Les régions les plus éloignées et les plus glaciales du globe: les données sur la cryosphère relatives au temps, à l’eau, au climat et à l’environnement

Photo: Antarctique – Station de base et d’observation abandonnée. (© Sue Barrell)

Cryosphère

Le mot «cryosphère» vient du grec «kryos» qui signifie froid.

La cryosphère est la partie du système climatique terrestre qui comprend les précipitations solides, la neige, les glaces de mer, de lac et de rivière, les icebergs, les glaciers, les calottes glaciaires, les inlandsis et les plates-formes glaciaires, le pergélisol et le gélisol saisonnier. La cryosphère est présente quasiment partout sur la planète: on la trouve sous la plupart des latitudes, de manière saisonnière ou pérenne, dans près de 100 pays en dehors de l’Arctique, de l’Antarctique et des régions montagneuses. Elle influe sur le climat de la planète entière. Près de 70 % de l’eau douce sur Terre se présente sous forme de neige ou de glace.

Le Deuxième Congrès météorologique international, qui s’est tenu en 1879, a attiré l’attention des météorologues sur l’importance de la mesure des variations de l’étendue et de l’épaisseur des glaciers, en recommandant d’instituer des observations systématiques des glaciers et d’en publier les résultats.

L’OMM a adopté une approche unifiée du système Terre afin que les décisions ayant trait au temps, à l’eau et au climat soient mieux éclairées par une surveillance intégrée et par la prévision de toutes les composantes appropriées du système Terre. Pour cela, son champ d’action doit s’étendre aux régions les plus éloignées et les plus glaciales du globe, telles que l’Arctique, l’Antarctique (voir la figure 1) et les régions de haute montagne, où la cryosphère est un élément central (GIEC, 2019).

Une approche intégrée du système Terre permet de mieux représenter les interactions complexes entre ses différentes composantes (atmosphère, océans, hydrosphère et cryosphère). Elle s’appuie sur une assimilation couplée afin d’assurer la cohérence et d’améliorer l’exploitation des observations des interfaces qui dépendent de plus d’une composante, au profit des modèles numériques de prévision du système Terre.

L’assimilation des données est une composante cruciale des modèles de prévision couplés ou non du système Terre. Comme la résolution spatiale et temporelle de ces modèles ne cesse d’augmenter, des observations améliorées effectuées in situ et par télédétection sont nécessaires pour fournir la représentation la plus cohérente possible des composantes du système Terre. Il est nécessaire d’apporter des améliorations à la résolution spatiale et temporelle des observations tout en augmentant le nombre de variables observées pour continuer d’améliorer les résultats des systèmes de prévision numérique.

Il est plus difficile de produire des prévisions précises et f iables à toutes les échelles de temps pour les régions de la cryosphère (polaires ou montagneuses) que pour les autres. Notre faculté à comprendre et à modéliser certains processus spécifiques à ces régions est limitée, notamment pour les processus de petite échelle qui se déroulent durant la formation des glaces de mer, les chutes de neige, les précipitations solides et au cœur des nuages mixtes et des couches limites stables. Les facteurs de contrainte actuels comprennent: i) le manque d’observations in situ, en particulier celles qui concernent la neige et la glace, ii) l’assimilation imparfaite au-dessus des surfaces couvertes de neige ou de glace des observations satellitaires dans les régions polaires, iii) le manque d’observations adéquates par télédétection et par satellite au-dessus des régions polaires et montagneuses (couvert neigeux, glacier, etc.), et iv) les carences en matière d’échange de données fiables et d’accès en temps quasi réel aux données disponibles.

Les données sur la cryosphère pour les services et les informations hydrométéorologiques et climatologiques

De nombreuses applications et services qui relèvent du mandat des Membres de l’OMM ou qui sont utilisés par la communauté scientifique dans son ensemble, nécessitent de plus en plus un accès durable aux données sur la cryosphère. Ces dernières sont complémentaires des données météorologiques, hydrologiques et océaniques, ainsi que des données utilisées pour les modélisations et les champs de réanalyse. Les changements liés au climat dans les régions où l’on trouve de la neige, de la glace de mer, des glaciers et du pergélisol sont susceptibles de déclencher des processus de rétroaction et des modifications des régimes de précipitation et de régulation de l’eau douce dans de vastes régions, aussi bien à l’échelle d’un continent que d’un hémisphère.

