Nécrologie: Kofi Annan (1938-2018)

Le décès inattendu de Kofi Annan m'a bouleversé. J'ai eu le privilège de l'approcher et de profiter de ses enseignements pendant plus de vingt années.

Kofi Annan était l'incarnation même d'un véritable homme d'État, adoptant toujours une vision d'ensemble. Il se projetait le plus loin possible dans l'avenir et détenait la remarquable capacité d'établir des liens entre des questions complexes dans des champs très différents. Les exemples sont multiples, mais je n'oublierai jamais le rôle décisif qu'il a joué dans l'élaboration et l'adoption des objectifs du Millénaire pour le développement; sans cet appui, le Programme de développement durable et les objectifs correspondants n'auraient pu être adoptés par l'ensemble des pays quelques années plus tard. Il était un fervent défenseur du multilatéralisme.

Sa personnalité était exceptionnelle. Bien qu'il ait accédé aux plus hautes fonctions, il restait le même, ne manifestant jamais la moindre arrogance, faisant preuve d'une humilité désarmante. Il avait une façon singulière de donner aux personnes avec lesquelles il travaillait ou s'entretenait le sentiment d'être spécial. Ses questions amenaient invariablement à approfondir la réflexion. Quand je pense à lui, de nombreux mots me viennent à l'esprit: clairvoyance, sagesse, courage, élégance, compassion... Lorsque survient une situation difficile, on se demande souvent ce qu'il aurait fait dans de telles circonstances.

S'agissant de l'OMM, il est impossible de rendre hommage à ses multiples actions. Je me souviens en particulier de la première réunion du Conseil des chefs de secrétariat des Nations Unies (le Comité administratif de coordination, à l'époque) que l'Organisation a accueillie dans son nouveau bâtiment (encore en travaux) au mois d'avril 1999. Kofi Annan a qualifié l'OMM de «fédérateur d'origine». L'Organisation lui sera toujours redevable de l'insigne appui qu'il a offert à la lutte contre le changement climatique et à la réduction des risques de catastrophes naturelles. Son soutien personnel à la tenue de la troisième Conférence mondiale sur le climat, organisée par l'OMM à Genève en 2009, a été décisif. Il a déclaré à cette occasion que la mission de l'Organisation était aujourd'hui plus importante que tout ce qu'avaient pu imaginer ses fondateurs, 60 ans plus tôt. La Conférence a permis d'établir le Cadre mondial pour les services climatologiques auquel il tenait beaucoup. Ses conseils et son concours ont été utiles dans d'autres circonstances cruciales, par exemple lorsque l'Organisation a entrepris d'affermir ses règles sur le plan administratif et éthique. Nous savons gré aussi à Kofi Annan de l'intérêt qu'il portait aux questions de l'eau, en particulier son apport déterminant à la création d'ONU-Eau, l'un des mécanismes de coordination les plus efficaces au sein du système des Nations Unies. Il y a quelques mois seulement, il adressait des mots forts au Conseil exécutif, soulignant le rôle important de l'OMM dans ce domaine.

J'ai eu la chance d'assister en différentes capacités aux réunions du Conseil des chefs de secrétariat (et du Comité administratif de coordination) sous trois Secrétaires généraux des Nations Unies. Kofi Annan avait une aptitude exceptionnelle à écouter tous les points de vue, accepter des opinions différentes et diriger les travaux avec calme mais fermeté. Il jouissait d'une grande considération parmi tous ses collègues du Conseil, en tant que primus inter pares. Il voulait passionnément que l'ONU montre qu'elle pouvait changer les choses, rendre le monde meilleur. Aucun des nombreux obstacles qui se sont élevés sur son chemin ne l'a découragé. Il était à bien des égards la voix des sans-voix, mettant sans cesse son pouvoir au service des démunis.

Nous venons de perdre un ami véritable. Il nous manquera beaucoup à l'OMM, mais nous continuerons de nous inspirer de son exemple.

Merci Kofi!

Michel Jarraud
Secrétaire général émérite
Organisation météorologique mondiale