par Environnement et Changement climatique Canada
Les Jeux panaméricains et parapanaméricains sont des rencontres internationales qui se tiennent un an avant les Jeux olympiques et paralympiques d’été. L’Organisation sportive panaméricaine a décidé, en novembre 2009, que les Jeux de 2015 se dérouleraient au Canada. Environ 11 000 athlètes, membres du personnel d’encadrement et agents techniques provenant de 41 pays ont participé aux Jeux panaméricains et parapanaméricains de 2015. Ces derniers ont eu lieu dans la communauté urbaine de Toronto, dans le sud de la province de l’Ontario, du 10 au 26 juillet pour les premiers et du 7 au 15 août pour les seconds.
Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), nouvelle appellation d’Environnement Canada, a été chargé de contribuer au bon déroulement de l’événement. Le Ministère devait intensifier la surveillance des conditions météorologiques et diffuser pour les différents sites des alertes, veilles et bulletins afin d’assurer la sécurité et la protection des athlètes, du personnel, des bénévoles et des spectateurs. Les Jeux lui ont permis de montrer ses innovations et capacités techniques. Pour s’acquitter de sa mission, ECCC a créé un réseau automatisé ultramoderne de surveillance de l’atmosphère à haute résolution appelé Mesonet. Les données recueillies par ce moyen alimentaient des systèmes de prévision classique et des systèmes de prévision numérique du temps afin de produire des alertes, veilles et bulletins spéciaux pour les Jeux, ainsi que des prévisions à une fine échelle spatiale et temporelle.
ECCC décrit dans cet article les données et les produits de prévision qui ont été fournis pour favoriser le bon déroulement des Jeux.
Le facteur humain
ECCC a collaboré avec quelque 450 personnes pour garantir le succès des Jeux. Les objectifs principaux étaient d’assurer la sécurité publique et de faciliter la prise de décisions, par les moyens suivants:
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Diffusion d’alertes météorologiques;
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Prévision des conditions météorologiques;
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Fourniture d’informations climatologiques;
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Appui aux services publics essentiels sensibles au temps;
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Surveillance des conditions atmosphériques.
La formation a constitué une étape cruciale de la préparation. Il fallait revoir les applications de distribution des produits pour accomplir de nouvelles tâches, par exemple diffuser des alertes et des prévisions propres aux sites des compétitions dans des secteurs bénéficiant déjà de services météorologiques destinés au public. Il fallait aussi établir une collaboration très étroite entre les responsables de la prévision et les responsables de la communication météorologique. Les équipes ont dû apprendre à utiliser les données provenant de Mesonet, les applications de visualisation associées et les produits expérimentaux de la prévision numérique du temps à haute résolution. On a fait appel à des techniques novatrices, tels des lidars à effet Doppler, des stations météorologiques mobiles fixées sur des véhicules et un ensemble de capteurs d’éclairs composant un réseau tridimensionnel complet. Il était indispensable d’expliquer comment interpréter les données qui en résulteraient. Les équipes de communication météorologique situées au Centre principal des opérations des Jeux et au Centre de commandement unifié des forces policières ont été chargées d’offrir une formation et/ou d’interpréter les données et produits au profit des utilisateurs externes.
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L’information climatologique
Afin de répondre aux besoins des organisateurs des Jeux de Toronto, le Bureau de projet d’ECCC a élaboré un ensemble de climatologies détaillées pour l’Ontario, axées sur les sites des compétitions et visant sept phénomènes précis: les tornades, la chaleur et l’indice d’humidité, les éclairs et les journées orageuses, les pluies intenses, le vent, la brise de lac et l’indice de qualité de l’air.
Ces climatologies ont été présentées lors d’une série d’ateliers de formation interne destinés aux prévisionnistes d’exploitation et aux membres des équipes de communication météorologique. Elles ont été incluses dans l’Évaluation fédérale des risques en vue d’estimer la probabilité et les impacts éventuels de phénomènes météorologiques dangereux.
*Site du Réseau de cartographie de la foudre *Site du Réseau canadien de détection de la foudre |
Mesonet: un réseau de réseaux
ECCC a mis sur pied un réseau de surveillance à haute résolution, Mesonet, comptant 55 nouvelles stations météorologiques automatiques, sur terre et au large, ainsi que des plates-formes expérimentales additionnelles. La plupart des nouvelles stations météorologiques étaient du type compact, fonctionnaient à l’énergie solaire et comportaient un modem du service mobile. Cette autonomie a grandement facilité l’installation dans des emplacements temporaires, surtout en milieu urbain et sur les sites des compétitions où l’espace était restreint.