Les données sur la cryosphère pour l’assimilation des données dans les modèles du système Terre

On a de plus en plus recours aux observations concernant la neige et la glace pour l’assimilation des données dans les modèles de prévision numérique du temps (PNT) et elles ont un impact non négligeable sur les résultats de ces modèles. Les données relatives à la neige, aux glaciers, à la glace de mer et au pergélisol sont également de plus en plus utilisées pour les prévisions numériques du climat, les prévisions saisonnières, les analyses opérationnelles, les réanalyses climatiques et la vérification des modèles. Dans le cadre de modèles couplés à grande échelle, et en particulier pour les données sur la cryosphère, l’échange de données relatives à la neige et à la glace par-delà les limites institutionnelles, sectorielles et politiques est primordial pour faire avancer le développement des services hydrométéorologiques et climatologiques (Helmert et al., 2018). Si l’insuffisance des capacités de prévision relatives aux zones montagneuses reculées peut paraître d’une importance secondaire, il ne faut pas oublier que les phénomènes qui s’y produisent peuvent se propager en aval par le biais des cours d’eau et que les conséquences socio économiques seront ressenties par les populations de ces régions.

Les données sur la cryosphère pour l’hydrologie

Les montagnes sont souvent considérées comme les «châteaux d’eau de la planète» (Immerzeel et al., 2020) puisque tous les grands fleuves y prennent leur source. La cryosphère de montagne (glaciers, neige, pergélisol et gélisol saisonnier) joue un rôle fondamental en assurant l’approvisionnement en eau douce et la régulation de cette ressource pour environ la moitié de la population mondiale (Egan et Price, 2017). Cela concerne notamment les zones de faible altitude densément peuplées, comme le delta du Gange Brahmapoutre.

La neige, les glaciers, le pergélisol et le gélisol saisonnier fonctionnent comme des réservoirs d’eau douce. Les données sur la fonte des neiges et des glaces sont primordiales pour comprendre la variabilité des ressources en eau. La surveillance sur le court terme de la cryosphère est essentielle pour la prévision des fontes printanières et des crues soudaines, pour la planification de la production d’énergie hydroélectrique, pour la détermination de l’eau disponible dans les régions arides (dans les Andes par exemple – Schoolmeester et al., 2018) et pour l’irrigation. La fonte des glaciers, quant à elle, est un prédicteur clé de la pénurie d’eau sur le long terme.

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Figure 2. Contribution de la cryosphère à l’hydraulicité des bassins des principaux fleuves d’Asie, valeurs estimées à partir de données allant de 1998 à 2012 et publiées dans Huss et al., 2017. (Illustration par Nora Krebs, OMM)

De nombreux pays se fient aux prévisions de la fonte des neiges (un à plusieurs mois à l’avance) pour prévoir l’écoulement fluvial, déterminer les risques de crues et émettre les avis nécessaires (voir la figure 2). Une augmentation de la fréquence des événements pluvieux ou neigeux renforce l’exposition aux risques d’avalanche et de crue. Un débit fluvial plus important dans l’Arctique, quant à lui, apporte d’énormes quantités d’eau douce dans l’océan Arctique et les mers avoisinantes, ce qui influence la circulation océanique.

Il est nécessaire d’améliorer la compréhension et la modélisation du cycle de l’eau des régions froides. L’accès aux observations est essentiel, il permettrait par exemple de mieux modéliser la relation entre les précipitations et l’écoulement, y compris les contributions du pergélisol et du gélisol saisonnier.

Les données sur la cryosphère pour la prévision et les services relatifs aux glaces

Des estimations fiables de l’étendue et du volume de la glace de mer dans l’océan Arctique et l’océan Austral en Antarctique sont nécessaires pour comprendre lechangement climatique, pour initialiser des prévisions numériques du temps, pour les prévisions relatives à la glace de mer et pour les réanalyses opérationnelles océan-glace de mer (Zuo et al., 2019).

Les prévisions mensuelles et saisonnières relatives à la présence et à la dynamique des glaces de mer sont très demandées par l’industrie maritime pour assurer la sécurité de la navigation et des opérations dans les eaux polaires (voir les figures 3 et 4).

30-day Arctic Ice Extent Change.pngFigure 3. Évolution de l’étendue de la glace de mer en Arctique sur 30 jours, produit par le Centre national des glaces des États‑Unis, le 27 septembre 2021, consulté le 28 septembre 2021 (https://usicecenter.gov/ pub/change30day_n.png).

