L’observation du climat — les défis du XXIe siècle

01 janvier 2008

par William Wright*


Introduction

L’un des grands défis que devra relever l’humanité au XXIe siècle consistera à gérer le climat mondial, aujourd’hui et dans l’avenir. Les basculements saisonniers du climat, avec leurs sécheresses, inondations et orages, sont responsables de grandes catastrophes naturelles qui, à l’extrême, provoquent mort, famine, perte de moyens de subsistance, épidémies et déplacements de populations, ainsi que d’importantes pertes de biens privés et publics. En outre, le large consensus d’éminents scientifiques réputés, présenté dans le quatrième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, indique que le climat est en train de changer et changera encore beaucoup. De manière générale, ces changements vont aller vers une aggravation de la situation, les effets les plus aigus se faisant probablement sentir dans les pays en développement et les pays les moins avancés—soit précisément les pays les moins en mesure de s’adapter.

La bonne nouvelle est que le progrès scientifique a doté l’humanité d’outils susceptibles de diminuer les impacts négatifs en lui permettant dans une certaine mesure de prévoir à l’avance ce qui va se produire de sorte qu’il y ait, au moins potentiellement, la possibilité de prendre des mesures préventives. Ainsi, une probabilité accrue de sécheresse peut, théoriquement, conduire à une série d’activités opportunes d’atténuation: une gestion plus précautionneuse de l’eau (par exemple davantage de stockage dans des citernes); des réponses agricoles comme la plantation de graines de semence d’une qualité résistant à la sécheresse; la reconnaissance par les gouvernements du fait que les communautés touchées peuvent avoir besoin d’un appui soit financier soit sous une autre forme. En termes de changements climatiques la mise au point de modèles sans cesse plus puissants et les techniques de réduction d’échelle permettent non seulement de prévoir les configurations climatiques futures à partir des niveaux connus de forçage atmosphérique, mais devraient sous peu rendre possible l’estimation de leur impact probable sur les précipitations locales et la végétation—à condition que l’on dispose de données suffisantes pour pouvoir développer et vérifier les modèles. En bref, les leçons des relevés climatologiques du passé devraient dûment servir la capacité de l’humanité à gérer le climat de l’avenir.

Dans cette phrase, l’expression clef est «les leçons des relevés climatologiques du passé». Pour élaborer des stratégies d’adaptation efficaces pour l’avenir, un relevé fiable du climat actuel et passé est absolument indispensable. En général, il ne suffit pas de collecter et recycler simplement les observations effectuées pour la prévision météorologique car le climat a des besoins propres qui diffèrent de ceux de la prévision. Les spécialistes du climat et les prestataires de services dans le domaine du climat ont notamment besoin de relevés d’observation de longue durée qui ne soient pas entachés d’interruptions majeures, de grosses erreurs ou d’éléments non homogènes. Les réseaux conçus essentiellement pour la prévision météorologique ne réunissent pas forcément ces conditions. Actuellement, il appartient aux spécialistes du climat, par la sensibilisation et le travail de conseil, de s’assurer que les concepteurs des réseaux d’observation reconnaissent les besoins particuliers du programme climatique. D’autres défis liés à la bonne utilisation des données doivent aussi être relevés, comme le développement de capacités permettant d’analyser et d’interpréter ce que nous disent les relevés climatiques et la fusion des observations historiques avec les projections climatiques futures

Une liste de souhaits concernant les relevés climatologiques

S’il est difficile de généraliser quant à ce qui constitue des relevés suffisamment longs, on peut néanmoins suggérer qu’il faut au moins 30 années de relevés dans un nombre suffisant de stations pour représenter toutes les principales zones climatiques et régions vulnérables au sein d’un pays. Étant donné la nécessité de veiller à ce que les extrêmes climatiques soient dûment capturés, ces données devraient être recueillies au moins à l’échelle journalière. En outre, les données doivent être homogènes et accompagnées de bonnes informations d’appui (métadonnées). Une série chronologique de données sur les précipitations avec une discontinuité de 15 % compliquera l’identification et l’attribution de tendances liées aux changements climatiques dans les précipitations de magnitude semblable. La tâche serait quasiment impossible si l’on ne disposait pas de métadonnées indiquant l’heure et la raison des discontinuités.

