Quantifier le risque avant que des catastrophes ne se produisent: s’informer sur les dangers pour évaluer la probabilité du risque

03 novembre 2014

Par Manuela Di Mauro, Section connaissance des risques, Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe (UNISDR)1


Le risque est une notion prospective qui présuppose l’éventualité d’un événement. Évaluer un risque, c’est donc examiner les événements qui pourraient se produire, quantifier leur probabilité et apprécier leurs conséquences potentielles s’ils devaient survenir.

  • Évaluer les risques en se fondant uniquement sur des événements passés ne permet pas de prendre en compte toute l’information relative à l’état actuel du risque, pour plusieurs raisons:
  • Les relevés d’événements passés ne couvrent qu’une période de temps limitée et ne tiennent pas nécessairement compte de dangers graves mais rares qui existent bel et bien mais qui, simplement, ne se sont peut-être pas produits au cours de la période couverte par les relevés;
  • Les événements observés ne permettent pas de décrire la palette complète des futurs événements possibles. De fait, aucun événement n’est exactement identique à un autre. Évaluer un risque en se fondant exclusivement sur des événements passés ne permet donc sans doute pas d’anticiper correctement des événements à venir de plus grande ampleur, de durée différente, ou situés en des lieux différents, etc.;
  • Les relevés d’événements passés ne fournissent généralement pas d’informations complètes sur le temps et l’espace dans lesquels l’événement s’est produit, ni de description détaillée de ses conséquences, notamment au regard de la gravité du danger à un niveau local.

Dès lors, il est important d’adopter une démarche qui soit fondée sur des relevés passés mais qui tienne aussi compte d’événements susceptibles de se produire à l’avenir, même si ces derniers n’apparaissent jamais dans les relevés ou les bases de données qui documentent les pertes. Cette méthode offre une meilleure couverture des événements possibles et permet d’établir des estimations plus précises de la probabilité d’occurrence de chaque événement, ainsi que des pertes associées. Les décideurs emploient une méthode probabiliste d’évaluation des risques pour déterminer les événements et les pertes susceptibles de se produire, ainsi que leur probabilité et leur fréquence d’occurrence.

Bien que certaines applications particulières des méthodes probabilistes d’évaluation des risques dépendent fortement de l’échelle de l’évaluation, ces méthodes sont généralement employées dans les buts suivants:

  • Élaborer des mesures d’intervention destinées à prévenir les risques en se fondant sur des données probabilistes concernant l’intensité des phénomènes dangereux et l’exposition et la vulnérabilité à ceux-ci;
  • Financer la réduction des risques et calculer le budget correspondant; Effectuer une analyse coûts/avantages et comparer le coût d’interventions particulières avec la réduction des pertes consécutive à ces interventions.

Danger

Dans une évaluation probabiliste du risque, le danger est généralement représenté par un ensemble généré de manière stochastique de tous les événements susceptibles de se produire, chacun d’eux étant associé à une fréquence d’occurrences. Le modèle peut ainsi représenter statistiquement la probabilité d’événements qui ne se sont pas encore produits en un lieu donné.

À partir de l’ensemble d’événements dangereux construit pour évaluer la probabilité de risque, il est possible de reconstituer la courbe de danger 2, qui établit la relation entre une valeur d’intensité et la probabilité d’excéder cette valeur. Il est nécessaire de connaître cette courbe pour pouvoir élaborer des stratégies de réduction du risque local, par exemple dans le but de construire des infrastructures résilientes (routes, ponts, etc.), de planifier l’occupation des sols, de déterminer des zones à faible risque à des fins de développement, ou encore d’établir des codes de construction adéquats, etc. Toutefois, ces applications nécessitent que le phénomène dangereux soit décrit avec une bonne résolution spatiale, ce qui dépend de la qualité des données d’entrée et de l’échelle de l’analyse. Ainsi, pour concevoir un bâtiment antisismique, il ne suffit pas de connaître la magnitude du tremblement de terre possible à son épicentre. Il faut aussi décrire la propagation de l’onde sismique et les «secousses réelles de la terre» ayant des conséquences sur la structure. De même, pour construire un pont, il ne suffit pas d’établir une courbe de danger décrivant la probabilité de précipitations en un point donné d’un bassin: il faut reconstituer la manière dont la pluie se transforme en écoulements, puis rejoint le flux d’un cours d’eau qui se propage en différentes parties du domaine.