30-day Arctic Ice Extent Change.pngFigure 4. Évolution de l’étendue de la glace de mer en Antarctique sur 30 jours, produit par le Centre national des glaces des États‑Unis, le 27 septembre 2021, consulté le 28 septembre 2021 (https://usicecenter.gov/ pub/change30day_s.png).

La diminution persistante de l’épaisseur et de la couverture de la glace de mer dans l’Arctique sur plusieurs années mène à une plus grande mobilité de la couverture de glace de mer et augmente la variabilité de son état. Ces changements imposent l’adoption d’une démarche différente pour ce qui concerne la rapidité de diffusion des cartes des glaces et leur résolution horizontale, ainsi que pour les prévisions météorologiques destinées au transport maritime sous les hautes latitudes.

Superficie des glaces de mer dans l’Arctique en septembre.png

Figure 5. Superficie des glaces de mer dans l’Arctique en septembre sur 106 km2 à partir d’observations satellitaires et du modèle de simulation CMIP6. Des fourchettes très probables sont présentées pour SSP1-2.6 et SSP3-7.0. Selon des scénarios de moyennes et fortes émissions de gaz à effet de serre, l’Arctique devrait être pratiquement dépourvu de glace d’ici le milieu du siècle. La figure est adaptée de la figure SMP.8 du GIEC (2021). Les observations ont été ajoutées par Ed Hawkins (http://www.climate-lab-book.ac.uk/2021/adding-observations/). (Source: Avec l’aimable autorisation de Thomas Lavergne)

Afin de surmonter les limitations actuelles, il est nécessaire d’améliorer la modélisation de la glace de mer (et la modélisation couplée océan-glace de mer) pour l’océan Arctique comme pour l’océan Austral (voir la figure 5). Ces limitations sont dues, d’une part, à un sous échantillonnage général des océans polaires, en particulier pour une grande partie de la zone de glace de mer de l’Antarctique et, d’autre part, à la difficulté de dériver des produits de glace de mer précis à partir des données de télédétection actuellement disponibles. Les nouvelles glaces de première année devenant de plus en plus dominantes et créant un régime des glaces saisonnier dans les régions polaires, il est essentiel que les services opérationnels relatifs à la glace incluent dans leurs activités de surveillance des données sur les glaces plus récentes et plus précises.

La cryosphère et les changements climatiques

Pour comprendre et modéliser la hausse du niveau des océans, il est primordial de disposer de données sur la modification des inlandsis de l’Antarctique et du Groenland (voir la figure 6) et sur les glaciers. Plus d’un milliard de personnes (ainsi que des écosystèmes) sont concernées, qu’il s’agisse des petites communautés insulaires de l’Atlantique, de l’océan Indien ou du Pacifique ou des grandes villes côtières de notre planète. Des jeux de données climatologiques systématiques sur la neige et la glace sont également nécessaires pour une conception technique fiable des infrastructures dans les climats froids (pour les transports, les bâtiments, l’alimentation en eau, etc.). Ils sont également essentiels pour lutter contre les effets de l’érosion côtière et les modifications des littoraux qui s’ensuivent. Les données sur les conditions de la glace au sol revêtent une importance croissante pour l’aménagement du territoire et l’évaluation des émissions potentielles de gaz à effet de serre.

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Figure 6. Les changements climatiques modifient de façon significative les conditions de conception des infrastructures dans les régions où la neige et la glace sont présentes et des stratégies d’adaptation sont nécessaires (village d’Ittoqqortoormiit dans la partie orientale du Groenland). (Photo: Sue Barrell)

L’évolution de la cryosphère et les aléas naturels

measurements_at_Palcacocha_glacier_lake_Peru.jpegFigure 7. Le lac glaciaire Palcacocha (Pérou) est siphonné pour en éviter une vidange brutale. (Photo: Christian Huggel)

