Du JCOMMOPS à OceanOPS: appui aux observations in situ en océanographie et en météorologie maritime

22 mars 2021
  • Author(s):
  • Mathieu Belbéoch et Emanuela Rusciano, Centre OceanOPS de l’OMM et de la COI

Quatre-vingt-six pays prennent part à l’observation des océans, grâce à quelque 10 000 plates-formes d’observation in situ et 170 satellites qui surveillent en permanence l’océan et l’atmosphère de la planète. Les analyses, les prévisions et les produits fondés sur les observations de l’océan constituent le socle des décisions prises dans un grand nombre de secteurs socio-économiques, notamment dans les domaines du transport maritime, des collectivités côtières, du climat, de l’agriculture et de la santé des océans. La société a de plus en plus besoin d’informations sur les océans. En retour, le Système mondial d’observation de l’océan (GOOS) voit sa complexité, sa portée et sa couverture augmenter progressivement. Une coordination solide est nécessaire, tant au sein des communautés d’observateurs du monde entier qu’entre elles, pour garantir la réalisation des objectifs pour un bon rapport coût-efficacité, des observations jusqu’aux systèmes de gestion des données et aux services d’information.

En 1999, le Congrès  météorologique  mondial et l’Assemblée de la COI-UNESCO  ont adopté des résolutions identiques  portant  création de la Commission technique mixte OMM/COI d’océanographie et de météorologie maritime (JCOMM). La première session de la JCOMM en 2001 a abouti, à son tour, à la création du Centre CMOM de soutien pour les plates-formes d’observation, connu sous le nom de JCOMMOPS.

Au départ, le JCOMMOPS a pris appui sur les moyens de coordination fournis depuis les années 1980 par le Groupe de coopération pour les bouées de mesure et sur ceux de l’Équipe pour les observations de navire. Par la suite, il a englobé le programme révolutionnaire de flotteurs profilants Argo, l’un des résultats majeurs de la conférence OceanObs’09. Grâce à l’adoption d’une approche internationale intégrée, des synergies ont été réalisées entre ces trois programmes mondiaux d’observation maritime, ce qui est utile aux personnes chargées de mettre en œuvre les composantes nationales de l’observation.

One ocean observing system

Un système unifié d’observation de l’océan

Entre 2001 et 2015, le centre JCOMMOPS a occupé les locaux de la société CLS à Toulouse (France), de manière à pouvoir interagir étroitement avec les utilisateurs du système de télécommunication Argos. Il y a bénéficié à la fois d’une infrastructure opérationnelle et d’un accès à un grand centre de données brutes. Le JCOMMOPS a d’abord fonctionné avec deux coordinateurs techniques, puis il s’est progressivement étoffé pour soutenir des systèmes d’observation plus régulière de l’océan, notamment OceanSITES, GO-SHIP, OceanGliders, GLOSS et certains réseaux émergents du Groupe de coordination des observations (OCG) de la JCOMM/GOOS, tels que les mesures recueillies par des animaux (AniBOS).

Le Centre a mis au point un certain nombre de services innovants permettant de suivre en temps réel les performances des réseaux mondiaux et d’aider les responsables de la mise en œuvre au quotidien, notamment dans leurs opérations en mer. La petite équipe du JCOMMOPS a été la première à utiliser les technologies du Web et des systèmes d’information géographique (SIG) pour suivre les réseaux d’observation de l’océan et offrir une boîte à outils utile aux scientifiques, aux gestionnaires de programmes et à la gouvernance du GOOS/JCOMM.

L’équipe a opportunément affrété un voilier de 20 mètres, le Lady Amber, pour aider les responsables de la mise en œuvre d’Argo et du Groupe de coopération pour les programmes de bouées de mesure (DBCP) à combler les lacunes des réseaux mondiaux et à démontrer que des solutions peu coûteuses et à faible empreinte peuvent trouver leur place sur les navires marchands et de recherche. Le voilier a effectué l’équivalent de deux circumnavigations, dans l’Atlantique Sud et l’océan Indien, déposant près d’une centaine d’instruments. Ce succès a conduit à la création d’un poste de coordonnateur pour les navires au sein du JCOMMOPS, qui a été chargé de prêter main forte à l’Équipe pour les observations de navire (Ship ObservationsTeam, SOT) et au Groupe d’experts pour les études hydrographiques des océans de la planète conduites à partir de navires (Global Ocean Ship-based Hydrographic Investigations Program, GO-SHIP) et de prendre des mesures sur toutes les questions de portée trans-réseau relatives aux navires, en travaillant avec la société civile, les organisations non gouvernementales (ONG), les explorateurs à la voile et les courses.

En 2015, le Centre et son personnel ont déménagé à Brest (France) dans les locaux de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), pour être plus proches des exécutants et opérer au sein d’un pôle océanique mondial, avec un appui solide des autorités régionales. Son système d’information est resté basé à Toulouse dans le cloud opérationnel de CLS, tandis qu’une équipe de cinq personnes travaillait au bureau de Brest. Après plusieurs années de préparation, une refonte complète du système d’information d’origine et des applications Web a été entreprise en 2015. Cette opération s’est traduite par l’intégration du tableau de suivi du GOOS et la mise en place d’outils et d’indicateurs spécifiques aux réseaux, alimentés par une panoplie de plus en plus diversifiée de métadonnées et les impulsions en temps réel provenant des plates-formes.