Les séries chronologiques doivent également être exemptes d’interruptions importantes dans les relevés, car celles-ci peuvent faire des ravages dans les relations statistiques notamment. Enfin, plus la gamme de variables enregistrées est large, plus il sera possible de suivre le climat. À bien des égards, il est utile de connaître non seulement les précipitations et les températures moyennes et extrêmes pour une zone donnée, mais également la fréquence des orages, orages de grêle et épisodes de gel.

Étant donné que la variabilité du climat et les changements climatiques sont des phénomènes mondiaux, ces relevés doivent, dans la mesure du possible, avoir une portée mondiale. Si les bons relevés disponibles dans certains pays sont précieux pour ces pays, la possibilité de comprendre et prévoir le climat mondial dans son ensemble est amoindrie lorsqu’il y a peu ou pas d’observations dans les pays voisins. Il est fort probable que notre capacité à prévoir le climat mondial dans des conditions de réchauffement planétaire futur serait affaiblie par des lacunes dans les observations de surface et les observations aérologiques au-dessus de la région de l’océan Pacifique, qui est en fait le «volant cinétique» du système climatique actuel, et le lieu du phénomène El Niño/Oscillation australe.

Malheureusement, au moment même où des réseaux de qualité pour le suivi et la prévision du climat sont le plus nécessaires —et ceci est un fait de mieux en mieux reconnu— les facteurs économiques œuvrent dans la direction opposée.

Impacts des stations météorologiques automatiques

Il est indéniable que, dans presque tous les pays, les budgets des Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) sont de plus en plus assujettis à des restrictions. Dans cet environnement, la tendance consiste de plus en plus à remplacer des réseaux d’observation manuels relativement gourmands en ressources par une instrumentation automatisée et des systèmes de télédétection. Si de tels réseaux sont peu onéreux et présentent des avantages considérables pour la communauté des prévisionnistes météorologiques, ils risquent de poser un certain nombre de problèmes pour la communauté des climatologues et l’intégrité d’ensemble des relevés climatologiques.

Cette tendance à l’automatisation de quelques réseaux d’observation (tous dans certains pays) est apparue depuis 10 à 15 ans. On a estimé qu’à fin 2006 environ 23 % des stations des Réseaux synoptiques de base régionaux étaient des stations météorologiques automatiques et que leur nombre augmentait rapidement. Il est certain que les stations météorologiques automatiques ont des caractéristiques attrayantes pour la science du climat: en dehors de leur rapport coût-efficacité, elles fournissent des données plus fréquentes (jusqu’à une minute d’intervalle dans certains cas); sont mieux en mesure de détecter les extrêmes (du fait de la plus grande fréquence des données); peuvent être installées dans des lieux isolés ou hostiles au plan du climat; fournissent généralement un accès plus rapide aux données; et assurent cohérence et objectivité dans les mesures. Elles peuvent également jouer un rôle utile pour certains types de contrôle de qualité: par exemple, lorsqu’un observateur manuel prend des vacances, il peut être possible d’utiliser des enregistrements journaliers d’une station météorologique automatique proche pour subdiviser un total cumulé de précipitations dans ses composantes journalières.

D’un autre côté, l’expérience de plusieurs pays a montré que les stations météorologiques automatiques pouvaient avoir un effet négatif sur les relevés climatologiques. Parmi les impacts observés on peut citer:

  • Des pertes de données, pannes de communication et sauvegardes inadéquates des données, conduisant à des interruptions importantes dans la continuité des données;
  • Des manques d’homogénéité introduits dans des séries chronologiques, en partie du fait d’une gestion inadéquate du changement (par exemple, une période insuffisante de chevauchement entre les observations conventionnelles et celles des stations météorologiques automatiques) et parfois en raison d’une mauvaise maintenance. Une étude récemment menée en Roumanie a montré que les stations météorologiques automatiques avaient tendance à surestimer les températures minimales et à sous-estimer les températures maximales; alors qu’en Australie un changement de capteur de vent a conduit à des discontinuités dans les vitesses de pointe du vent, ce qui a attiré la colère de l’autorité nationale de normalisation;
  • Les procédures de maintenance peuvent par fois provoquer de brusques variations parasites des données;
  • Dans certains cas, des doutes sont apparus quant à l’exactitude et la précision, notamment des précipitations. Encore une fois, ceci peut poser des problèmes d’homogénéité, et influencer des décisions dont dépendent de grosses sommes d’argent;
  • Étant donné la complexité de l’électronique contenue dans les stations météorologiques automatiques, la maintenance nécessite des compétences plus spécialisées que celles qui sont facilement disponibles dans certains pays;
  • À moins que les stations météorologiques automatiques ne soient spécifiquement équipées de capteurs spéciaux, leur mise en place entraîne généralement une perte d’observations visuelles (de phénomènes météorologiques par exemple), ce qui fait qu’il est difficile de construire certains types de climatologies, ou de suivre des tendances, par exemple en ce qui concerne les jours de grêle ou la nébulosité.

