information océanographiques (ODIS) ainsi que le Système d’information de l’OMM (SIO). En particulier, le développement de la version 2.0 du SIO (voir l’article 4) offre de grandes possibilités d’améliorer radicalement la diffusion des données océaniques à un groupe d’utilisateurs toujours plus grand.
Défis et perspectives
Le GOOS fait actuellement face à un certain nombre de défis et de perspectives qui le poussent à innover et à évoluer. Pour améliorer les services et produits météorologiques, climatologiques et hydrologiques des Membres de l’OMM, il est essentiel de surmonter ces défis par l’intégration des systèmes d’observation des océans dans une approche du système Terre et conformément au plan stratégique de l’OMM.
Tant pour les fournisseurs que pour les utilisateurs d’observations océaniques, l’un des défis majeurs consiste à déterminer quels sont les efforts à réellement soutenir de manière continue, puis à s’engager à en assurer un financement et un soutien opérationnel durables. Pour relever ce défi, il faut étendre et établir des partenariats pour appuyer le projet d’observation des océans, et explorer le développement d’un système mondial d’observation de base des océans.
Qu’ils soient liés à des missions ou expérimentaux, les systèmes d’observation des océans se justifient normalement pendant une période limitée, pour relever un défi de recherche ou répondre à un besoin particulier. Cependant, on a eu tendance à dépendre de systèmes financés par la recherche qui comblent telle ou telle lacune de mesure ou de couverture et à les considérer comme des systèmes opérationnels de fait. Le nombre d’acteurs dans le domaine de l’observation des océans est à l’origine de cette diversité des applications et de la demande (croissante) et inversement, et contribue à la richesse des observations qui, si elles sont partagées, apportent une valeur ajoutée à beaucoup d’autres domaines. Il reste que cette diversité peut également se traduire par l’absence d’une approche coordonnée concernant les priorités de l’observation des océans, en particulier au niveau national où le financement est en grande partie assuré et où la concurrence pour les ressources est vive. De surcroît, l’utilisation permanente d’un financement de recherche pour soutenir des systèmes opérationnels de fait pèse sur la communauté des chercheurs, dans la mesure où ces fonds ne sont alors plus disponibles pour de nouvelles recherches.
Aucune solution miracle ne permettra d’obtenir de nouveaux fonds pour l’observation des océans à l’appui d’une transition vers les opérations. Toutefois, le renforcement des liens entre les organismes nationaux rattachés à l’OMM et les institutions rattachées à la COI pourrait se solder par des avantages mutuels en matière de collaboration élargie, d’efficacité accrue et de réduction des doubles emplois. De plus, il est nécessaire de mettre au point un processus, des outils et une infrastructure ouverts pour coordonner et hiérarchiser les besoins des utilisateurs et évaluer la capacité des systèmes afin d’assurer un service indépendant de la plate-forme. Une délimitation plus claire des éléments qui, au sein des systèmes mondiaux d’observation de l’océan (et, par extension, régionaux et nationaux), pourraient constituer un système d’observation de base de l’océan et irréductible permettrait aux entités qui dirigent le développement des systèmes d’observation de prendre de meilleures décisions. Ces entités (par exemple, les opérateurs de satellites) cherchent à obtenir des engagements de financement permanent pour les exploiter et les conserver à long terme et (souvent) à partager librement les données recueillies avec la communauté mondiale. Leur travail de recherche de fonds et de développement devrait s’appuyer sur les variables océaniques essentielles et d’autres priorités identifiées en matière de données océaniques, ainsi que sur les initiatives déjà en cours.
Le GOOS ainsi que le partenariat OMM-COI couvrent tout l’éventail des applications des observations océaniques. Celles-ci vont de la compréhension, de la modélisation et de la prévision de l’état et de la structure des océans afin de mieux gérer les menaces, les dangers, la productivité et la durabilité de l’environnement océanique, à la compréhension du rôle joué par les océans en tant que partie intégrante du système Terre global, à toutes les échelles de temps.
