L’avenir des services climatologiques

18 avril 2019
  • Author(s):
  • Erica Allis, Chris D. Hewitt, Ousmane Ndiaye, Angela Michiko Hama, Andreas M. Fischer, Ana Bucher, Akihiko Shimpo, Roger Pulwarty, Simon Mason, Manola Brunet, and Barbara Tapia

Le climat de la Terre n’a jamais été constant, sa caractéristique fondamentale est de présenter des variations et des changements de grande ampleur dans le temps et dans l’espace qui créent souvent des conditions extrêmes. Il est manifeste toutefois qu’un réchauffement d’origine anthropique survient depuis un siècle à un rythme inégalé. Les conséquences de cette tendance – fréquence et intensité accrues des phénomènes extrêmes – avivent l’inquiétude suscitée par l’exposition de populations vulnérables aux risques climatiques. La résilience des sociétés face à l’aggravation de tels risques dépend de la capacité d’approfondir les sciences sociales et physiques qui sous-tendent les systèmes de surveillance, d’évaluation et de fourniture de services météorologiques et climatologiques axés sur les impacts, et de la prise en compte de ces connaissances dans le processus décisionnel.

Le savoir et l’information climatologiques restent sous-exploités, les segments les plus vulnérables de la société ne bénéficiant pas des progrès récents de la science et de la technologie. Le Rapport spécial du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C a rappelé l’urgence de redoubler d’efforts dans le domaine des services météorologiques et climatologiques, ce qui suppose une vision à long terme et une collaboration renforcée pour atteindre les objectifs mondiaux communs. La fourniture en temps opportun de services spécialisés exploitables est indispensable à l’exécution des programmes internationaux. Le Cadre mondial pour les services climatologiques, les commissions techniques et les programmes coparrainés de l’OMM, regroupés et étoffés grâce à la réforme de la gouvernance, offrent des possibilités sans précédent d’élargir et d’intégrer les services climatologiques. Cet article décrit brièvement les programmes qui ont rendu possible la prestation de services climatologiques, l’évolution du paysage politique, les enjeux et quelques stratégies et possibilités déterminantes pour transformer les services.

Bâtir sur de solides fondations

Plusieurs programmes et initiatives ont aidé à jeter les bases sur lesquelles reposent les services climatologiques. La première Conférence mondiale sur le climat, parrainée par l’OMM en 1979, a créé le Programme climatologique mondial et le Programme mondial de recherche sur le climat en 1980, puis le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat en 1988. Le Programme mondial de recherche sur le climat vise à déterminer la prévisibilité du climat et les incidences des activités humaines sur celui‑ci, tandis que le Groupe d’experts intergouvernemental doit donner aux autorités, à tous les échelons, des informations scientifiques utiles à l’élaboration de politiques d’atténuation et d’adaptation, ainsi qu’à la tenue des négociations internationales sur le changement climatique.

La deuxième Conférence mondiale sur le climat s’est traduite par l’adoption de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et par la mise sur pied du Système mondial d’observation du climat. La Convention-cadre facilite les négociations intergouvernementales sur l’évolution du climat. Le Système mondial d’observation du climat évalue régulièrement l’état des observations de l’atmosphère, des terres émergées et des océans à l’échelle du globe et formule des conseils en vue de les améliorer. Ses groupes d’experts définissent les variables climatologiques essentielles qui permettent de suivre l’évolution du climat terrestre de façon systématique. En 2009, la troisième Conférence mondiale sur le climat a établi le Cadre mondial pour les services climatologiques (CMSC) en vue «d’optimiser la gestion des risques liés à la variabilité et à l'évolution du climat et de promouvoir l'adaptation aux changements climatiques par la production d'informations et de prévisions sur le climat scientifiquement fondées et leur prise en compte dans les processus de planification, d'élaboration des politiques et de mise en pratique à l'échelle mondiale, régionale et nationale». Le Cadre s’avère décisif pour passer des produits aux services climatologiques dans les travaux de l’OMM et des Membres. Il s’attache à améliorer la coordination en faveur du codéveloppement des services, afin de mieux répondre aux besoins des utilisateurs et d’élargir l’accès des populations les plus vulnérables.