Le réseau Mesonet a été conçu pour surveiller le temps sur les sites des Jeux. Il permettait de suivre de près les brises de lac qui soufflent dans le sud de l’Ontario et sont parfois associées à des conditions météorologiques violentes et à des pics de pollution atmosphérique. L’évolution des températures et de la qualité de l’air sont plus faciles à comprendre quand on sait où souffle la brise de lac, notamment dans l’agglomération. Le réseau se caractérisait également par sa forte densité et par sa grande fréquence d’observation, de l’ordre de la minute. Les variables classiques ont été relevées – pression, vitesse et direction du vent, humidité relative, température, hauteur de précipitation – ainsi qu’un nouveau paramètre, mesuré par un thermomètre à boule noire, servant à estimer le stress thermique pour le corps humain.
Deux bouées ont été mises en place juste au sud des îles de Toronto, dans le lac Ontario. Une bouée AXYS WatchKeeper™ munie d’un ensemble complet d’instruments météorologiques transmettait des données toutes les 10 minutes (la norme est d’une heure). Une bouée plus petite, TRIAXYS™, établissait précisément le spectre directionnel des vagues. Quatre détecteurs de rayonnement ultraviolet mesuraient l’ensoleillement de minute en minute. Une station temporaire d’observation en altitude, installée juste au nord de Toronto, procédait à quatre lâchers de radiosonde par jour. ECCC a utilisé pour la première fois un aéronef téléguidé pour surveiller la température, l’humidité relative, la pression, la vitesse du vent et les rafales dans les couches inférieures de l’atmosphère. Lorsque les conditions le justifiaient, les capteurs météorologiques étaient remplacés par des sondes de qualité de l’air qui mesuraient le CO2 et les concentrations totales d’aérosols. Le Réseau sud-ontarien de cartographie de la foudre, premier du genre au Canada, détectait les éclairs avec une efficacité de 100 % et une résolution spatiale et temporelle très fine – quelques dizaines de mètres et quelques dizaines de nanosecondes, respectivement.
ECCC s’est tourné vers son réseau de réseaux pour multiplier encore les données d’observation. NAV CANADA, organisme à but non lucratif qui détient et exploite le système de navigation aérienne civile au Canada, fournissait de minute en minute des relevés provenant de neuf systèmes d’observation automatisés et humains. De plus, ECCC a profité des Jeux de Toronto pour signer des accords d’échange de données avec les autorités locales et provinciales, en vue d’accéder aux données d’une fréquence inférieure à une heure à plus de 70 autres plates-formes de surveillance des conditions météorologiques.
Équipe chargée de la communication météorologique au Centre principal des opérations des Jeux de Toronto |
La gestion de l’information
ECCC a aidé à mettre en place les procédures voulues pour l’acquisition, l’assurance et le contrôle de la qualité, l’archivage, la visualisation et la retransmission des données toutes les minutes. Cela vaut également pour la création et la diffusion des nouveaux produits de prévision. Il n’était pas simple de garantir que les équipes chargées de la communication météorologique auraient accès en temps réel aux prévisions établies pour les différents sites, car leurs stations de travail étaient hébergées par une organisation externe. Trois versions adaptées des stations de prévision intégrées ont été mises au point pour répondre aux besoins de chaque équipe de prévision et de communication.
La prévision
Le Centre de prévision des intempéries de l’Ontario (CPIO) fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, grâce à une trentaine de météorologistes – trois à cinq par poste de travail, selon les conditions à surveiller. Pendant les Jeux de Toronto, cinq météorologistes d’exploitation et de recherche se sont ajoutés à ses effectifs et trois membres du Service météorologique national des États-Unis d’Amérique sont venus à tour de rôle.
Le CPIO a commencé, dès le mois de mai 2015, à fournir des produits spécialisés de prévision du temps pour le parcours de la flamme des Jeux panaméricains. La production, 24 heures sur 24, d’alertes et de prévisions pour les sites des compétitions et la diffusion quotidienne, sous forme graphique, des perspectives d’évolution des conditions orageuses ont débuté le 6 juillet et ont pris fin le 15 août, jour des cérémonies de clôture.