Ce large éventail d’applications témoigne du fait que les observations océaniques systématiques et constantes et les observations océaniques basées sur des missions sont à la fois nécessaires (comme indiqué dans la Stratégie relative au GOOS à l’horizon 2030). Une fois de plus, cependant, une certaine hiérarchisation serait utile. La possibilité de formaliser une approche par étapes du système d’observation de l’océan doit être étudiée, sa composante fondamentale étant constituée par un système mondial d’observation de base de l’océan. Ce système mondial d’observation de base de l’océan serait conçu pour répondre aux besoins prioritaires en matière d’observations et de partage des données; son évolution et ses innovations seraient fonction des enjeux opérationnels et scientifiques; et il se concentrerait sur les moyens d’assurer une mise en œuvre soutenue.
L’élimination des obstacles liés à la souveraineté nationale sur les mers est un autre aspect important à prendre en considération dans la conception et la mise en œuvre d’un système mondial d’observation de l’océan. L’atelier «Ocean-Safe» de 2019, piloté par l’OMM, a souligné l’importance de faciliter l’accès aux zones économiques exclusives (ZEE), en particulier pour effectuer et partager des mesures de subsurface essentielles pour certaines applications opérationnelles comme les prévisions météorologiques et la sécurité de la vie en mer. Le programme Argo, la source la plus abondante d’observations de subsurface, a facilité l’accès aux instruments déployés en haute mer qui dérivent dans une ZEE, mais non pour les déploiements assurés directement dans une ZEE, ce qui limite inévitablement sa couverture mondiale en matière de données. Le plus souvent, les demandes bilatérales d’autorisation de recherche scientifique marine, à présenter obligatoirement six mois avant les opérations, ne sont pas satisfaites aujourd’hui; et elles s’avèrent poser des problèmes pratiques pour les instruments autonomes déployés à partir d’un large éventail de possibilités multinationales, notamment par des tiers. Il est nécessaire de faciliter ces observations essentielles, en s’appuyant éventuellement sur le système de notification Argo afin de garantir la transparence pour les États côtiers.
Cartes OSCAR-Surface de l’OMM avec ou sans observations océaniques du GOOS |
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Bien que l’Outil d’analyse de la capacité des systèmes d’observation (OSCAR) de l’OMM préconise des observations en surface, les 2/3 de la surface de la Terre nous échappent encore si nous n’incluons pas les données océaniques. L’enrichissement du ROBM avec des observations océaniques permet d’améliorer les services climatologiques et météorologiques pour assurer la protection des vies, des moyens de subsistance et des biens. Dans cette figure représentant la région tropicale de l’océan Pacifique où se produit le phénomène El Niño, il est manifestement nécessaire d’inclure les données océaniques dans un système unifié, les points verts sur le panneau de gauche représentant les observations océaniques. |
Dans le même temps, une série de possibilités se présentent et plus particulièrement la politique unifiée de l’OMM en matière de données. Cette mise à jour importante de la politique de l’OMM en matière de données est une occasion unique pour la communauté de la recherche océanographique. Elle permettrait à cette communauté de bénéficier d’un accès libre et sans restriction beaucoup plus grand aux données provenant de sources non traditionnelles (par exemple, les données météorologiques, atmosphériques et cryosphériques) qui ont une incidence sur les services et la recherche océaniques au moyen d’applications telles que les modèles couplés. De plus, l’accès aux outils du WIGOS et du SIO permettra d’accroître la découvrabilité, les normes, les identifiants de station et les échanges, ce qui contribuera à la réalisation des objectifs de l’OMM et de la communauté des observateurs de l’océan. La politique unifiée de l’OMM en matière de données permettra également de mieux reconnaître les fournisseurs de données grâce à l’attribution de données de recherche utilisées à des fins opérationnelles. Enfin, cette politique révisée est également susceptible d’influencer les politiques nationales, ouvrant ainsi la voie au partage et à la coordination interinstitutions des données océaniques au niveau des pays.
En outre, des projets d’avant-garde comme l’OpenGTS offrent la possibilité d’améliorer l’accès à des données météorologiques et océanographiques gratuites. Ces projets démontreront les avantages d’une approche intégrée et collaborative de certains domaines stratégiques tels que l’accès libre aux données, les prévisions météorologiques et océanographiques et les alertes environnementales. Le plan de mise en œuvre de la version 2.0 du SIO a approuvé l’OpenGTS en tant que projet de démonstration et comprend des activités susceptibles de bénéficier à la communauté de l’OMM en vue d’un accès plus large et plus complet aux données.