Bâtiments détruits après un tremblement de terre dans la province du Sichuan, en Chine, en 2008

Pour concevoir ces interventions et ces infrastructures, il faut aussi connaître l’intensité du danger qui va servir de référence. Par exemple, pour construire une infrastructure dans une zone susceptible d’être inondée, il convient de se poser les questions suivantes: quelle doit être la largeur du pont? De quelle capacité de drainage la route aura-t-elle besoin? À quelle distance de la rivière l’école doit-elle être située? Aux différents événements possibles correspondent différentes hauteurs d’inondation; il faut donc connaître la valeur attendue de la hauteur de l’inondation en chaque point du domaine, ainsi que la probabilité que cette valeur soit dépassée.

En d’autres termes, pour concevoir des interventions destinées à réduire les risques, et pour bâtir des infrastructures résistant aux risques, il faut connaître la variabilité du danger dans l’espace. Celle-ci prend la forme d’une probabilité de dépasser une certaine valeur d’intensité en tout point ou en certains points particuliers du domaine. Cette information doit être connue avec une résolution pouvant aller de quelques centimètres à plusieurs centaines de mètres, selon les besoins de l’application. Elle ne peut être obtenue que par la reconstruction (la modélisation) de la variabilité spatiale du danger pour un ensemble d’événements généré de manière stochastique.

La courbe de danger en tout point du domaine étudié et modélisé peut être construite en appliquant au domaine cet ensemble d’événements généré de manière stochastique, chaque événement étant lié à sa probabilité d’occurrence. Comme on considère que les événements sont indépendants et mutuellement exclusifs, la probabilité de dépassement d’une intensité a qui en résulte peut être calculée de la manière suivante:

p(a)=ΣNi=1 P(A > a|ei) ∙ f(ei)

où p(a) est la probabilité de dépasser une intensité a, P est la probabilité de dépasser une intensité a étant donné l’occurrence de l’événement ei, f(ei) est la fréquence annuelle de l’occurrence de l’événement ei et N est le nombre total d’événements e. L’équation (1) implique que pour chaque événement, l’intensité en un point est exprimée par une distribution de probabilités. L’incertitude de l’estimation de chaque événement ei est ainsi intégrée dans la courbe de danger. Si une seule valeur d’intensité est connue pour l’événement ei (c’est-à-dire si P(A>a|ei) = 1) et si un seul événement dépasse l’intensité a parmi les événements modélisés, alors le taux de dépassement de l’intensité p(a) est égal à la fréquence annuelle d’occurrences de l’événement.

L’inverse de la fréquence annuelle de l’événement est appelé «période de retour». La période de retour doit être considérée comme l’inverse de la fréquence annuelle d’occurrence, et non comme un intervalle de récurrence. Ainsi, une période de retour de 1 en 250 ans ne correspond pas à un événement se produisant exactement tous les 250 ans, mais à un événement ayant 0,4 %de chance de se produire au cours de n’importe quelle année.

Néanmoins, la seule évaluation d’un danger ne suffit pas à apprécier le risque et à concevoir des interventions permettant de réduire celui-ci. Au demeurant, ces interventions, et en particulier la conception de structures résistant aux phénomènes dangereux ou la réglementation de l’occupation des sols, peuvent être coûteuses. Pour apprécier les avantages directs de la réduction des risques, par exemple en termes de retour sur investissement, il est fondamental de quantifier les pertes probables en cas d’absence d’intervention ou de solidité insuffisante des structures, et de comparer ces pertes avec celles qui auraient été subies si l’intervention avait été effectuée. À cette fin, il convient de combiner une évaluation probabiliste du danger avec une évaluation exhaustive du risque, qui prend notamment en compte les conséquences du phénomène dangereux sur les éléments exposés.

