Mise en place des services climatologiques à l’échelle mondiale, régionale et nationale

01 juin 2013


Consolider un soutien pour les services climatologiques au niveau national

Le Cadre mondial pour les services climatologiques (CMSC) est d’ores et déjà parvenu à nouer des partenariats effectifs au niveau mondial. Avec l’appui des Nations Unies et d’autres organisations internationales, les gouvernements oeuvrent de concert afin de promouvoir le concept de services climatologiques, pour attirer des fonds et lancer des projets. La prochaine étape consiste à matérialiser le Cadre aux niveaux national et local pour le rapprocher de l’utilisateur final des prévisions, informations et conseils climatologiques. La meilleure façon est encore de recourir à des cadres nationaux et au dialogue qui aboutissent à des services climatologiques opérationnels. Le CMSC s’emploie à faire avancer cette matérialisation grâce à une série d’ateliers régionaux sur les services climatologiques au plan national.

Ces ateliers régionaux permettent aux experts de rencontrer leurs homologues des pays voisins et de discuter de leurs problèmes et besoins communs. En veillant à ce que participe une masse critique d’experts de tous bords, de domaines tels que la météorologie, la recherche climatologique, la santé publique, la réduction des risques, la gestion des ressources en eau et l’agriculture, ils garantissent des discussions hautement enrichissantes. Ces discussions pavent la voie de la prochaine étape critique, à savoir celle des dialogues nationaux qui mènent directement à des services opérationnels fondés sur la demande.

Le premier atelier régional sur les services climatologiques à l’échelon national s’est tenu à Bangkok en octobre 2012. Il portait sur les pays les moins avancés en Asie et était parrainé par l’OMM, la Banque asiatique de développement, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Service météorologique de la Thaïlande. Plus de 50 experts provenant de neuf pays et d’organisations régionales et mondiales ont répondu à l’appel.

Le deuxième atelier régional s’est tenu à Port of Spain, Trinité-et-Tobago, en mai 2013 et a rassemblé quelques 70 participants, tant prestataires qu’utilisateurs de 20 pays. Cet atelier était lui aussi organisé par l’OMM, mais cette fois-ci conjointement avec l’Institut de météorologie et d’hydrologie des Caraïbes (CIMH) et l’Administration américaine pour les océans et l’atmosphère (NOAA), avec le soutien financier de la FAO, du Service météorologique espagnol (AEMet) et de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Les prochains ateliers régionaux seront organisés en Amérique latine et dans le Pacifique Sud.

Enjeux et préoccupations en commun

Les ateliers de Bangkok et de Port of Spain ont mis en exergue un ensemble de questions qui concernent probablement toutes les régions. Tout d’abord, pour être fiables, les services climatologiques doivent reposer sur des travaux de recherche et des bases scientifiques solides. Grâce aux intensives recherches scientifiques, la prévision saisonnière a remarquablement progressé pour de nombreuses régions (particulièrement les tropiques), et les prévisions à long terme du changement climatique sont de plus en plus fiables.

Afin de faire avancer la prévision saisonnière et de renforcer les capacités régionales, l’OMM soutient la création de forums régionaux sur l’évolution probable du climat (FREPC). Étant donné que les ressources des pays en développement sont limitées, ces forums ciblent essentiellement la recherche appliquée. Leur dessein est double: ils renforcent la création de réseaux de connaissances entre experts climatologues régionaux, ainsi qu’avec les utilisateurs de prévisions climatiques (si les utilisateurs ne peuvent pas comprendre ou utiliser ces prévisions, elles perdent leur utilité), et au fil du temps, ils améliorent la précision des prévisions saisonnières régionales. Des FREPC existent maintenant dans plus de dix régions, notamment les Caraïbes, le sud-est de l’Europe et l’Afrique australe. Ils constituent une composante essentielle du CMSC et de la mise en place de services climatologiques opérationnels.

La recherche dépend de données, et les inquiétudes relatives à leur quantité et qualité sont universelles. Obtenir, gérer et diffuser des données peut revenir cher. Il peut s’avérer nécessaire d’identifier les jeux de données utiles, qu’il faut sauvegarder pour ne pas les perdre ou pour éviter qu’ils se dégradent. Il peut être judicieux de discuter des questions de données à l’échelon régional.