Un certain nombre de possibilités supplémentaires ont vu le jour dans le cadre d’autres projets internationaux de gestion des données. Afin d’optimiser la diversité des financements et de répondre aux exigences des organismes d’observation des océans, le GOOS participe à de multiples autres efforts internationaux de gestion des données, qui visent à harmoniser la gestion des données et des métadonnées à l’échelon international et à élaborer une stratégie mondiale et un plan unifié de mise en œuvre. L’OCG, OceanOPS, l’IODE et l’OMM jouent tous un rôle dans cette action. Cette capacité de coordination stratégique est soutenue par l’infrastructure du GOOS et a déjà fait preuve de sa fécondité et de son efficacité. Il convient de souligner, en particulier, le projet sur les bonnes pratiques océanographiques, qui vise à améliorer l’utilisation des observations ainsi que des données et métadonnées.
Succès pratiques enregistrés pour aider à améliorer les services
Les observations océaniques sont fondamentales pour que les pays soient prêts à faire face aux aléas météorologiques et parés sur le plan climatique. On trouvera ci-dessous plusieurs exemples qui montrent comment les données océaniques sont utilisées ou pourraient l’être pour fournir des prévisions météorologiques plus précises.
- Les observations de la pression au niveau de la mer (PNM) obtenues par des bouées dérivantes sont essentielles pour les PNT fournies par les agences météorologiques du monde entier.
- Le Programme d’ajout de baromètres du Groupe de coopération pour les programmes de bouées de mesure, soutenu par le Programme mondial de bouées dérivantes de la NOAA, permet aux utilisateurs de la communauté météorologique de mesurer la valeur moyenne de la pression atmosphérique réduite au niveau de la mer dans leurs zones d’intérêt; les utilisateurs paient simplement le coût supplémentaire de l’ajout d’un port de baromètre et d’un capteur de pression à une bouée dérivante standard.
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Les observations in situ de la pression au niveau de la mer (PNM) à la surface de l’océan, obtenues par les bouées dérivantes, sont très précieuses pour ancrer le champ de pression en surface mondial et contribuent de manière considérable aux capacités de la PNT. L’analyse de l’impact des observations sur la sensibilité des prévisions (voir le graphique) indique que les bouées PNM apportent la plus grande contribution par observation en matière de capacités. |
- Des progrès ont été réalisés dans la prévision des phénomènes météorologiques extrêmes grâce à l’utilisation des données océaniques. De multiples types de stations d’observation de l’océan – bouées dérivantes, hydroplaneurs du programme OceanGliders, flotteurs Argo et bouées ancrées – collectent des données océaniques le long des trajectoires projetées des cyclones tropicaux en vue de leur assimilation en temps réel dans les modèles de PNT.
- Depuis 2020, les ouragans de l’Atlantique Nord fournissent des cas réels à la NOAA, ce qui permet à l’agence d’évaluer la composante océanique du flux complet de données de prévision des ouragans de bout en bout.
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NOAA’s Efforts to improve hurricane intensity forecasts were applied in August 2020 to Hurricane Isaias deploying in situ gliders, drifters, and Argo floats |
- De même, le Service météorologique national indien, en collaboration avec l’Institut national indien des technologies océaniques, fournit des observations de séries chronologiques provenant d’un réseau de bouées ancrées afin d’améliorer les prévisions concernant la trajectoire et l’intensité des cyclones. Les observations à haute fréquence de la température de subsurface de l’océan sont extrêmement utiles pour estimer avec précision le contenu thermique des couches supérieures de l’océan et pour comprendre le rôle de l’océan dans l’intensification des cyclones tropicaux.
- Le Système d’observation du Pacifique tropical (TPOS) est mis à jour en tant que système d’observation de l’atmosphère et des océans conçu conjointement à l’appui des études sur les téléconnexions atmosphériques – c’est-à-dire les études sur la façon dont les anomalies climatiques sont liées les unes aux autres à de grandes distances – ainsi que des prévisions opérationnelles.