Des approches intégrées de la surveillance des changements hydrométéorologiques qui incluent le recueil d’informations sur la cryosphère sont essentielles pour mettre au point des dispositifs d’alerte précoce permettant de signaler des risques ou des phénomènes extrêmes imminents, qu’il s’agisse d’avalanches, de crues de fonte de neige catastrophiques (Rössler et al., 2014), de vidanges brutales de lacs glaciaires (ou jökulhlaups), d’embâcles sur les cours d’eau ou les lacs, de l’endiguement des rivières par la crue des glaciers, de la disparition des littoraux, de glissements de terrain et de ruptures de versant ou encore de la multiplication des icebergs sur les routes maritimes, entre autres aléas liés à la cryosphère. Les lacs glaciaires sont à l’origine des crues les plus dévastatrices de l’histoire, notamment dans les Andes (Huggel et al., 2020) et dans l’Hindu-Kush-Himalaya. À cause de l’évolution rapide du climat, il est essentiel d’avoir accès à des relevés et des descriptions fidèles d’épisodes passés et à des jeux de données climatologiques fiables afin d’étayer les évaluations des aléas (GAPHAZ, 2017) et de préparer des stratégies d’adaptation (voir la figure 7).

Étendre l’échange de données aux régions polaires et montagneuses

Avec l’élaboration de sa politique unifiée en matière de données, l’OMM reconnaît et répond à la nécessité d’élargir l’accès aux données sur la cryosphère à l’échelle mondiale afin d’améliorer et de pérenniser les services hydrométéorologiques et climatiques essentiels fournis par ses Membres. Cette politique contribuera à l’objectif et à la stratégie de l’OMM relatifs à la mise en place d’une approche intégrée du système Terre pour ce qui concerne les activités de surveillance, de modélisation et de prévision. L’objectif ultime est de mieux informer les Membres de l’OMM et de leur permettre de fournir des services essentiels à la protection de la sécurité et du bien-être de leurs citoyens.

La nouvelle politique reconnaît que, à la différence des infrastructures et systèmes de surveillance météorologique, climatologique et hydrologique existant de longue date, la surveillance systématique de la cryosphère n’est apparue qu’au cours des dernières décennies, sous l’impulsion de la recherche sur le système climatique et essentiellement dans le cadre d’une approche ascendante.

Cependant, malgré l’intérêt croissant pour les données de la cryosphère, de nombreuses montagnes et régions polaires restent insuffisamment surveillées en raison du coût élevé des opérations, de la difficulté d’accès (voir la figure 8), des conditions d’exploitation extrêmes, de l’insuffisance des capacités locales, de l’exercice de la compétence de plusieurs États ou de la faible portée ou de l’absence de mandats institutionnels. Le nombre de stations météorologiques est également limité dans ces régions. Ce manque de données a un impact négatif sur la performance des modèles et peut mener par exemple à une distorsion altitudinale des prévisions des précipitations en haute montagne. 

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Figure 8. Observations de haute montagne, station de Mueller Hut, 1 818 m d’altitude, Nouvelle Zélande, accessible uniquement par hélicoptère et connaissant des accumulations annuelles de neige de plus de 4 m. Image fournie par Christian Zammit; contribution à la Comparaison des systèmes de mesure des précipitations solides (SPICE), Rapport de l’OMM-N° 131 (Nitu et al., 2018)

Des progrès ont été réalisés pour répondre aux besoins en matière d’observations de la cryosphère grâce à des systèmes spatiaux, principalement pour les régions polaires et dans une moindre mesure pour les régions montagneuses. De nombreuses carences subsistent pour ce qui concerne les sites observés ainsi que l’accès aux observations spatiales de la cryosphère et leur assimilation.

In many countries, cryosphere observing systems continue to be operated by multiple institutions with diverse mandates – from research, academia, hydropower production agencies, naval and ice services to space agencies, National Meteorological and Hydrological Services (NMHSs) and others – with research entities continuing to play a key role. In many developing countries, cryosphere observations and research continue to be part of internationally funded projects with limited or no links to national institutions, including the NMHS.

Les données sur la cryosphère dans la politique unifiée de l’OMM en matière de données

Le partage des données est important pour les organismes de recherche (Pan et al., 2021) qui cherchent à améliorer notre compréhension des interactions entre l’atmosphère, la cryosphère, l’hydrosphère et la biosphère. C’est d’autant plus le cas au moment où ils s’efforcent d’apporter des réponses à des questions de plus en plus complexes sur les impacts socio économiques et environnementaux de changements climatiques sans précédent.

La communauté scientifique internationale prend des mesures énergiques pour faciliter l’accès aux données issues de la recherche. Les principes FAIR pour des données faciles à trouver, accessibles, interopérables et réutilisables (Wilkinson et al., 2016) fournissent une série de lignes directrices de haut niveau pour les détenteurs de données issues de la recherche. Les principes FAIR mettent l’accent sur l’amélioration de la capacité des machines à trouver et à utiliser automatiquement les données. Ils encouragent également leur réutilisation par les individus, tout en attribuant les droits de propriété à qui de droit et en protégeant la propriété intellectuelle, par le biais de licences par exemple.