 

Ocean Observing System Report Card

La publication annuelle, depuis 2017, de l’Ocean Observing System Report Card est une réalisation majeure du Groupe de coordination des observations et des experts des réseaux. La publication met en avant les valeurs sociétales du système d’observation et encourage les collaborateurs internationaux, les nouveaux partenaires éventuels, les Membres et les États Membres à relever le défi de l’édification d’un système d’observation intégré, durable, innovant et mis en œuvre à l’échelle mondiale, qui réponde à la demande croissante de services et de travaux océanographiques. Ce rapport aide également les réseaux à rehausser leurs normes pour atteindre les objectifs intégrés.

 

OceanOPS

En 2018, le Groupe de coordination des observations a effectué un examen externe du JCOMMOPS afin d’aider le centre et ses parties prenantes à mieux tirer parti de son caractère unique et de ses points forts et à recenser les problèmes, les opportunités et les défis. Les évaluateurs ont dressé une liste des actions stratégiques et opérationnelles à prendre en considération et appelé le JCOMMOPS à adopter un plan stratégique quinquennal qui réponde aux facteurs décisifs clés et fasse participer l’ensemble de ses parties prenantes. Dans la foulée, le JCOMMOPS a commencé à recueillir les points de vue et recommandations des parties prenantes en 2019 pour préparer l’élaboration de ce plan stratégique. La réforme de la gouvernance de l’OMM, qui était en cours à l’époque, a revalorisé le statut de l’océan dans le programme d’action de l’organisation et donné un nouvel élan au processus du JCOMMOPS. Le plan stratégique quinquennal a été publié en 2020. La réforme de la gouvernance de l’OMM ayant entraîné la disparition de la JCOMM et la création du Conseil collaboratif mixte OMM-COI, l’occasion a été saisie de rebaptiser le JCOMMOPS «OceanOPS».

OceanOPS appuie le fonctionnement efficace du système d’observation pour assurer la transmission et l’échange en temps voulu de métadonnées de qualité élevée et contribue à la mise à disposition libre et gratuite des données pour tous les utilisateurs. La stratégie d’OceanOPS repose sur un certain nombre d’objectifs clés, à savoir: surveiller les performances du système d’observation mondial en vue de leur amélioration, diriger la normalisation et l’intégration des métadonnées, soutenir et améliorer ses opérations, permettre l’intégration de nouveaux flux et réseaux de données, et doter OceanOPS d’une infrastructure appropriée pour l’avenir.

OceanOPS mettra au point des outils et des mesures pour analyser les réseaux d’observation et les tendances du système et en fera rapport aux parties prenantes pour encourager l’amélioration des performances et l’efficacité des opérations par rapport à leurs coûts. Une activité essentielle consistera à harmoniser les métadonnées pour chaque réseau d’observation, individuellement et pour l’ensemble du système d’observation de l’océan. Cela augmentera considérablement l’exploitabilité des données et la capacité de surveillance mondiale. OceanOPS maintiendra les services spécifiques aux réseaux qui sont essentiels à la mise en œuvre des systèmes d’observation de l’océan, tels que le système d’alerte et de notification de la COI-UNESCO pour les flotteurs s’approchant des eaux des États côtiers. OceanOPS est également chargé d’attribuer des identifiants OMM uniques à toutes les plates- formes de météorologie maritime et de fournir des métadonnées océanographiques  intégrées au système OSCAR de l’OMM. La réforme de la gouvernance de l’OMM a positionné OceanOPS dans l’approche plus large de surveillance du système terrestre, afin d’exploiter les synergies avec la cryosphère et l’hydrologie.

OceanOPS est convaincu qu’il existe d’amples possibilités de développer la collaboration avec des tiers – membres de la société civile et secteur privé – aux fins de contribuer au GOOS. La dernière édition de la course du Vendée Globe en est un bon exemple: 10 skippers ont déployé des instruments autonomes et effectué des observations météorologiques et océanographiques pendant l’épreuve (voir Les skippers du Vendée Globe se lancent dans l’observation des océans). OceanOPS a proposé un projet pour la Décennie des Nations Unies pour les sciences océaniques au service du développement durable, qui viserait à rassembler ces contributions et trouver des solutions pour diffuser ces ensembles de données. Des projets pilotes ont été lancés dans le but de mettre en place un service international d’échange de données pour les données non institutionnelles, qui fait notamment intervenir le SIO 2.0.

Les défis à venir

Au cours des 20 dernières années, OceanOPS a fourni des services essentiels en surveillant, coordonnant et intégrant les données et métadonnées relatives aux océans. Fort de l’expérience que lui a conféré sa position au cœur des systèmes d’observation, il a également recensé un certain nombre de défis que le GOOS devra surmonter pour construire un système d’observation globalement intégré, durable et intégralement mis en œuvre. Certains de ces défis sont d’ordre géographique: les possibilités de déployer des instruments autonomes dans l’océan Austral sont rares et la grande majorité des pays bailleurs de fonds sont au Nord. D’autres sont de nature politique: il est difficile d’obtenir l’accès aux eaux des États côtiers pour achever la mise en œuvre du GOOS. Le GOOS doit réduire son morcellement au moyen d’une conception intégrée et dimensionnée et d’une gouvernance efficace. Un effort de communication sans précédent est nécessaire pour démontrer aux États Membres sa valeur pour la société et les encourager ainsi à renforcer leur soutien.

OceanOPS représente un élément clé du GOOS, essentiel à l’exécution, à l’efficacité, à la faculté de discernement et à la gestion du système d’observation. Il s’efforcera de relever ces défis avec l’ensemble de la communauté GOOS.

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