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Pour ce qui est du climat, si les données océaniques sont essentielles pour une prévision efficace, des besoins en données sont encore à satisfaire. Le niveau de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a augmenté d’environ 50 % depuis l’époque préindustrielle et il s’agit là du principal élément moteur des changements climatiques. L’océan a absorbé environ 45 % des émissions cumulées de combustibles fossiles. Il est essentiel de surveiller étroitement les flux de CO2 entre l’océan et l’atmosphère ainsi que les taux d’accumulation du carbone dans l’océan intérieur. Toutefois, les observations nécessaires présentent de grandes lacunes, notamment en raison de la grande variabilité saisonnière du CO2 dans l’océan de surface, et les efforts d’observation ne sont actuellement que faiblement coordonnés. Aujourd’hui, les données sur le carbone océanique sont surtout disponibles grâce aux produits de données communautaires: le projet SOCAT (Atlas du CO2 dans l’océan de surface) porte essentiellement sur les données relatives au dioxyde de carbone dans les eaux de surface, tandis que le projet GLODAP (Projet d’analyse des données océaniques mondiales) fournit des données relatives au dioxyde de carbone dans l’océan intérieur.
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L’Atlas du CO2 de l’océan de surface (SOCAT) est un produit de synthèse pour les observations de qualité contrôlée de la fCO2 (fugacité du dioxyde de carbone) de l’océan de surface. |
Le succès et les progrès enregistrés par les exemples susmentionnés ont pour dénominateur commun la collaboration entre les instituts de l’océan et les agences météorologiques. Sans partenariats techniques, opérationnels, financiers et politiques, ces réalisations ne seraient pas possibles. La coopération entre les communautés atmosphériques et océanographiques à tous les niveaux est une condition préalable à tout effort visant à améliorer les services météorologiques et climatologiques.
Le processus de coconception de l’observation de l’océan
Nous avons certes besoin d’observations océaniques supplémentaires, mais nous devons veiller également à ce que les fonds alloués soient dépensés de manière judicieuse et établir des priorités claires pour les investissements futurs dans les observations océaniques. Il est essentiel d’en finir avec les cloisonnements entre les instituts de l’océan et les agences météorologiques pour que les investissements aient le plus grand impact possible et pour plaider efficacement en faveur des observations océaniques au plus haut niveau politique. Cela permettra également de mettre plus rapidement au service des opérations de l’OMM l’application des observations océaniques et la fourniture de données, ce qui aidera les Membres à améliorer les prévisions du temps et du climat, en particulier pour les phénomènes météorologiques extrêmes.
L’Ocean Observing Co-Design du GOOS, l’un des programmes approuvés par la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques, constitue un développement prometteur. La coconception a pour objectif de faire en sorte que les instituts de l’océan et les agences météorologiques participent conjointement à la mise au point du processus, de l’infrastructure et des outils nécessaires à l’évolution d’un système d’observation océanique véritablement intégré. La coconception du GOOS élaborera un processus plus axé sur l’utilisateur afin de concevoir et de mettre en œuvre un large éventail d’observations océaniques en intégrant les communautés de modélisation, de prévision et de services. Pour que la coconception d’un système d’observation de l’océan soit adaptée à l’OMM, il faudra que les experts de l’OMM travaillent en étroite collaboration avec leurs collègues du GOOS à chaque étape de la chaîne de valeur illustrée ci-dessous. Des projets exemplaires, tels que la prévision des phénomènes météorologiques extrêmes ou la comptabilisation du carbone, sont sélectionnés pour évaluer les observations nécessaires à l’amélioration des prévisions fournies par l’OMM. La politique unifiée de l’OMM en matière de données a le potentiel d’influencer les politiques nationales qui s’ouvriront au partage et à la coordination interinstitutions des données océaniques au niveau des pays. Grâce aux investissements et aux partenariats du mécanisme de financement des observations systématiques (SOFF), il est désormais possible, pour la première fois, d’augmenter le nombre des observations océaniques existantes dans le ROBM afin d’inclure les deux tiers restants de la surface de la Terre. À eux tous, lacoconception, le coïnvestissement et la comobilisation contribueront à renforcer la capacité d’observation océanique appropriée qui permettra de fournir les prévisions du temps et du climat nécessaires pour étayer les prises de décision à court et à long terme dans le contexte des changements climatiques.
Footnotes
[1] Sixième rapport d'évaluation (Groupe de travail II)
Par Sid Thurston, Programme mondial d’observation et de surveillance des océans de l’Administration américaine pour les océans et l’atmosphère (NOAA), États-Unis d’Amérique, Emma Heslop, Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Toste Tanhua, Centre Helmholtz pour la recherche océanique de Kiel (GEOMAR), Allemagne, R. Venkatesan, Institut national des technologies océaniques, Inde et Mathieu Belbéoch, Victor Turpin, Martin Kramp et Long Jiang, tous d’OceanOPS, France