Au travers de sa politique unifiée en matière de données, l’OMM reconnaît l’existence de grandes quantités de données sur la cryosphère au sein de cette communauté scientifique élargie et la contribution qu’elles peuvent apporter à la vision stratégique du système Terre de l’OMM. La politique met donc l’accent sur la nécessité de renforcer les engagements réciproques et l’échange de données entre les agences d’exploitation et de recherche dont elle cherche à définir clairement les principes et les avantages qui en résultent pour toutes les parties prenantes. La politique unifiée en matière de données préconise en particulier que les données prioritaires du système Terre (c’est-à-dire à la fois les données «fondamentales» et «recommandées») soient échangées librement par les Membres de l’OMM, y compris à des fins de recherche publique, et ce, sans conditions. Cela témoigne de l’importance des résultats de la recherche et de la volonté de faire progresser les capacités dans tous les domaines relevant du mandat de l’OMM.

La politique invite également les Membres à honorer les demandes d’attribution de la propriété des données chaque fois que cela est possible, ceci afin de reconnaître et de protéger les droits de propriété intellectuelle du titulaire des données. Le cas échéant, un identifiant d’objet numérique (DOI) peut être utilisé pour l’accès aux données scientifiques, le suivi et les citations. La reconnaissance de la propriété est mutuellement bénéfique pour les propriétaires et les utilisateurs de données, et les citations permettent aux scientifiques de montrer à leurs organismes de financement comment leurs données sont utilisées.

La Veille mondiale de la cryosphère relevant de l’OMM: faciliter l’accès aux observations et aux données de la cryosphère

La Veille mondiale de la cryosphère (VMC) facilite le développement d’approches coordonnées entre les secteurs de l’exploitation et de la recherche à l’appui des observations clés de la cryosphère effectuées in situ et par télédétection, ainsi que l’accès aux données et aux informations sur l’état de la cryosphère. Le volet «observation» de la VMC fait partie intégrante du Système mondial intégré d’observation de l’OMM (WIGOS). Le portail de données de la VMC est hébergé par l’Institut météorologique de Norvège et géré par l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches WSL (Suisse). Avec son portail de données, la VMC s’efforce de donner accès (Bavay et al., 2020) aux données cryosphériques et auxiliaires en temps réel et archivées (sous la forme de séries chronologiques climatiques cohérentes) par le biais de mécanismes d’un bon rapport coût efficacité relevant du Système d’information de l’OMM (SIO), en s’appuyant sur des échanges de données existants, aussi bien au sein de l’OMM qu’à l’extérieur de l’Organisation. En complément du SIO, la VMC encourage l’inclusion de fonctions spécifiques à la cryosphère dans le Système mondial de traitement des données et de prévision relevant de l’OMM (SMTDP) à l’appui des services spécialisés dans les régions polaires et de haute montagne.

Svalbard_Observations_Ketil_IsaksenFigure 9. Travail de terrain et installation de nouveaux capteurs sur la station de surveillance du pergélisol à Janssonhaugen (78° N) sur l’archipel du Svalbard lors d’une froide journée de la mi février. (Photo: Ketil Isaksen)

Les données sur la cryosphère proviennent des SMHN et d’autres entités opérationnelles et scientifiques (voir la figure 9). Ces dernières utilisent un éventail d’approches de gestion des données qui sont souvent assez différentes de celles utilisées au sein de la communauté météorologique mondiale. La VMC emploie des outils et des modes opératoires accessibles par le biais du WIGOS et du SIO afin d’établir des liens entre les communautés scientifiques de la cryosphère et les fournisseurs et utilisateurs de données de l’OMM. Ces outils et modes opératoires se déclinent comme suit: 1) attribution d’identifiants de station du WIGOS aux installations d’observation, 2) utilisation de métadonnées du WIGOS pour décrire les installations d’observation, 3) normalisation et enregistrement des installations d’observation de la cryosphère au côté des installations d’observation météorologique, climatologique et autres dans la base de données OSCAR Surface de l’OMM, 4) description des prescriptions et des capacités d’observation de la cryosphère dans la base de données OSCAR/Requirements, 5) normalisation et interopérabilité favorisant la découverte des jeux de données sur la cryosphère au sein du SIO, 6) échange de données sur la cryosphère à des fins opérationnelles par le biais du SIO, et 7) accès gratuit et sans restriction aux données de l’OMM pour les acteurs extérieurs aux SMHN.