Exposition au danger et vulnérabilité

Pour évaluer les conséquences d’un phénomène dangereux, la première étape consiste à analyser et reconstituer l’environnement susceptible d’être touché. En général, les données sur l’exposition au danger distinguent les différents types d’entités physiques présentes sur le sol, notamment les bâtiments, les infrastructures, les terres agricoles et les personnes. Les caractéristiques à évaluer dépendent du périmètre de l’analyse. Si le risque est évalué en termes de pertes de bâtiments, il faut connaître les types de structures et les caractéristiques des constructions. S’il est évalué au regard des dommages causés à des terres agricoles, il faut prendre en compte les types de cultures et leurs saisonnalité. Enfin, une analyse des risques de mortalité nécessitera des données démographiques et socioéconomiques sur la population.

  • Les données concernant l’exposition au danger doivent indiquer l’emplacement physique du bien ainsi que les caractéristiques de celui-ci ayant une incidence sur sa vulnérabilité, et elles doivent permettre d’évaluer les dommages ou les pertes causés au bien considéré. Ces caractéristiques sont généralement les suivantes:

  • L’emplacement géographique de chaque élément exposé;

  • Les caractéristiques structurelles;

  • Les valeurs de remplacement;

  • La présence humaine / la densité de la population / le nombre de personnes à chaque emplacement; et

  • Les caractéristiques socioéconomiques de la population à chaque emplacement.
     


  Exemple de courbe de dépassement des pertes

Les éléments exposés au danger sont généralement classés selon leur typologie, par exemple par taxonomie immobilière, par tranche d’âge, etc. Cette classification facilite l’évaluation de la vulnérabilité pour chaque élément exposé.

Une fois que les caractéristiques physiques de chaque élément exposé sont définies, on peut établir et attribuer les dommages probables, ainsi que les pertes qui en résultent pour l’élément considéré. À cette fin, on définit la relation entre un paramètre de mesure du phénomène dangereux (la profondeur de l’eau dans le cas d’une inondation, ou l’accélération spectrale en cas de tremblement de terre) et le dommage probable que va subir l’élément particulier ou le type d’éléments. Le dommage peut être exprimé en pourcentage ou en valeur de remplacement. Ces relations ont des noms différents (entre danger et pertes) d’un domaine à l’autre. En sismologie, elles sont souvent appelées «fonctions de vulnérabilité»; en ingénierie des inondations et des barrages, elles sont généralement appelées «courbes de fragilité»; dans d’autres publications, ce sont des «fonctions de dommages».

Pour chaque phénomène dangereux et chaque typologie d’éléments, il convient de définir une fonction de vulnérabilité. Pour des analyses très détaillées, et pour des éléments exposés qui ne relèvent pas d’une catégorie générale (comme par exemple un barrage), on peut établir une courbe de vulnérabilité spécifique. Chaque point de la courbe relie une caractéristique du danger (l’intensité) à la perte probable exprimée en termes de moyenne et de variance, et représente la distribution de probabilités des pertes qui pourraient être subies si un phénomène dangereux d’une certaine intensité se produisait.


     Distribution de probabilités des pertes pour un phénomène dangereux

Risque

Une fois que l’exposition au danger et les vulnérabilités des éléments exposés sont définies, on peut calculer les pertes liées à chacun des événements possibles. Une distribution de probabilités de l’intensité du danger pour certaines périodes de retour peut être associée à chaque point du domaine. Comme chaque point de la courbe de vulnérabilité est en lui-même une distribution de probabilités, on calcule une distribution probabiliste des dommages différente à chaque point, pour chaque événement et pour chaque élément exposé.

Dès lors, en chaque point de l’espace, pour chaque événement modélisé et pour chaque élément ou classe d’éléments exposé(e), on obtient une distribution de la probabilité des pertes. Pour chaque valeur de perte X, la zone située en-dessous de la courbe de probabilités représente la probabilité de dépasser cette valeur P(x > X).