Nombre des impacts indiqués ci-dessus peuvent être réduits de manière substantielle si l’introduction des stations météorologiques automatiques s’accompagne de bonnes procédures de mise en œuvre et de gestion du changement et d’une maintenance régulière. En outre, on peut s’attendre à ce que les problèmes identifiés soient encore plus atténués à mesure que la technologie continue à s’améliorer: par exemple, des capteurs visuels peuvent enregistrer certains types de phénomènes; de meilleurs enregistreurs de données peuvent réduire les pertes de données. Le problème est que bonne gestion et améliorations technologiques signifient généralement des dépenses supplémentaires. Le défi pour les programmes climatiques où qu’ils se déroulent constituera à s’assurer tout d’abord que la valeur des relevés climatologiques est reconnue et ensuite que les réseaux sont conçus de manière à ce que les stations conventionnelles et les stations météorologiques automatiques soient complémentaires au plan de leurs forces et faiblesses. La Commission de climatologie de l’OMM (CCl) a un rôle de chef de file à jouer en la matière. L’une des activités actuelles de l’équipe d’experts pour les besoins en matière d’observation et les normes climatologiques consiste à identifier et dresser la liste des besoins en matière de données de stations météorologiques automatiques à des fins de climatologie. Ces besoins comprennent non seulement des normes de précision pour les capteurs mais également des exigences en matière de sauvegarde des données, de capteurs de rechange, de répartition des stations, de maintenance, etc.

Les systèmes de télédétection sont attrayants en raison de leur capacité à assurer une beaucoup plus grande densité d’observations que les réseaux conventionnels. Ils sont particulièrement précieux au-dessus des océans et des zones peu peuplées. Les inconvénients sont qu’il est difficile de suivre ou d’interpréter précisément certaines variables. Par ailleurs, il faut au moins un certain nombre de stations de surface pour assurer la «réalité de terrain» des informations déduites des données des satellites, radars, etc.

Le défi de l’avenir consistera à intégrer les approches de télédétection avec les réseaux conventionnels et les réseaux de stations météorologiques automatiques au sol, de manière à ce que le relevé climatologique dans son intégralité ne soit pas compromis. Ceci nécessitera non seulement une stratégie soignée de gestion du changement à mesure que les systèmes d’observation évoluent, mais presque certainement la mise en place d’une combinaison optimale de systèmes d’observation, laquelle nécessitera d’importantes recherches.

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Participants d’Afrique centrale au Séminaire de l’OMM sur l’homogénéisation des données climatologiques et les indices de changements climatiques: activité complète de renforcement des capacités de quatre semaines sur l’utilisation des technologies modernes de l’information et du logiciel CLIMSOFT afin de mieux gérer les données climatiques et l’utilisation du logiciel ClimDex pour calculer les indices d’extrêmes climatiques (Brazzaville, Congo, mars-avril 2007)

Gestion des données d’observation et intendance

Le fait de disposer de réseaux d’observation pouvant effectuer et enregistrer des observations régulières du climat est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour s’assurer que les relevés climatologiques peuvent appuyer de manière adéquate la surveillance du climat et la prestation de services climatiques. Les données doivent également faire l’objet d’un contrôle de qualité adéquat et être dûment archivées et facilement accessibles. Si le relevé climatologique est en grande partie ou uniquement sous forme de manuscrit papier, il est difficile de l’utiliser pour construire des climatologies, élaborer des schémas de prévision statistiques ou exploiter des modèles du climat. Malheureusement, la question de la bonne gestion des données d’observation reste un problème majeur dans beaucoup de pays, notamment dans les pays en développement.

Les paragraphes qui suivent définissent les besoins en matière de gestion de données pour veiller à ce que les informations contenues dans les observations soient disponibles pour un usage optimal. À cela, il convient d’ajouter comme impératif le fait que les pays restent disposés à partager leurs données, afin que le reste du monde y ait accès.