La mise en œuvre de la politique unifiée de l’OMM en matière de données prévoit des mesures incitatives pour améliorer la connectivité entre les fournisseurs de données sur la cryosphère et les SMHN. Bien que l’adoption d’outils proposés par la VMC puisse avoir un coût pour de nombreux fournisseurs de données, l’objectif est qu’ils bénéficient, en retour, d’un accès aux données de multiples fournisseurs et de capacités de contrôle des données échangées, de l’utilisation et de la réutilisation des données partagées, ainsi que de la possibilité d’influencer les développements futurs des outils qui les concernent. La possibilité de rendre compte des données disponibles permettra également d’identifier les carences et les capacités en matière d’observations. Si par exemple les données sur la neige recueillies à l’échelle régionale sont systématiquement partagées avec les organismes nationaux et les SMHN, toutes les parties en présence seront gagnantes (Vionnet et al., 2021). Sur le plan pratique, la VMC soutient et permet les contributions de fournisseurs de données dont les ressources et les capacités de gestion sont limitées, en mettant à disposition un logiciel permettant de transformer les données brutes en données structurées au format NetCDF/CF (conforme aux principes FAIR) accessible sur le portail des données de la VMC (Bavay, Fiddes et Godøy, 2020).

Partenariats pour l’accès aux données des régions polaires et de haute montagne

La VMC a considérablement fait avancer les choses en se positionnant comme intermédiaire dans l’échange des données des régions polaires et de haute montagne. Pour les régions polaires, les accords existants entre la VMC et le Comité des données sur l’Arctique (CAN) relevant du Soutien aux réseaux d’observation de l’Arctique (SAON) et le Comité scientifique international de l’Arctique (IASC), ainsi que le système de gestion des données (SCADM) du Comité scientifique pour les recherches antarctiques (SCAR) sont susceptibles de permettre un renforcement de la collaboration et, partant, un meilleur accès aux données disponibles. Il est à noter que le SCAR, en tant que comité scientifique du Système du Traité sur l’Antarctique, est chargé de faciliter un accès libre et sans restriction aux données et aux informations scientifiques relatives à l’Antarctique. Comme attesté par le CAN, les données sur l’Arctique existent et circulent de manière indépendante au sein d’un écosystème d’informations sur l’Arctique complexe (Pulsifer et al., 2020). Cet écosystème est composé d’institutions et de centres de données, mais il vise à se doter de la capacité de soutenir des applications pertinentes et à prendre la mesure des besoins mondiaux en matière de données afin de répondre aux besoins régionaux et d’améliorer la résilience aux catastrophes dans l’Arctique.

Pour les régions de haute montagne, le contexte en matière de données est encore plus fragmenté (Thornton et al., 2021; Shahgedanova et al., 2021). Des efforts collectifs sont déployés (Adler, Pomeroy et Nitu, 2020) afin de surmonter les obstacles, à l’aide de mécanismes comme l’Initiative pour la recherche sur la montagne et ses activités phares telles que le Groupe sur l’observation de la Terre (GEO) et son programme sur les montagnes et le Réseau international de recherche alpine sur l’hydrologie des bassins versants (INARCH). En 2019, la VMC a signé un protocole d’accord sur cinq ans avec le Programme de l’environnement du troisième pôle (TPE) dont l’accent est mis sur la mise en œuvre de l’interopérabilité avec le Centre de données sur l’environnement du troisième pôle (Xin Li et al., 2021, et aussi # 10). Des engagements similaires sont en cours de négociation avec d’autres centres de données de recherche afin d’améliorer un peu plus l’accès aux flux critiques de données cryosphériques et auxiliaires.