La combinaison de toutes ces distributions, pour toutes les catégories de bâtiments et tous les points de la base de données sur l’exposition au danger, permet d’établir la distribution de probabilités des pertes dans le pays. Cette distribution est appelée «courbe de dépassement des pertes» et constitue généralement le principal résultat d’une évaluation des risques entièrement probabiliste.

Chaque point de la courbe n’est pas associé à un événement particulier mais représente la probabilité absolue de subir une perte supérieure ou égale à X au cours de n’importe quelle année («taux de dépassement»). Comme pour la courbe de danger, on considère que chaque événement est indépendant et mutuellement exclusif; en conséquence, la probabilité de dépasser une perte x (constituant un point sur la courbe de dépassement des pertes) peut être calculée de la manière suivante:

r(x) = ΣNi=1 R(X > x |ei) ∙ f(ei)

où r(x) est la probabilité de dépasser une perte x, R est la probabilité de dépasser une perte x étant donné l’occurrence de l’événement ei, f(ei) est la fréquence annuelle d’occurrence de l’événement ei, et N est le nombre total d’événements.

Exemple de courbe de dépassement des pertes

L’intégrale de la courbe de dépassement des pertes (c’est-à-dire la zone située en-dessous de la courbe) représente la perte moyenne annuelle (PMA); elle correspond à la moyenne, calculée sur une longue période, des pertes attendues au cours de n’importe quelle année. Si par exemple les pertes sont exprimées en valeur monétaire au regard du coût de remplacement de bâtiments urbains, ces résultats donnent une idée de l’ampleur des pertes monétaires que le pays est susceptible de subir, en moyenne, au cours d’une année.

Chaque point de la courbe représente ce que l’on appelle généralement la «perte maximum probable», c’est-à-dire la perte maximum qui pourrait être subie si une catastrophe ayant une période de retour donnée se produisait.

Bien que la perte maximum probable ne soit pas liée à un événement isolé, cette mesure peut constituer un moyen indirect d’évaluer les pertes en cas de dépassement de la période de retour prise en compte dans la conception de l’ouvrage. Elle peut donc constituer un argument de poids dans une analyse coûts/avantages, pour des périodes de retour spécifiques.

En général, la perte maximum probable représente la période de retour réelle des pertes; elle est donc employée pour se documenter sur la manière de gérer les différents niveaux de risque. Les risques présentant une probabilité de perte haute à moyenne peuvent être gérés par différentes interventions, notamment des mesures de gestion du risque prospectives et correctives – en d’autres termes, des codes et des normes. Les risques présentant une faible probabilité de pertes importantes peuvent être gérés par des mécanismes de transfert du risque. Quant aux risques de très forte perte ayant une très faible probabilité d’occurrence, ils sont considérés comme «résiduels» et les décideurs ne seront peut-être pas en mesure de les gérer ou de les transférer. Fixer le niveau de ce «risque résiduel» peut relever d’une décision économique mais également politique, et peut conduire à une notion parfois appelée «risque acceptable».

Exemple de perte maximum probable

Recommandations concernant les données sur le danger qui permettent d’établir une évaluation probabiliste du risque

Pour bien évaluer un risque, il convient au préalable de se poser les bonnes questions, c’est-à-dire de définir le périmètre propre à l’évaluation. Cette étape permettra de choisir la résolution et l’échelle convenant le mieux à l’analyse. Ces facteurs dépendent en outre du temps, des ressources et du type ou de la résolution des données disponibles pour l’analyse. Le choix des phénomènes dangereux à prendre en compte dans l’analyse peut dépendre du contexte de l’évaluation considérée (c’est-à-dire des questions posées) mais aussi des ressources disponibles. Si tel est le cas, il faut procéder à une pré-évaluation des risques pour ordonner par ordre de priorité les phénomènes dangereux à prendre en compte dans l’analyse.