Comment tirer le plus possible parti de ressources limitées est une question qui peut se prêter à des solutions régionales. Les pôles d’excellence, par exemple, sont plus facilement pris en charge à l’échelle régionale que nationale. La coordination régionale pourrait également s’avérer utile pour s’assurer que le Cadre mondial est bien en phase avec le grand nombre de structures et cadres mondiaux que les Nations unies et d’autres ont déjà mis en place à l’appui du développement durable.

Les ateliers régionaux permettent aux participants de se pencher sur les lacunes, le développement des capacités et sur les stratégies de mobilisation des parties prenantes. Ils sont l’occasion d’échanger les pratiques exemplaires et les exemples de réussite en matière de prestation et d’utilisation des services climatologiques. Ils permettent d’étudier comment les Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) et les autres prestataires de services climatologiques peuvent communiquer des informations hautement techniques aux experts d’autres domaines tout aussi techniques et dotés de leur propre vocabulaire hautement spécifique. Les participants à l’atelier peuvent également échanger des idées sur la façon de mobiliser les hauts responsables du gouvernement, d’éventuels bailleurs de fond, la presse et d’autres publics, en transmettant des messages éloquents et des témoignages qui sensibilisent à la manière dont les services climatologiques peuvent contribuer au développement durable (voir encadré).

La communication, le CMSC et les services climatologiques

Les SMHN communiquent régulièrement des informations sur le temps et les phénomènes extrêmes, ils obtiennent ainsi davantage de visibilité et sensibilisent largement le grand public à la valeur des services météorologiques. Les prestataires de services climatologiques auront tout intérêt à reproduire ce modèle couronné de succès dans le domaine de la variabilité du climat et du changement climatique. Les défis qui se posent en obstacle sont multiples: les services climatologiques ne sont pas aussi mûrs que les services météorologiques; le contact avec le climat est moins direct qu’avec le temps; les prévisions climatologiques sont plus complexes que les prévisions météorologiques; le climat implique en règle générale des réponses stratégiques à long terme qui peuvent être plus difficiles à évaluer. Communication et sensibilisation sont donc indispensables pour accroître les connaissances du public sur le climat et les convaincre des nombreux avantages qu’offrent les services climatologiques.

La stratégie de communication du CMSC vise à mobiliser les gouvernements, les institutions des Nations Unies et d’autres partenaires afin de bâtir un cadre transversal et multidisciplinaire. Elle cherche également à informer les utilisateurs potentiels de services climatologiques des progrès formidables réalisés en climatologie, des produits et services opérationnels rendus possibles, et des avantages que les communautés et secteurs socio-économiques retirent déjà des informations, prévisions et conseils climatologiques.

L’OMM et d’autres s’activent à mettre le Cadre en avant par lebiais d’Internet, d’ateliers, de présentations, de publications, d’articles, des médias sociaux et d’un travail médiatique. En octobre 2012, le Congrès météorologique mondial à sa session extraordinaire a adopté la stratégie de communication disponible sur le site Web du CMSC.

Le label CMSC

Valoriser une image de marque est un outil utile pour obtenir une démarche stratégique et cohérente en matière de sensibilisation. Une image de marque peut être définie comme étant ce que les gens perçoivent ou comment ils réagissent à un produit, un service ou une organisation; ils lui font confiance ou ils s’en méfient; ils désirent l’utiliser ou non. Dans le cas du CMSC, la marque, ou l’identité, est la somme de tous les attributs du Cadre. Cela comprend l’identité visuelle: le logo, l’apparence générale du site Web et des publications du Cadre, ainsi que les sensations que ces deux derniers suscitent.

Ce qui différencie vraiment la marque du CMSC et qui rend le Cadre unique en le distinguant des autres, ce sont ses attributs ou la valeur ajoutée perçue. Le Cadre est un partenariat interdisciplinaire, dirigé par les gouvernements, qui englobe l’ensemble du système des Nations Unies. Il offre un accès à une science et des applications de pointe, il répond tant au changement climatique qu’à la variabilité du climat, il vient en appui aux priorités nationales, il aide les gouvernements à bâtir des services climatologiques nationaux et régionaux, et il rend les utilisateurs autonomes dans l’utilisation des services climatologiques afin de résoudre des problèmes réels. Autant de valeurs qui attirent les gens vers le label CMSC.