Le projet CLIPS (Services d’information et de prévision climatologiques), que prolonge le CMSC, avait été lancé par l’OMM en 1995 afin d’aider les Membres à élaborer des informations climatologiques en exploitation. Il a accru les connaissances sur le climat, amélioré la prévision opérationnelle et donné aux Services météorologiques et hydrologiques nationaux (SMHN) la capacité de fournir des informations climatologiques aux parties intéressées. Il a également contribué à forger le concept de centre climatologique régional (CCR) et de forum régional sur l’évolution probable du climat (FREPC).

 

National climate commitments and climate services – the Mongolian perspective 

Mongolia

Strengthening early warning systems and climate-risk information is a development priority for the Government of Mongolia as highlighted in its Nationally Determined Contributions (NDCs). With support from the NDC Support Facility and the Global Facility for Disaster Reduction and Recovery, the World Bank is partnering with the National Agency for Meteorology and Hydrology under the Ministry of Environment and Tourism to strengthen Mongolia’s hydrometeorological monitoring, forecasting and early warning systems. The aims are to develop a roadmap for hydrometeorological modernization and climate services as a basis for addressing some of the country’s key disaster and climate hazards such as dzuds (severe winter weather that leads to a massive livestock mortality event), droughts and floods to ensure climate-resilient development in Mongolia.

Les politiques climatiques

De grands changements sont survenus dans les politiques climatiques au cours de la dernière décennie. En 2015, trois accords internationaux ont accru l’attention prêtée aux questions climatiques dans le programme mondial: le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, l’Accord de Partis et les objectifs de développement durable à l’horizon 2030.

Au-delà de 40 pays en développement ont indiqué que les services météorologiques et climatologiques occupaient une place centrale dans la planification de leur développement et constituaient un pilier pour appliquer l’Accord de Paris et réaliser leurs contributions déterminées au niveau national, sur le plan de l’adaptation et de l’atténuation. Ces engagements se traduisent par l’adoption dans le monde entier de plans de croissance à faible intensité de carbone, de mesures d’adaptation au climat et de programmes de résilience et de prévention des catastrophes. Par ailleurs, un nombre croissant d’acteurs se joignent aux discussions engagées sur les différents aspects du développement durable. Ce mouvement doit s’accompagner d’une offre élargie de services climatologiques axés sur les besoins particuliers des secteurs, ainsi que de la coordination nécessaire pour éviter une mise en œuvre fragmentaire et morcelée.

Les difficultés liées à la fourniture de services climatologiques

On observe une hausse de la demande de meilleures prévisions à échéance infrasaisonnière, saisonnière ou plus, ainsi que de projections climatiques à longue échéance, de l’échelle mondiale à l’échelle locale. Les activités et programmes des SMHN doivent être réorientés de façon à satisfaire cette demande. Beaucoup de SMHN se centrent encore sur les activités météorologiques; ils n’ont pas pris la mesure de l’approche à adopter en vue de répondre aux besoins des secteurs sensibles aux conditions climatiques.

La possibilité/capacité d’intégrer les services climatologiques dans les activités actuelles est restreinte, voire inexistante, dans nombre de régions et de pays. On manque souvent de longs relevés climatologiques de qualité suffisante et de données sur les impacts qui sont nécessaires pour élaborer des services sur mesure. Dans de nombreux pays, les questions entourant la gouvernance des données retardent fortement la mise en place de services climatologiques. Les SMHN des pays en développement ont un accès limité aux données ou produits mondiaux et régionaux qui sont indispensables pour générer des informations climatologiques à l’échelle nationale et locale. Les SMHN sont souvent en compétition avec d’autres organismes dans le budget national et reçoivent peu de ressources, ce qui rend difficile le passage à une culture des services. Le manque de moyens, face à une demande en hausse constante, complique la mise au point et la prestation de services climatologiques viables qui aideraient la population et les organismes à prendre de bonnes décisions. Ces difficultés peuvent sembler insurmontables, mais nous proposons ici des stratégies qui permettront d’en surmonter un certain nombre, avant de présenter diverses possibilités d’améliorer les résultats.