Nous, les délégués de 170 pays, réunis à Genève du 4 au 26 mai 1999 à l’occasion du Treizième Congrès météorologique mondial, déclarons: …

Nous savons que les systèmes météorologiques et climatiques ignorent les frontières géopolitiques et que leur interaction est constante. Aucun pays ne saurait donc être tout à fait autonome s’agissant de fournir les services météorologiques nécessaires à la nation. Les pays doivent œuvrer ensemble dans un esprit d’entraide et de coopération.

(Extrait de la Déclaration de Genève émanant du Treizième Congrès météorologique mondial)

Sauvetage et numérisation des données

De nombreux pays disposent de grandes quantités de données enfermées sur des formats papier quasiment inaccessibles tels que des livres de bord ou des feuilles de relevé. Pire encore, sous de tels formats, ces données courent le risque d’être perdues ou endommagées irrémédiablement par l’incendie, les inondations, la pourriture, le vol ou des attaques d’insectes ou de vermine. C’est la raison pour laquelle l’OMM s’intéresse depuis plusieurs années aux efforts de numérisation et de sauvetage des données, notamment dans les pays en développement. Dans cet effort, l’organisation a reçu de l’aide sous forme d’un financement fort opportun d’agences gouvernementales de certains pays. En général, ce type d’activité signifie que l’on protège les registres vulnérables contre une perte ou des dégâts irrémédiables, en les numérisant/photographiant et/ou en les déménageant dans des lieux plus sûrs (y compris à l’étranger) et —ce qui est important— en formant le personnel des SMHN aux bonnes techniques de gestion et d’archivage des relevés. Plusieurs pays ont appuyé les tentatives de la communauté des sciences de la mer pour sauver ainsi les livres de bord des navires afin d’aider à interpréter les conditions climatiques sur les océans du globe, par exemple par le biais du projet RECLAIM (RECovery of Logbooks And International Marine Data— Récupération des livres de bord et des données maritimes internationales).

Technologie des bases de données et archivage

À notre époque moderne, un bon accès aux données signifie que les données sont stockées sous des formats électroniques et, de préférence, sous une forme aisément digérée par des tableurs, logiciels d’analyse et modèles climatiques. La CCl soutient ces activités en recommandant et en appuyant diverses initiatives de gestion de données (cf.: PMDSC, 2005). à titre d’exemple récent, on peut citer le fait d’avoir recommandé et mis en œuvre pour les pays en développement et les pays les moins avancés un logiciel non propriétaire de gestion des données conçu en fonction des besoins et des limites des SMHN de ces pays. Le progiciel ClimSoft, élaboré sous l’égide de l’OMM, a pour l’instant été installé dans des pays de la région caraïbe ainsi que dans des pays d’Afrique et du Pacifique, installation qui s’est accompagnée de cours de formation, de formes de présentation adaptées et d’un groupe de discussion en ligne. Le Bureau météorologique australien a apporté son soutien à la partie de cette mise en œuvre concernant le Pacifique: l’expérience a montré que la formation à l’utilisation d’un logiciel de ce type est beaucoup plus efficace lorsqu’elle est dispensée dans le pays que lorsqu’elle se déroule sous forme de séminaires auxquels ne participe parfois qu’un seul représentant par pays.

Lorsqu’il n’est pas possible de numériser les données, il importe néanmoins de veiller à ce que les archives papier soient stockées de manière sûre, selon des normes d’archivage acceptables (par exemple dans des boîtes sans acide, dans des salles où l’air est conditionné et en ayant correctement inventorié les données).

Contrôle/assurance de qualité (QC/QA)

Pour que les données soient véritablement fiables il est nécessaire de pouvoir diagnostiquer, puis corriger, éliminer ou tout au moins signaler les erreurs. En d’autres mots, les données doivent être soumises à une forme de contrôle de qualité (QC). à une époque, un tel contrôle était une activité très manuelle, le personnel du SMHN devant vérifier physiquement les différentes données enregistrées sur les livres de bord ou les feuilles de relevé à l’aide d’une série de tests, combinés à l’expérience souvent subjective de l’opérateur, à une pincée de connaissance de la topographie locale et à une forte dose de connaissance des observations. Avec l’arrivée des ordinateurs automatiques ultrarapides et l’augmentation du volume de données, dans beaucoup d’endroits le contrôle de qualité est devenu plus automatisé, une grande partie des tests étant réalisés de manière automatique à l’aide de vérifications prédéterminées (comme des vérifications par rapport aux extrêmes climatiques, des vérifications de consistance interne —par exemple le point de rosée dépasse-t-il la température?—, des vérifications par rapport à des fluctuations temporelles peu probables, ou par rapport aux stations voisines). Avec cette approche, le rôle manuel de l’opérateur —s’il en a un— est limité à suivre les éléments et prendre des décisions sur les cas signalés par les procédures de vérification automatiques. Une bonne pratique en matière de contrôle de qualité consiste à attribuer un marqueur de qualité indiquant la fiabilité des données et à conserver un historique d’expertise afin de pouvoir reconstituer les données si nécessaire.