Des messages et témoignages éloquents sont impératifs pour donner vie au label CMSC. Le Bureau du Cadre a déjà collecté un certain nombre d’études de cas auprès des gouvernements et organisations et les a regroupées dans un livre de 250 pages intitulé Climate ExChange, rédigé par plus de 100 auteurs et publié par l’OMM et Tudor Rose, en octobre 2012. À mesure que les services climatologiques gagnent en maturité, il sera possible de relater de mieux en mieux des témoignages d’histoires vécues, évoquant la façon dont tels services spécifiques aident telle ou telle communauté ou des personnes en particulier à faire face à des problèmes urgents. Recueillir et partager des expériences qui montrent tout l’impact du climat et des services climatologiques est important pour toute la communauté du CMSC.


Sensibilisation nationale

Si les activités de sensibilisation au CMSC ont commencé à l’échelon international en mobilisant les gouvernements et les organisations, il est impératif à présent qu’elles ciblent de plus en plus les niveaux régionaux et nationaux. Les partenaires doivent absolument aujourd’hui être mobilisés dans des cadres nationaux et les utilisateurs finals des services climatologiques, stimulés. L’objectif visé doit être de promouvoir les connaissances sur le climat et une idée générale des services climatologiques notamment auprès des hommes politiques, des hauts responsables des budgets nationaux et du développement, et des potentiels bailleurs de fonds. Ainsi, les SMHN peuvent ouvrir la porte au dialogue qui permet de définir les besoins spécifiques des utilisateurs en matière de services dans les secteurs prioritaires.


Planifier

Pour être efficace, la sensibilisation nationale ne doit pas être considérée comme un rajout ou une pensée après coup. Au contraire, la communication doit être intégrée dès le départ dans toutes les activités qui appuient les services climatologiques. Préparer un plan à l’avance est une bonne manière de considérer tous les aspects de lamarque, des messages et des témoignages à mettre en avant. Il faudrait définir les publics prioritaires (tels que les utilisateurs finals des secteurs tant publics que privés, les médias, les éventuels partenaires, les bailleurs de fonds), et exploiter des outils et modes de communication multiples (Internet, presse, etc.).

Parmi les messages génériques à transmettre pourraient figurer notamment: la climatologie et les prévisions climatiques sont à présent suffisamment au point pour soutenir des services opérationnels; les services climatologiques offrent des informations et des prévisions utiles et applicables; la prise de décision climatiquement intelligenteaméliorera les vies et les moyens de subsistance, etc. Dans la mesure du possible, les messages diffusés à l’échelon national devraient être plus spécifiques et ciblés.

D’autres considérations pour une sensibilisation effective comprennent notamment: le fait de reconnaître que de nombreux éventuels utilisateurs ne sont pas familiers des fondements de la variabilité du climat et du changement climatique, encore moins de ce que l’on entend par «services climatologiques»; les messages et témoignages doivent être simples, constructifs, pertinents sur le plan du quotidien et exprimés en des termes non techniques; les services climatologiques devraient être liés dans la mesure du possible à d’autres priorités et campagnes du gouvernement et à l’actualité (tempêtes, sécheresses, publications des rapports d’évaluation du GIEC, etc.).

Comme le montrent ces brèves suggestions, sensibiliser est relativement simple, quoique pas toujours facile. L’un des défis majeurs consiste à avoir les capacités, le personnel compétent, le temps et les fonds pour mener à bien ces activités. Si un investissement de départ est clairement requis, les retombées en termes de mobilisation politique et financière et d’éducation des utilisateurs garantissent que les coûts de la sensibilisation seront entièrement couverts et plus encore.

Des services climatologiques à l’appui de la santé publique dans les Caraïbes

Les ateliers régionaux peuvent aussi se pencher plus en détail sur les services climatologiques propres à un secteur donné. Les participants peuvent remplir une enquête sur les services climatologiques actuellement disponibles et sur ceux qui sont utilisés, ainsi que dresser une liste de services additionnels qui seraient nécessaires. Ils peuvent définir des lacunes spécifiques, les besoins en termes de développement des capacités, les arrangements institutionnels, les priorités et les étapes à venir.