Stratégies de transformation des services climatologiques

Plusieurs sources récentes de renseignements (évaluation à mi-parcours du CMSC, bilan général des FREPC, Sommet sur la science de l’OMM) nous amènent à formuler les suggestions suivantes quant à la manière de transformer les services climatologiques.

Approfondir les connaissances scientifiques au profit de services sans discontinuité axés sur les impacts – Le contexte décisionnel et l’information nécessaire aux utilisateurs dans les secteurs sensibles au climat sont au cœur de l’efficacité des services climatologiques. L’information doit être élaborée sur mesure si l’on veut qu’elle parvienne à la bonne personne sous la bonne forme au bon moment. Cela requiert des connaissances dans plusieurs disciplines qui tiennent dûment compte de la complexité des systèmes au sein desquels l’information climatologique est produite et fournie, du cadre professionnel dans lequel est utilisée l’information et des multiples facteurs qui conduisent à prendre une décision. Il est crucial d’intégrer les sciences sociales et économiques pour bien cerner les besoins, d’associer utilement les parties prenantes et de faire circuler le savoir entre les maillons de la chaîne de valorisation des services climatologiques.

Les capacités techniques et scientifiques de base doivent être enrichies dans plusieurs domaines: observation et surveillance, gestion des bases de données, recherche, modélisation et prévision, exploitation de modèles sans discontinuité et infrastructure. Ces améliorations doivent également combler les lacunes que comportent les services climatologiques, concernant les prévisions annuelles à décennales par exemple. À l’information climatologique sans discontinuité doivent être superposées des données socio-économiques afin d’établir le contexte voulu pour aider à prendre des décisions en faveur du développement et de la viabilité des moyens de subsistance. On ne dispose toujours pas de règles quant à la manière de compiler, d’échanger et de fusionner les données sur le climat et sur les conditions socio-économiques lors de l’élaboration des services climatologiques.

Par exemple, quand le temps des semailles approche au Sénégal, les agriculteurs ont besoin de connaître les conditions climatiques prévues pendant le mois et la saison à venir afin de déterminer les emprunts à contracter, la main-d’œuvre à embaucher, le volume d’engrais à acheter et les espèces à cultiver. À la fin de la saison, ils veulent connaître l’état de la demande sur les marchés – rendements passés et autres paramètres socio-économiques – et avoir un aperçu de la saison suivante afin de déterminer le volume de la récolte à conserver pour les semailles et pour la consommation domestique. Les fermiers veulent aussi savoir quel est le degré de fiabilité attaché à ces informations et comment gérer l’incertitude dans le processus décisionnel. Les connaissances et compétences de plusieurs disciplines doivent donc être réunies pour élaborer en concertation de bons services climatologiques destinés au monde agricole.

Améliorer la gestion de l’information et la coordination à toutes les échelles – À l’heure actuelle, les organismes régionaux et nationaux peuvent consulter les produits mondiaux mais il leur appartient de repérer les signaux les plus forts, d’évaluer la fiabilité des informations et d’anticiper l’état du climat. Le Système d’information sur les services climatologiques (SISC), «centre opérationnel» du CMSC, permet de coordonner et de structurer l’élaboration, l’archivage et l’utilisation de l’information climatologique. Il facilite la production et l’échange d’information à l’échelle du globe, des régions et des pays et associe les secteurs public et privé, les organisations non gouvernementales et les établissements universitaires. Le SISC est le principal mécanisme utilisé pour archiver, analyser, modéliser, échanger et traiter l’information sur l’état passé, présent et futur du climat à toutes les échelles temporelles. Qui plus est, il donne des indications sur la qualité de l’information et sur les normes en matière de services climatologiques.

La facilité d’accès offerte par le SISC, alliée à la fourniture d’orientations techniques et à la formation à l’utilisation des produits, aidera les utilisateurs régionaux et nationaux à déterminer rapidement quels modèles mondiaux et régionaux leur procurent les informations les plus utiles. Le SISC facilitera également l’introduction de données climatologiques dans les systèmes d’aide à la décision des utilisateurs quand ces derniers mettent au point leurs propres applications.