De toute évidence, le degré et le type des contrôles de qualité vont dépendre de facteurs tels que le nombre de stations, le type de variables (de manière générale, les variables climatiques essentielles comme les précipitations, la température et l’humidité devraient retenir davantage l’attention que les variables moins critiques), la fréquence des données et, bien entendu, les ressources de calcul dont dispose le SMHN. Certains centres (comme le National Climatic Data Center des États-Unis d’Amérique (NCDC)) effectuent des tests supplémentaires sur l’homogénéité. L’équipe d’experts pour les besoins en matière d’observation et les normes climatologiques finalise avec le NCDC une révision des Guidelines on the Quality Control of Surface Climate Data (Abbott, 1986).

Une part importante du processus de contrôle/assurance qualité consiste à s’assurer que les erreurs systématiques ou répétées sont identifiées et sont signalées aux gestionnaires des observations pour enquête et rectification. Les erreurs récurrentes peuvent refléter des capteurs défaillants, de mauvaises pratiques d’observation, un site ou une maintenance inapproprié des instruments ou—dans le cas de stations météorologiques automatiques—des problèmes dans le système de messagerie (récemment, en Australie, il y a eu une panne aléatoire de logiciel qui dans certains cas a provoqué l’écrasement de données récentes par des messages anciens). Une telle assurance de qualité de bout en bout devrait être l’objectif premier des SMHN: il va sans dire que la meilleure forme d’assurance de la qualité consiste à s’assurer que les données originales sont aussi proches que possible de la perfection.

Efforts internationaux de sauvetage et de numérisation des relevés climatologiques dans le bassin méditerranéen
Les séries chronologiques de données instrumentales de qualité et fiables sont des informations clefs nécessaires pour réaliser des évaluations solides et cohérentes afin de mieux comprendre, détecter et prévoir la variabilité et le changement du climat et y réagir. Ces données sont utiles pour les études et prévisions climatologiques régionales, l’étalonnage des données satellitaires, la production de données de réanalyse climatique de qualité et elles constituent également un outil formidable et essentiel pour traduire les preuves climatiques indirectes en termes instrumentaux.

La région méditerranéenne bénéficie d’un riche et long historique de suivi de l’atmosphère, qui remonte au XIXe siècle. Pourtant, en dépit des efforts entrepris par certains Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) en matière d’activités de sauvetage de données (DARE), activités destinées à transférer les relevés climatologiques anciens à long terme d’un support fragile (formulaires papier) à de nouveaux supports électroniques, les données climatiques numériques restent essentiellement limitées à la seconde moitié du XXe siècle, ce qui entrave les efforts de la région pour élaborer des évaluations plus exactes de la variabilité du climat et du changement climatique.

Pour résoudre ces problèmes, l’Organisation météorologique mondiale (OMM), en collaboration avec l’Institut national de météorologie (INM) de l’Espagne et l’Université de Tarragone, a organisé un Atelier international sur le sauvetage et la numérisation des archives climatologiques dans le bassin méditerranéen, à Tarragone (Espagne), du 28 au 30 novembre 2007. Au total, 22 SMHN de la région et plusieurs institutions régionales et internationales ont assisté à ce séminaire et défini la marche à suivre. Le plan de travail établi suite à cette réunion prévoit de dresser un inventaire par pays des relevés climatologiques à long terme actuellement disponibles sous forme numérique (températures, précipitations, pression atmosphérique) ainsi que des relevés les plus longs et des relevés climatologiques clefs à récupérer et de créer un site Web commun pour inventorier les données climatiques courantes disponibles et les données susceptibles d’être récupérées à l’échelon national ainsi que les mesures à adopter pour développer les activités de sauvetage des données climatiques nationales/régionales.
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Sauvetage des données et numérisation des relevés climatiques