Les prévisions étaient émises trois fois par jour (modifiées au besoin) et valides sept jours. Elles portaient sur l’état du ciel, les précipitations, la température, l’humidité, la vitesse et la direction du vent et les obstacles à la visibilité. Les prévisions établies pour les compétitions nautiques dans le port de Toronto étaient diffusées trois fois par jour. Elles étaient valides cinq jours et portaient sur la vitesse et la direction du vent, la hauteur des vagues, les obstacles à la visibilité et les précipitations.
Ni les prévisions visant les sites des compétitions destinées au public ni les prévisions concernant les conditions maritimes n’intégraient de critères d’alerte particuliers selon les disciplines sportives. Les alertes, diffusées au besoin sur la base des critères existants et approuvés par ECCC, comprenaient: avis de brouillard, alertes de chaleur, avertissements de pluie, veilles et alertes d’orage violent, avis de smog et de pollution atmosphérique, veilles et alertes de tornade, avertissements météorologiques généraux, alertes de vent et bulletins météorologiques spéciaux.
Les Jeux de Toronto ont été une excellente occasion d’appliquer les seuils de déclenchement d’alertes de chaleur fondées sur les impacts, fruit d’une collaboration de plusieurs années entre les services de santé publique et les partenaires fédéraux et provinciaux. Les sorties des systèmes expérimentaux de prévision numérique du temps (1 km et 250 m) ont été élaborées de manière à affiner la prévision du temps pendant les compétitions et à soutenir la prestation de services axés sur l’impact sanitaire des conditions météorologiques. Les Jeux de Toronto ont également permis de faire la démonstration de la nouvelle génération de modèle global environnemental multi-échelle de la qualité et de la chimie de l’atmosphère (GEM-MACH), exploité à cette occasion avec une résolution de 2,5 km.
On a également utilisé trois systèmes de modélisation des vagues avec une résolution de grille de 1 km, 2,5 km et 250 m dans le plan horizontal. Le système déterministe de prévision des vagues dans la partie ouest du lac Ontario, à une résolution de 250 m, a été mis en service spécialement pour les Jeux. Il a produit des prévisions à échéance de 24 heures à partir des données provenant du modèle atmosphérique d’échelle urbaine présentant une résolution de 250 m.
La prestation des services
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Plusieurs plates-formes ont été créées pour transmettre les produits de prévision et les données d’observation aux utilisateurs finals:
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Un portail d’information météorologique protégé par mot de passe;
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Un prototype de service Web et courriel (EC Alertez moi) élaboré spécialement pour les gestionnaires des sites et les planificateurs des Jeux;
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Un serveur de données, Datamart;
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Une application d’alerte de foudre pour appareils mobiles fournie par Vaisala Canada (conçue au départ pour la Coupe du monde féminine de football de la FIFA, organisée du 6 juin au 5 juillet 2015 au Canada).
ECCC communiquait verbalement les informations météorologiques, en anglais et en français, au Centre principal des opérations et aux forces policières; une interprétation des données d’observation et des produits de prévision émanant du CPIO était également transmise aux responsables des applications cruciales. Ces échanges constituaient la seule occasion de poser des questions sur les prévisions et sur les sensibilités des différentes disciplines sportives aux conditions météorologiques.
ECCC a procuré la plupart des services météorologiques essentiels, mais nombre d’activités ont été menées en partenariat. Ainsi, le Ministère ontarien de l’environnement et de l’action en matière de changement climatique et l’Université de Toronto ont étudié la pollution atmosphérique due à la circulation routière au Canada, dans le but d’apprécier l’utilité d’un réseau de surveillance de la qualité de l’air.
Innovation, comparaison de capteurs météorologiques et recherche
ECCC avait fixé un double objectif à son intervention. Le premier était de contribuer au bon déroulement des Jeux de Toronto. Le second était de mettre à profit les recherches scientifiques, les travaux de développement et les innovations techniques pour améliorer les services météorologiques.
Une comparaison de capteurs a été lancée en 2012, pendant la phase de planification du réseau Mesonet, afin d’évaluer l’efficacité des stations météorologiques automatiques compactes. Les données provenant de cinq stations de ce type, installées sur le site d’essai du Centre expérimental de recherche sur l’atmosphère, juste au nord de Toronto, ont été comparées aux valeurs mesurées par des capteurs de référence situés au même endroit. Les résultats ont servi à choisir les types de stations météorologiques compactes qui feraient partie du réseau Mesonet.