Le SISC s’est attaché avant tout à:

  • Définir les fonctions, produits et critères de base et établir les normes et les protocoles correspondants;
  • Élaborer et mettre en place une trousse à outils sur les services climatologiques qui facilite le fonctionnement du SISC, notamment à l’échelle régionale et nationale. Parmi les outils figurent des produits de savoir, des logiciels, des jeux de données du domaine public et du matériel de formation en vue de favoriser l’application des progrès scientifiques et techniques les plus récents;
  • Faciliter l’utilisation efficace, sans discontinuité, des produits par les prestataires régionaux et nationaux tels que les CCR et les SMHN;
  • Étendre et soutenir les activités concernant les forums régionaux et nationaux sur l’évolution probable du climat ou les forums nationaux sur le climat; cela renforce les mécanismes nationaux de contribution aux priorités du CMSC, tout en élargissant et accentuant les avantages et les principes des forums à l’échelon national.

L’approche régionale du SISC est cruciale en ce qu’elle assure la cohérence des données pour les pays qui partagent les mêmes services climatologiques. Une bonne mise en œuvre exige que les CCR fonctionnent parfaitement et établissent des dispositifs efficaces pour diffuser l’information et encourager le dialogue entre les prestataires, les partenaires et les utilisateurs à l’échelle régionale et nationale. Les CCR mobilisent les données, les informations, les produits et l’appui des pays dans leurs domaines respectifs de responsabilité. L’Institut de météorologie et d’hydrologie des Caraïbes, le Centre de prévision et d’applications climatologiques relevant de l’IGAD, le Centre international de recherche sur le phénomène El Niño et d’autres CCR ont accompli de rapides progrès et ont énoncé des règles pour mettre en place, développer et fournir des services climatologiques.

Favoriser l’intégration des services climatologiques dans la planification et l’élaboration des politiques – Il faut, pour inclure l’adaptation aux changements climatiques dans les plans nationaux de développement, que tous les risques et possibilités correspondants soient pris en considération dans le processus décisionnel à chaque échelon, du dialogue à la planification des mesures, la gouvernance, l’orientation des investissements, la mise en œuvre et l’évaluation. Les parties prenantes et les décideurs doivent recevoir rapidement et facilement des informations climatologiques pertinentes et exactes qui peuvent guider l’action stratégique et fournir des critères d’évaluation et de succès.

La création de mécanismes officiels reliant les services climatologiques aux décisions concourt à intégrer le savoir scientifique dans la planification des mesures de résilience. Par exemple, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse ont récemment défini des scénarios d’évolution du climat (KNMI’14, UKCP18 et CH2018, respectivement) en vue d’étayer la stratégie gouvernementale et les plans nationaux d’adaptation. Dans le but de rapprocher la science et la politique, la gamme des produits issus des FREPC a été enrichie d’un élément sur l’évolution du climat qui suivra les tendances observées, analysera l’attribution des phénomènes extrêmes, affinera la prévision des impacts et veillera à ce qu’une même approche soit suivie pour comprendre et exploiter l’information climatologique dans le pays.

Les cadres nationaux pour les services climatologiques (CNSC) peuvent aider à coordonner, faciliter et intensifier la collaboration entre les institutions nationales et les autres parties intéressées. La participation des principaux secteurs sensibles au climat à la supervision de la gestion des données et à la mise au point et l’utilisation des services favorise l’intégration des informations climatologiques dans les plans et les politiques. Le suivi de l’utilisation des services et du degré de satisfaction met en place les échanges nécessaires pour que les services soient plus utiles et mieux utilisés.

Les scénarios climatiques comme produit de base – la Suisse

Hut

Le Conseil fédéral suisse a adopté en 2014 le plan d’action de sa Stratégie d’adaptation aux changements climatiques, reconnaissant par là l’importance de détenir des scénarios climatiques à jour et exploitables, de l’échelle locale à régionale. La tâche a été confiée à MétéoSuisse, l’Office fédéral de météorologie et de climatologie qui coordonne et mène à bien ses activités en étroite collaboration avec les instituts de recherche et qui centralise les services climatologiques par le biais du Centre national pour les services climatologiques (NCCS).