Ces partenaires sont conscients du fait que l’OMM est bien placée pour jouer un rôle central en ce qui concerne les politiques et pratiques en matière de données en favorisant une plus grande intégration au-delà de régions et de domaines spécifiques. À cet égard, si elle est promulguée, la politique unifiée en matière de données traduira dans les faits les principes de collaboration entre les partenaires qui détiennent des données sur la cryosphère et qui sont disposés à les partager et à les échanger à l’échelle internationale. Cette politique sera un nouvel exemple à suivre pour les communautés partenaires, comme cela avait été le cas avec l’Année polaire internationale (API) 2007/08 à l’occasion de laquelle l’OMM, conjointement avec le Conseil international pour la science, avait mis en place un cadre innovant pour la gestion des données à l’appui des objectifs des diverses parties prenantes. Depuis l’API, les communautés partenaires de l’OMM ont fait d’énormes progrès en matière de gestion des données et des informations et les principes directeurs FAIR ont acquis une pertinence accrue et notable. 

Ces progrès présentent des avantages potentiels pour les Membres de l’OMM, car la politique unifiée en matière de données est conçue pour répondre à ses objectifs actuels et s’adapter à ses besoins futurs.

Mountain observation Western Pamir.pngFigure 10. Installation en septembre 2021 d’un nouveau site d’observation de haute montagne dans le Pamir occidental au Tadjikistan dans le cadre du projet «Observations et modélisation de la cryosphère pour une adaptation améliorée en Asie centrale» (CROMO-ADAPT) financé par la Direction suisse du développement et de la coopération et codirigé par l’Université de Fribourg et l’Institut WSL pour l’étude de la neige et des avalanches SLF (Suisse). (Photo: Joel Fiddes)

 

Conclusions

L’accent mis par l’OMM sur la surveillance, la modélisation et la prévision en lien avec le système Terre renforce la nécessité d’intégrer les données sur la cryosphère afin d’améliorer la prestation de tous les services liés au temps et au climat. La politique unifiée en matière de données ouvre la voie à une approche plus systématique de l’échange et de l’utilisation des données sur la cryosphère en conjonction avec les données issues des domaines d’activité plus classiques de l’OMM. La mise en œuvre de la politique devrait grandement contribuer à améliorer l’accès aux données et à atteindre la résolution spatio temporelle requise par les utilisateurs. Elle assurera également des bénéfices tangibles aux détenteurs actuels de ces données, y compris les données sur la cryosphère, qui ne font pas partie du réseau des SMHN.

Une amélioration de l’échange des données devrait résulter de la politique unifiée en matière de données et avoir des retombées positives pour l’OMM, la communauté scientifique et d’autres secteurs. L’accès aux relevés descriptifs d’épisodes passés et à des données climatiques fiables, qui sont les éléments fondateurs de toute évaluation des aléas, permettra aux scientifiques et aux SMHN de mieux aider la communauté mondiale à relever certains des principaux défis posés par un climat en évolution rapide (voir la figure 10).

Le renforcement des partenariats à l’appui d’un échange performant de données sur la cryosphère dans le cadre du WIGOS, du SIO et du SMTDP est essentiel pour atteindre les objectifs ambitieux de l’approche du système Terre adoptée par l’OMM. Les bénéfices seront concrets et appréciables, mais le succès dépendra en grande partie de notre capacité à établir des accords mutuellement bénéfiques entre les différentes communautés et les détenteurs de données dans le domaine de la cryosphère.

En application de la politique unifiée sur les données, chaque fois qu’elle sera demandée, l’attribution de la propriété des données garantira la reconnaissance et la protection des droits de propriété intellectuelle correspondants. Cette disposition jouera un rôle clé dans l’amélioration de l’efficacité et de la longévité des partenariats.

La collaboration de longue date entre l’OMM et la communauté scientifique est placée sous le signe de l’innovation. Le succès de la politique relative aux données mise en œuvre lors de l’Année polaire internationale 2007/08 en est la preuve. La politique unifiée en matière de données sera un exemple à suivre pour les communautés partenaires. Elle témoigne clairement de la volonté de continuer à travailler avec le secteur de la cryosphère à l’avenir.

 

 

 

 

 

References

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Par Árni Snorrason, Directeur général, Service météorologique islandais et président du Groupe consultatif pour la Veille mondiale de la cryosphère, Øystein Godøy, scientifique principal, Institut météorologique de Norvège et Président du Groupe sur la cryosphère et l’interopérabilité des données de la Veille mondiale de la cryosphère, Sue Barrell, Présidente du Groupe d’étude des questions et politiques relatives aux données, Coprésidente du Groupe d’experts du Conseil exécutif pour les observations, la recherche et les services relatifs aux régions polaires et de haute montagne et Rodica Nitu, Secrétariat de l’OMM (Veille mondiale de la cryosphère)

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