Pour effectuer une évaluation probabiliste de risques, il faut disposer d’un volume considérable de données d’entrée sur les phénomènes dangereux, l’exposition et la vulnérabilité. On emploie généralement les informations sur les phénomènes dangereux publiées par les services météorologiques comme intrants pour établir les modèles permettant de déterminer l’intensité du danger, sa variabilité dans l’espace et sa probabilité. Bien que les besoins en données dépendent fortement du périmètre et de l’échelle de l’analyse, il est possible de formuler quelques recommandations générales:

  1. Directives et normes en matière d’évaluation probabiliste des dangers et des risques
     
    L’évaluation des risques est l’un des principaux indicateurs de progrès du Cadre d’action de Hyogo. Toutefois, il n’existe pas de directive générale permettant d’apprécier la qualité d’une évaluation probabiliste des dangers et des risques, ou de déterminer les exigences minimales pour ce type d’évaluations. Sans ces informations, les ressources disponibles peuvent donner lieu à des évaluations de risques médiocres, voire inutiles. Pour établir de telles directives, il faudrait mener des consultations approfondies auprès de différentes institutions.
     
  2. Données de base produites, mises à jour et publiées à des fins de modélisation des dangers
     
    Les données de base telles que la topographie, la couverture terrestre ou des données bathymétriques doivent être systématiquement produites et mises à jour, avec différentes résolutions spatiales et en ajoutant des indications sur leur précision, et elles doivent être publiées à des fins de modélisation des dangers et des risques.
     
  3. Séries chronologiques de données hydrométéorologiques systématiquement recueillies et stockées sous une forme normalisée et dont la qualité est contrôlée

    Il convient de recueillir systématiquement et en permanence des séries chronologiques de données hydrométéorologiques (telles que des précipitations, des débits de cours d’eau, des rafales de vent, etc.). En effet, ces données doivent couvrir une période suffisante pour être utilisables dans l’analyse. Pour que celle-ci puisse s’appuyer sur différentes séries chronologiques, il est important de faire en sorte que les données soient recueillies ou mesurées de manière cohérente. Les modélisateurs exigent que les données soient collectées sous une forme et selon des méthodes homogènes.

    Ces données doivent être recueillies de manière à garantir une couverture spatiale adéquate afin de permettre aux modélisateurs d’établir une description exploitable du danger. Les paramètres requis sont notamment l’ampleur, la date, l’emplacement et la durée de chaque phénomène dangereux ou extrême.

  4. Qualité, résolution et incertitude des données fournies dans les séries
     
    Les données d’entrée permettant de modéliser les risques doivent aussi s’accompagner d’indications sur leur qualité. Si ces indications sont absentes ou ne peuvent être appréciées, il est difficile d’évaluer l’incertitude liée aux données d’entrée, et donc de calculer la propagation de cette incertitude dans les résultats.
     
  5. En cas d’inondation, mener des enquêtes a posteriori pour mesurer les profondeurs et éventuellement la vitesse de  l’eau en différents points de la zone touchée
     Les courbes de vulnérabilité sont le plus souvent fondées sur des expériences effectuées en laboratoire et validées par la suite avec des données réelles. Il est extrêmement important de mesurer les profondeurs et la vitesse des inondations en différents points de la zone touchée pour pouvoir valider les modèles de danger, mais aussi pour établir des courbes de vulnérabilité lorsque ces modèles sont associés à des dommages ou des pertes aux mêmes points et aux caractéristiques physiques des éléments endommagés.

Autres contraintes

Les données sur l’exposition au risque et la vulnérabilité sont aussi soumises à d’autres contraintes, notamment les suivantes:

  1. Les données sur l’exposition au risque doivent être recueillies et mises à jour de manière systématique
     
    Les données démographiques et socioéconomiques géo-référencées (population, catégories d’âge, niveaux de revenus, etc.) sont généralement recueillies dans le cadre de recensements. Il est moins courant de voir des recensements sur les immeubles, et notamment sur les caractéristiques structurelles des bâtiments et des infrastructures. Les données concernant l’exposition au risque devraient comporter des indications géo-référencées sur les bâtiments et les infrastructures, leurs caractéristiques structurelles, leurs valeurs de remplacement, ou des caractéristiques nécessaires à la reconstitution, comme par exemple l’utilisation des bâtiments. Ces données sont essentielles pour pouvoir quantifier les pertes et établir des priorités dans les interventions. Compte tenu du fait que ces données peuvent être sensibles, elles peuvent être recueillies par des organismes publics qui les mettent ensuite à disposition des modélisateurs de risques.
      