Les résultats du dernier cycle de définition des scénarios climatiques sont parus en novembre 2018. Les nouveaux scénarios (CH2018) bénéficient des connaissances et données scientifiques acquises depuis 2011, intègrent le fruit des toutes dernières projections des modèles régionaux du climat sur l’Europe, réalisées dans le cadre de l’initiative Euro-CORDEX, et mettent à profit sept années supplémentaires d’observations pour actualiser le contexte des projections.

Afin de s’assurer que les scénarios seraient élaborés et communiqués dans l’optique des utilisateurs, le début du projet a comporté une enquête poussée auprès de divers secteurs. De plus, un groupe d’évaluation réunissant d’importantes parties prenantes a été constitué en vue d’orienter la démarche tout au long du projet.

Conformément aux recommandations formulées par les utilisateurs, les résultats ont été présentés sous la forme de six produits axés sur les services et destinés à différentes catégories d’utilisateurs:

  • Chercheurs – un rapport technique qui expose en détail les méthodes et les résultats;
  • Praticiens et décideurs – une brochure et un nouveau site quadrilingue pour le NCCS (www.nccs.admin.ch) qui présentent les résultats dans des termes simples et avec des graphiques. Dans la brochure, les changements climatiques sont décrits à l’aide de quatre personnages;
  • Utilisateurs aux besoins étendus – un atlas Web renfermant 20 000 graphiques normalisés;
  • Chercheurs et praticiens axés sur la science – données des scénarios librement accessibles et adaptées en fonction des besoins;
  • Public – un ensemble de vidéos et de déclarations d’experts qui présentent les principaux résultats.

Les nouveaux scénarios sur les changements climatiques sont considérés comme un atout indispensable et comme le principal point de départ de la chaîne de valorisation des services climatologiques; ils forment la base de la planification des mesures d’atténuation et d’adaptation au climat. Les scénarios CH2018 servent de référence pour le programme pilote national intitulé «Adaptation aux changements climatiques», ainsi que pour étudier les thèmes prioritaires du NCCS (cycle hydrologique et organismes nuisibles aux cultures, par exemple) et analyser les impacts de l’évolution du climat dans différents secteurs. Enfin, les résultats du cycle CH2018 alimenteront le deuxième plan d’action national pour l’adaptation aux changements climatiques. 

Renforcer les capacités le long de la chaîne de fourniture des services climatologiques – Une étude récente des ressources humaines au sein des SMHN a révélé que la majorité d’entre eux présentaient des lacunes importantes sur le plan des capacités dans presque tous les domaines. Ils citaient généralement les services climatologiques, la météorologie agricole et l’hydrologie/hydrométéorologie parmi les cinq priorités en matière de formation. La réforme de l’OMM entend combler ces lacunes par une meilleure coordination des activités de formation entre les Membres et avec les partenaires pour le développement, ainsi que grâce aux centres d’excellence. De plus, l’Organisation s’emploie à accroître l’efficacité des activités de formation régulière, comme celles associées aux FREPC, s’agissant de compétences précises dans les régions. Il est tout aussi important que les Membres et les CCR tissent des liens durables entre les milieux de la recherche et ceux de l’exploitation afin d’accélérer l’application des progrès scientifiques aux services sur le temps et le climat. Ces liens élargiront l’offre de services opérationnels.

Si la formation des prestataires de services climatologiques est importante, la formation des bénéficiaires l’est tout autant pour que l’information puisse être interprétée et intégrée dans le processus décisionnel. Les questions relatives à la formation des utilisateurs peuvent être incluses dans les plans d’action des CNSC, tandis que les priorités peuvent être abordées lors des forums nationaux sur l’évolution probable du climat (FNEPC).

 

L’innovation par la collaboration – le Japon

Innovation

Le Service météorologique japonais (JMA) a intensifié sa collaboration avec les milieux nationaux de la recherche. En 2007, par exemple, il a créé un groupe d’experts consultatif sur les phénomènes climatiques extrêmes qui rassemble d’éminents scientifiques d’universités et d’instituts de recherche japonais spécialisés dans le climat. Le groupe a reçu une triple mission: étudier les facteurs qui interviennent dans les phénomènes climatiques extrêmes au Japon, offrir conseil et assistance au JMA sur les communiqués et déclarations qu’il doit diffuser à ce propos1 et recommander des méthodes scientifiques de pointe pour étendre les services et les connaissances.