Deux lidars à effet Doppler, capables de mesurer la vitesse du vent dans un rayon de 7 km, ont été utilisés pendant les Jeux: un appareil fixe, à Hanlan’s Point (sur Toronto Centre Island), et un appareil mobile, à l’arrière d’une camionnette. Ils ont aidé à mieux comprendre les processus convectifs et dynamiques à l’origine des tempêtes convectives et l’évolution du front des brises de lac.
Pendant les Jeux, trois véhicules hybrides équipés d’un système mobile d’observation météorologique automatique (AMMOS) faisaient partie du réseau de surveillance atmosphérique à haute résolution. Ils sillonnaient les routes situées entre les rives du lac à Toronto et les banlieues et zones rurales situées au nord et à l’ouest. Il a ainsi été possible de mesurer les variables météorologiques classiques (température, humidité, pression, vitesse et direction du vent) à intervalle d’une seconde là où des stations fixes n’auraient pu le faire, par exemple le long des routes formant des canyons urbains. Les véhicules étaient également munis de capteurs de fines particules atmosphériques et l’un d’eux transportait un prototype de système d’échantillonnage de la qualité de l’air AirSENCE.
Communication et sensibilisation
La société Ocean Networks Canada a mis à la disposition d’ECCC une plate-forme destinée à transmettre les produits aux utilisateurs externes. Ce portail diffusait (en anglais et en français) les observations en surface, les prévisions météorologiques et les alertes aux services de sécurité, aux organisateurs des Jeux et aux fédérations sportives agréées.
Un site Web auquel pouvaient accéder les utilisateurs externes à l’aide d’un mot de passe présentait les initiatives scientifiques menées à bien pendant les Jeux de Toronto. Connu sous l’acronyme ECPASS (Environment Canada Pan Am Science Showcase), il permettait de consulter en temps réel les données issues de plusieurs projets expérimentaux. Le site ECPASS était aussi une plate-forme de communication sur les travaux scientifiques, comportant un blog quotidien et un forum en temps réel. Au-delà de 250 articles ont été écrits pendant la durée des deux séries de Jeux. L’application WISDOM (information météorologique et sanitaire à l’appui de la prise de décision) a été créée par les services de santé publique afin de faciliter la prise de décisions liées au temps dans le cadre des Jeux de Toronto.
Dernières remarques
Il a fallu, pendant les années qui ont précédé les Jeux, mettre au point de nombreuses innovations et procédures afin que les équipes disposent du matériel et du personnel nécessaires. On a effectué énormément d’essais pour garantir un fonctionnement optimal. Les prévisionnistes et les responsables de la communication météorologique devaient apprendre à se servir des nouveaux appareils et logiciels requis pour mettre pleinement à profit les jeux de données Mesonet, les produits de la prévision numérique du temps à haute résolution et les sorties des modèles de la qualité de l’air qui seraient fournis à l’appui du programme d’alerte des Jeux de Toronto. Il convenait aussi d’établir des plans de secours qui prévoient d’autres façons de procurer les services advenant une défaillance au Bureau de la planification stratégique et des communications ou à l’une des deux unités de communication météorologique. Cinq essais d’intégration ont été réalisés au cours d’une phase d’opérations intensives afin de certifier que tous les instruments, postes de travail et membres du personnel étaient prêts pour l’événement.
Les Jeux de Toronto ont permis à ECCC de tester les stratégies de surveillance, les modèles et méthodes de prévision, les techniques d’acquisition de données et les applications de diffusion qui seront à l’œuvre demain. Ils ont été l’occasion de raviver et d’approfondir les relations de travail établies de longue date avec divers organismes nationaux et internationaux. Les branches d’ECCC axées sur la recherche et sur l’exploitation ont collaboré de manière étroite, ce qui a produit un jeu de données unifié qui rassemble l’ensemble des observations, des prévisions et des sorties de modèles utilisés pendant les Jeux. Ces données, soigneusement conservées, sont mises à la disposition de la communauté internationale.
Le programme de «services météorologiques» pour les Jeux de Toronto a été globalement un succès; ECCC y a gagné de nouveaux outils et une connaissance des moyens à mettre en œuvre pour soutenir un événement de grande envergure. L’équipe responsable a relevé de nombreux défis, certains prévus, d’autres surgissant alors qu’approchait la cérémonie d’ouverture. Elle est tout à fait disposée à transmettre l’expérience ainsi acquise et les pratiques qui se sont avérées efficaces face à la complexité que représente la prestation de services adaptés à une échelle aussi fine et la mise en place de systèmes de prévision et de surveillance à haute résolution.