  2. Les courbes de vulnérabilité devraient indiquer des niveaux d’incertitude
     
    Les résultats des modèles sont sensibles aux courbes de vulnérabilité établies et à leur incertitude. Ces courbes intègrent souvent un niveau d’incertitude élevé. Ainsi, elles peuvent dépendre des techniques de construction employées dans l’analyse, et donc être propres à certaines zones. Les caractéristiques structurelles des éléments exposés sont également difficiles à évaluer et nécessitent des informations détaillées sur la conception, les codes et les techniques de construction, etc. Or ces informations sont parfois imprécises, indisponibles ou impossibles à apprécier. Dès lors, le niveau d’incertitude de la courbe de vulnérabilité devrait être représenté de manière appropriée.
     
  3. Des forums pourraient être créés pour partager et valider des fonctions de vulnérabilité
     
    Il est souvent impossible de se procurer des données sur la vulnérabilité physique. Il est donc important que les professionnels partagent ces courbes et contribuent ensemble à les améliorer et à les valider. Un forum est un mécanisme permettant de partager des informations et d’enrichir une base de connaissances.
     
  4. Il convient de consacrer davantage de recherches à l’élaboration et à la validation de courbes de vulnérabilité, notamment celles qui concernent la vulnérabilité humaine

    La caractérisation de la vulnérabilité humaine reste un domaine de recherche ouvert. S’il est plus facile d’évaluer la vulnérabilité physique intervenant dans les conséquences de l’effondrement d’un bâtiment, il peut être plus délicat d’apprécier d’autres facteurs comme la contribution des alertes précoces à la réduction des niveaux de vulnérabilité des populations exposées. Pourtant, ces facteurs peuvent avoir une incidence considérable sur la mortalité associée à certains phénomènes dangereux.

      

 Une seule maison est restée debout après le passage de l’ouragan Ike, qui a dévasté les villes de Gilchrist et Galveston au Texas en 2008. À la lumière des leçons apprises lors du passage de l’ouragan Rita en 2005, cette maison a été construite sur un terrain surélevé et a été conçue pour résister à des vents pouvant atteindre 209 km/h.


Conclusion

Il est essentiel de disposer de données historiques sur les phénomènes dangereux pour pouvoir évaluer les risques de futures pertes. Cependant, pour de nombreux types de dangers, ces données n’ont pas été recueillies de manière systématique, ou sont cataloguées sous des formes différentes, ou encore sont inaccessibles ou dépourvues de métadonnées. Relever l’ampleur, l’emplacement, la durée et la date de chaque phénomène dangereux ou extrême est une étape indispensable dans le processus de documentation et de catalogage des dommages et des pertes. En s’accumulant dans le temps, ces données offrent un point de référence pour étalonner et valider les modèles de danger nécessaires à une évaluation probabiliste (au préalable) des risques.

La réduction des risques de catastrophes figure désormais en tête du programme d’action international. L’OMM et ses Membres pourraient apporter une contribution précieuse à ce programme, tant sur le plan international qu’en termes de réduction des pertes au niveau des pays, en accordant à cette question primordiale toute l’attention qu’elle mérite.

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USGS, 1982, Guidelines for determining flood flow frequency, Bulletin 17B of the Hydrology Subcommittee, Interagency Advisory Committee on Water Data

1 Manuela Di Mauro travaillait à l’UNISDR lorsqu’elle a rédigé le présent article, mais elle a démissionné depuis.

2 Cette courbe peut porter différents noms selon le danger étudié et l’application envisagée. Elle peut s’appeler par exemple «courbe de fréquence des crues» ou «courbe de fréquence des flux» (CEH, 1999; USGS, 1982), ou encore «courbe de dépassement de l’intensité», etc.

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