Cette collaboration a amélioré les informations et les services climatologiques offerts en exploitation par le JMA – y compris ceux fournis aux SMHN de la Région II (Asie) par le Centre climatologique de Tokyo (un CCR de l’OMM2). Les capacités du personnel ont également été accrues. On espère que la société profitera des connaissances approfondies des chercheurs grâce à l’information climatologique. Les scientifiques ont rapidement accès aux données et produits qui les intéressent sur le site Web du Centre, ce qui leur permet d’analyser les phénomènes en cours et de cerner de nouveaux sujets d’étude. Soulignons que la collaboration entre les milieux de la recherche et ceux de l’exploitation doit être pensée de manière à profiter aux deux parties si l’on veut garantir un engagement durable.

Améliorer le suivi, l’évaluation et la gestion des connaissances au profit de la communication – Alors que les initiatives mondiales et régionales visant le développement et le climat se mettent en concordance avec la prestation de services climatologiques, il n’existe toujours pas de compréhension commune de la notion même de services climatologiques. L’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques sont des expressions courantes dans l’arène politique, mais nombre de praticiens ignorent ce que sont les services climatologiques et mettent en doute leur utilité.

La valorisation des services climatologiques nécessite de suivre et de mesurer le rapport coûts/avantages socio-économiques qu’ils présentent – pratique encore peu courante dans les SMHN. L’évaluation à mi-parcours du CMSC réalisée en 2017 a appelé à mettre en œuvre un processus de suivi et d’évaluation, à établir des objectifs, des indicateurs et un cadre de surveillance. La définition des perspectives et d’une feuille de route claire en collaboration avec les Membres et les partenaires aiderait à améliorer l’efficacité, la coordination et la portée des services, ainsi que la communication des résultats obtenus. Ce plan de suivi et d’évaluation donnerait un caractère officiel à l’apport des services climatologiques au programme d’action mondial, tout en mesurant l’incidence socio-économique des services offerts concernant le temps et le climat. 

Promouvoir les partenariats stratégiques – Les spécialistes du développement estiment que les questions climatiques sont aussi de leur ressort et qu’ils doivent agir. Ils ont mobilisé la science et la technologie afin d’aider à instaurer un développement résilient face à l’évolution et à la variabilité du climat. Il est crucial pour relever ce défi d’enrichir la base de connaissances requise pour planifier l’adaptation grâce à une diffusion et une utilisation plus larges des données, informations et instruments climatologiques de la meilleure qualité qui soit. Il convient de multiplier les partenariats entre le secteur du développement, la communauté météorologique et le monde de la recherche afin de mettre au point des services climatologiques qui contribuent à relever le défi climatique à court, moyen et long terme.

De nouvelles formes de coopération devraient être étudiées. Le Programme pilote pour la résilience climatique relevant des Fonds d’investissement climatiques, l’initiative CREWS sur les systèmes d'alerte précoce aux risques climatiques, le Programme Hydromet pour l’Afrique de la Banque mondiale, la base de données climatologiques du Service Copernicus concernant le changement climatique et les partenariats entre le secteur public, le secteur privé et le monde universitaire sont quelques exemples des actions engagées afin que les services climatologiques fassent partie intégrante d’un développement résilient à faible intensité de carbone.

Un solide système de centralisation des connaissances assurerait la viabilité de l’action des Membres et des partenaires en facilitant l’accès à la multitude de savoirs, d’approches et d’outils accumulés. La nouvelle plate-forme communautaire et la base de données sur les profils de pays offertes en ligne par l’OMM, conjuguées aux échanges et rencontres que permettent les forums (FREPC, FNEPC, etc.), contribuent à la mise en commun de données d’expérience et à la définition de bonnes pratiques.