Difficultés particulières dans les pays en développement

Dans les paragraphes précédents il a été fait référence aux problèmes rencontrés par les pays en développement et les pays les moins avancés tant en matière de collecte que de gestion des données climatologiques. Beaucoup de ces problèmes ont été identifiés dans diverses publications comme le premier et le deuxième Rapports du SMOC sur l’efficacité des systèmes mondiaux d’observation à des fins climatologiques (par exemple SMOC, 2003). En dehors de graves contraintes en matière de ressources, il peut y avoir une rotation élevée du personnel, car il y a souvent peu d’occasions de former de nouveaux membres du personnel; l’équipement et les installations de stockage peuvent être médiocres ou limités; les stations sont fréquemment éloignées et difficiles d’accès, du fait des infrastructures limitées; les communications peuvent être médiocres et la météorologie figure souvent très bas dans la liste des priorités gouvernementales.

Pourtant, sans les observations de ces pays, non seulement il devient difficile d’assurer le niveau de services climatiques requis dans le pays pour gérer les risques liés au climat, mais il devient difficile, voire impossible, de réunir une image véritablement globale du climat, de ses variations et de ses changements. Il est essentiel que la communauté météorologique mondiale traite et aide à résoudre les problèmes de gestion des observations et des données dans les pays en développement et dans les pays les moins avancés.

giving laptop Au nom de l’OMM, M. Bui Van Duc (à droite), Directeur Général du Service météorologique national du Viet Nam, remet à un participant à un stage de renforcement des capacités un ordinateur portable destiné à lui permettre d’exploiter et maintenir une base de données climatologiques dans l’institution de son pays (Stage de formation sur le système Climsoft, l’homogénéisation des données climatologiques et les indices de changements climatiques, Hanoi, Viet Nam, 12 novembre-7 décembre 2007).

L’équipe d’experts pour les besoins en matière d’observation et les normes climatologiques élabore actuellement une série de recommandations sur la manière de soutenir les programmes d’observation climatique dans les pays en développement et les pays les moins avancés, en partant de l’hypothèse selon laquelle, pour répondre aux besoins actuels et futurs, il est nécessaire de disposer d’un nombre minimum de stations climatiques représentant des centres clefs, des zones climatiques distinctes et, en particulier, des régions et des secteurs vulnérables. L’équipe va étudier ce qui peut être fait pour améliorer les normes d’observation, par exemple au moyen d’une formation améliorée et mieux ciblée et en recourant à des stations météorologiques automatiques. Elle va tenter de formuler des propositions sur la manière dont certains des problèmes endémiques mentionnés dans les paragraphes ci-dessus peuvent être résolus. Des suggestions seront également faites sur la mobilisation des ressources, y compris par le biais des organismes d’aide et des organismes qui financent les projets relatifs au changement climatique, par le recours, lorsque c’est possible, à des financements privés, et en améliorant l’image des SMHN au plan domestique.

Conclusions

On reconnaît largement que le changement climatique fait peser ce qui est peut-être la plus lourde menace isolée sur l’avenir de l’humanité et l’environnement. Des efforts majeurs seront nécessaires au plan planétaire pour en atténuer les impacts et le soutien de la communauté météorologique et, en particulier, de la communauté climatologique sera nécessaire à cet effet. Ce soutien devra à son tour s’appuyer sur un système d’observation conçu en fonction des besoins du programme climatologique. Le rôle de l’OMM, de sa Commission de climatologie et des SMHN sera crucial pour soutenir un tel système.


Références

Abbott, P.F., 1986: Guidelines on the quality control of surface climatological data, WMO/TD No. 111, 56 p. plus appendices (18 p.), OMM, Genève.

Système mondial d’observation du climat (SMOC), 2003: Deuxième Rapport sur l’efficacité des systèmes mondiaux d’observation à des fins climatologiques. Rapport N° 82 du SMOC, WMO/TD-No. 1143, OMM, Genève.

Programme mondial des données climatologiques et de surveillance du climat (PMDSC), 2005: Rapport du stage de formation à la gestion des bases de données pour la Région V (Melbourne, Australie, 28 novembre-3 décembre 2004) WCDMP-No. 57, WMO/TDNo.1263, OMM, Genève (7 p.).


* National Climate Centre, Bureau météorologique australien, Melbourne, Australie; Chef d’équipe, équipe d’experts pour les besoins en matière d’observation et les normes climatologiques de la Commission de climatologie de l’OMM


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