Par exemple, lors de l’atelier pour les Caraïbes, les experts de la santé et du climat se sont interrogés en profondeur sur de nombreuses questions que beaucoup disaient ne jamais avoir envisagées auparavant. Ils ont établi que la dengue est une préoccupation régionale commune. La dengue sévit dans toutes les Caraïbes pendant la saison des pluies. Des systèmes d’alerte précoces sont nécessaires pour conseiller les populations vulnérables sur le comportement à adopter afin de minimiser les risques d’épidémie. Les autorités sanitaires ont besoin de services climatologiques qui conjuguent les prévisions saisonnières des précipitations, de la température et de l’humidité afin de prévoir une flambée de dengue. Ces informations doivent être transmises bien à l’avance pour que les responsables de la santé puissent lancer la campagne de sensibilisation qui s’impose.

Parmi les autres domaines prioritaires pour les Caraïbes en matière de services climatologiques pour la santé publique figurent les infections des voies respiratoires, la diarrhée et la gastroentérite, ainsi que les blessures suite à une catastrophe naturelle. Outre les trois paramètres climatologiques précités, ces trois derniers domaines exigeront respectivement des informations sur les poussières transportées du désert du Sahara, des informations sur le changement climatique, par exemple, le réchauffement des océans, et des données et prévisions sur les phénomènes extrêmes. La recherche continue est indispensable à une meilleure compréhension du lien entre le climat et ces diverses préoccupations de santé publique. Des séries de données météorologiques et climatologiques à long terme provenant des SMHN, de préférence informatisées sous un format que les experts de la santé peuvent comprendre et transmettre en temps opportun, sont tout aussi essentielles pour cartographier les risques sanitaires.

Pour parvenir à tout cela, un dialogue régulier entre les ministères de la santé et les SMHN est impératif. Même avec la meilleure volonté du monde, nouer et entretenir un tel dialogue est parfois ardu. Les individus sont pris par leur travail quotidien et disposent de ressources limitées. Dans l’idéal, une personne ou une organisation serait chargée de faciliter le dialogue et de coordonner l’échange des données et informations entre les agences nationales. (L’intervention des décideurs politiques sera peut-être nécessaire par moments pour améliorer l’échange des données). D’autres questions qu’un cadre national permettrait d’aborder sont la traduction des résultats des recherches et des produits de données vers d’autres langues utilisées dans la Région. Le résultat final du dialogue devrait aboutir à l’intégration des services climatologiques aux services opérationnels de santé.


Une feuille de route pour l’action nationale

Les dialogues régionaux pour l’Asie et les Caraïbes ont déjà fait leurs preuves. La prochaine étape vers les cadres nationaux pour des services climatologiques opérationnels consistera à organiser des dialogues nationaux regroupant des experts issus des secteurs sensibles au climat. Ces dialogues élaboreront des mécanismes nationaux de coordination visant à alimenter des partenariats et des réseaux d’utilisateurs et de prestataires de services climatologiques. Les services climatologiques résultants devraient être conçus de façon à répondre aux défis propres à chaque pays et aux besoins des utilisateurs. Ils devraient viser l’action et résoudre des problèmes réels. Les dialogues nationaux aideront les utilisateurs à définir leurs besoins de sorte que les prestataires de services puissent y répondre. Les consultations nationales permettront également aux institutions et partenaires participants de se mettre d’accord sur leurs rôles et mandats respectifs. Des mécanismes de gouvernance effectifs pour les cadres nationaux assureront que tous les partenaires oeuvrent vers des objectifs communs et évitent des vides ou des chevauchements indésirables. Ils permettront aussi de recenser les besoins en développement des capacités et de définir une approche commune pour les bailleurs de fonds internationaux.

Outre les experts des secteurs pertinents, ces dialogues nationaux peuvent commencer à mobiliser aussi les hauts responsables politiques qui prennent des décisions sur les ressources et les budgets. À cette fin, les promoteurs de services climatologiques devront peut-être traduire les impacts du climat en impacts financiers et de développement, pour parler le langage des responsables de la planification du développement. Ils doivent convaincre les hommes politiques qu’ignorer les risques climatiques nuira aux secteurs économiques clés, tels que le tourisme, l’agriculture ou le développement côtier, et par conséquent, à l’économie nationale toute entière. L’on saura que l’on est parvenu à mettre en place ce nouveau paradigme le jour où le Ministère des Finances révisera le plan stratégique du Ministère de l’Eau et lui demandera sans qu’on l’y incite: «Comment ce plan prend-il en compte les risques climatiques?»

 
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