 

De nouvelles possibilités

Les sociétés prennent conscience des effets de l’évolution du climat mondial. Il est possible d’intensifier la production conjointe de services climatologiques qui répondent à leurs besoins:

  • Une bonne partie, sinon la totalité, des services génère directement ou indirectement des revenus, que ce soit par la couverture des coûts ou la réalisation de bénéfices; ces fonds peuvent être affectés au maintien ou à l’expansion des capacités sous-jacentes du prestataire de services;
  • Un véritable rapprochement avec les utilisateurs de l’information climatologique et une collaboration utile avec le secteur privé peuvent induire des progrès scientifiques et techniques au profit des services offerts comme au sein de l’organisme du prestataire. Les SMHN sont d’importants fournisseurs de données et de services, ils occupent une place centrale dans la chaîne de valorisation climatologique et doivent collaborer étroitement avec les utilisateurs et les prestataires afin de coproduire des services sectoriels et transsectoriels sur mesure (concernant les impacts, les risques et les mesures possibles);
  • Le rôle joué par les SMHN dans le domaine du changement climatique apparaît plus clairement, par leur apport aux travaux de comités spécialisés et aux plans nationaux d’adaptation, tout comme l’intérêt que présentent les données et les informations issues de l’observation et de la modélisation pour une planification adaptée au climat. Par ailleurs, beaucoup d’institutions mondiales et régionales de financement accordent des moyens substantiels à l’exécution de projets, par le biais des fonds créés à cette fin;
  • L’OMM et plusieurs autres organismes des Nations Unies ont mis sur pied le CMSC qui, en axant les CNSC vers une culture des services, permet de réunir une diversité d’acteurs du domaine public et privé dans de nombreux pays;
  • Les SMHN doivent discuter de l’état des services climatologiques sur leur territoire. Plusieurs pays peuvent éprouver des difficultés similaires, d’où l’intérêt de transmettre des connaissances et des informations sur l’élaboration des services climatologiques à l’échelon régional. Il importe de renforcer le rôle des CCR et les liens tissés avec tous les SMHN de la région pour améliorer les services climatologiques, mais aussi pour renforcer les capacités au sein de chaque SMHN;
  • Les relations entretenues avec les donateurs et les banques de développement aident à orienter les ressources vers les priorités régionales et nationales du CMSC (par le biais du Fonds vert pour le climat, de l’initiative CREWS, des prêts et aides d’institutions financières internationales, de donateurs bilatéraux, etc.).

L’avenir des services climatologiques

Beaucoup de services n’arrivent pas jusqu’aux principaux intéressés. L’avenir des services climatologiques dépend en grande partie de la façon dont les pays s’organisent et s’appuient sur des mécanismes tels que les CNSC et les FNEPC pour mettre à profit le SISC à l’échelon national; ils pourront ainsi exploiter les meilleures informations mondiales et régionales disponibles pour offrir des services météorologiques et climatologiques et garantir une utilisation efficace de ceux-ci. Les progrès des sciences sociales et physiques stimuleront l’innovation et la conception conjointe en vue de mieux répondre aux besoins des utilisateurs. L’existence de mécanismes structurés de suivi et de communication des avantages qu’apportent les services météorologiques et climatologiques incitera à faire plus de place à ces informations dans le processus décisionnel. L’association avec le secteur privé permettra d’améliorer les services dans les domaines où les SMHN se heurtent à des limites techniques et financières, sous réserve de respecter les principes formulés par l’OMM en matière de partenariats. Ces possibilités se concrétiseront grâce à la réforme des organes constituants, qui simplifiera les structures internes et facilitera la création de partenariats stratégiques au profit de la prestation de services. 

Auteurs

Erica Allis - Cadre mondial pour les services climatologiques, OMM

Chris D. Hewitt - Service météorologique du Royaume-Uni

Ousmane Ndiaye - Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie, Sénégal

Angela Michiko Hama - Office fédéral de météorologie et de climatologie, Suisse

Andreas M. Fischer - Office fédéral de météorologie et de climatologie, Suisse

Ana Bucher - Groupe de la Banque mondiale, Washington, D.C., États-Unis d’Amérique

Akihiko Shimpo - Service météorologique japonais

Roger Pulwarty - Administration américaine pour les océans et l’atmosphère, Boulder, CO, États-Unis d’Amérique

Simon Mason - Institut international de recherche sur le climat et la société, Institut de la Terre, Université Columbia, Palisades, NY, États-Unis d’Amérique

Manola Brunet - Université Rovira i Virgili, Tarragone, Espagne

Barbara Tapia - Direction météorologique du Chili, Santiago, Chili

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