Sommet sur les zones de haute montagne: bilan et perspectives

23 mars 2020
  • Author(s):
  • Carolina Adler, John Pomeroy et Rodica Nitu
Le Sommet sur les zones de haute montagne de l’OMM, qui s’est tenu du 29 au 31 octobre 2019, a abouti à un appel à l’action et à une feuille de route pour les activités prioritaires, lesquelles visent à aller plus loin en matière de développement durable, de réduction des risques de catastrophe et d’adaptation au changement climatique, aussi bien dans les régions de haute montagne que plus en aval.
 
Les régions de haute montagne couvrent environ un quart de la surface terrestre. Importantes sources d’eau douce, riches en diversité biologique et culturelle comme en savoirs traditionnels, elles abritent un quart de la population mondiale. Elles comprennent toutes les zones montagneuses où le paysage se caractérise par la présence de glaciers, de neige ou de pergélisol (GIEC1). Elles sont souvent considérées comme les châteaux d’eau de la planète, car les bassins fluviaux dont les affluents naissent en montagne fournissent de l’eau douce à plus de la moitié de l’humanité.
 
La hausse des températures mondiales entraîne toutefois des changements de la météorologie, l’hydrologie et l’écologie des montagnes, y compris dans la cryosphère (neige, glaciers, sol gelé). Les dangers naturels, l’altération de l’environnement et la disparition d’écosystèmes montagneux essentiels augmentent le risque de catastrophes sur place et en aval. Les vastes régions de montagne déterminent dans une large mesure l’évolution des grands systèmes météorologiques. L’incertitude croissante qui pèse sur les eaux de rivière disponibles en montagne est un facteur de risque important pour l’agriculture locale et en aval, la sylviculture, la production alimentaire, la pêche, la production d’énergie hydroélectrique, les transports, le tourisme, les loisirs, les infrastructures, l’approvisionnement en eau domestique et la santé humaine.
 
Le Sommet de l’OMM a toutefois révélé que l’observation et la compréhension des processus du système terrestre dans les zones montagneuses complexes ne sont pas suffisantes pour permettre l’élaboration de modèles fiables. Par conséquent, le réel impact de ces changements sur les personnes et les économies n’a pas pu être intégré dans les grands cadres politiques internationaux de référence tels que le Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophes ou l’Accord de Paris sur le changement climatique. La sécurité hydrique devenant l’un des plus grands défis pour l’humanité et une source de tension politique au sein des nations et entre celles-ci, le manque de références complique singulièrement l’élaboration et la mise en oeuvre de politiques pertinentes. 

Appel à étendre les connaissances scientifiques 

Les données scientifiques disponibles sont très hétérogènes, d’une région de montagne à l’autre comme au sein d’une même région. Souvent, les nouvelles observations, connaissances, réflexions et expériences proviennent de projets de recherche internationaux n’ayant guère motivé de contacts avec les scientifiques ou exploitants locaux. 
 
Nous avons besoin d’une meilleure compréhension scientifique des systèmes socio-écologiques en haute montagne ainsi que d’une meilleure connaissance des biens et services fournis par la cryosphère et d’autres systèmes essentiels des régions montagneuses, de même que de l’utilisation qu’en font les êtres humains.
 
Les participants au Sommet se sont souvent référés aux conclusions du Rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique, qui consacre un chapitre aux zones de haute montagne. Selon ce rapport, les changements à l’oeuvre dans la cryosphère et les écosystèmes de haute montagne devraient se poursuivre, et leurs effets s’intensifier: le manteau neigeux, les glaciers et le pergélisol devraient continuer à s’amenuiser tout au long du XXIe siècle dans la quasi-totalité des régions. Les conclusions de ce rapport font clairement ressortir l’urgence d’une étude sur les changements hydro-climatiques en haute montagne et sur leurs effets sur place comme en aval.

L’appel à l’action du Sommet 

Motivés par les exposés et les échanges interdisciplinaires et transdisciplinaires et pleinement conscients que les régions de haute montagne hébergent une partie de la cryosphère et des sources d’eau douce qui abreuvent la planète, les participants se sont engagés à permettre aux populations vivant dans les montagnes et en aval de celles-ci de bénéficier de services d’informations hydrologiques, météorologiques et climatologiques adaptés à leurs besoins. Si elles peuvent tout à la fois accéder à ces services et les utiliser, ces populations pourront plus facilement s’adapter à des changements climatiques d’origine anthropique sans précédent et mieux gérer les menaces qu’ils entraînent. 
 
À cet effet, il a été jugé essentiel de lancer une initiative pour offrir des services intégrés, notamment d’observation et de prévision, axés sur les zones de haute montagne. Cette initiative, centrée sur les utilisateurs, mettrait à profit les connaissances et les activités actuelles, de même que la coordination internationale et les approches multidisciplinaires. Elle impliquerait plusieurs campagnes collectives et intensives de projets de démonstration pour l’analyse et la prévision dans les grandes chaînes de montagnes et principaux cours supérieurs, y compris dans les zones transfrontalières. L’initiative permettrait de concevoir conjointement des solutions, de renforcer les capacités, de soutenir et faciliter les investissements en encourageant activement les utilisateurs, les fournisseurs et les producteurs d’informations à s’attaquer aux problèmes les plus urgents du changement climatique, cryosphérique et hydrologique. Elle apporterait un appui pour la gestion des ressources en eau et pour l’adaptation aux risques de catastrophes naturelles en aval des grands fleuves, au profit d’une bonne part de la population et des écosystèmes de la planète. Elle favoriserait les échanges et les interactions entre les populations, les utilisateurs, les scientifiques et les prestataires de services, et apporterait des informations précieuses aux décideurs politiques.
 
Les coprésidents du sommet, Carolina Adler, directrice exécutive de l’Initiative pour la recherche sur la montagne, et John Pomeroy, directeur de l’Initiative Global Water Futures et du Centre d’hydrologie de l’Université du Saskatchewan (Canada), ont présenté ces résultats le 11 décembre 2019 à Madrid, à l’occasion de la Journée internationale de la montagne des Nations unies, un événement organisé en marge de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP25). La résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le développement durable des montagnes, approuvée le 19 décembre, recommande aux États membres d’élaborer et d’appliquer des mesures visant à renforcer la capacité d’adaptation et la résilience au climat des populations montagnardes et à réduire l’exposition aux aléas climatiques par la production et l’utilisation accrues d’informations sur le climat et sur les risques de catastrophes, l’élaboration de cartes et de plateformes sur les risques de catastrophes, l’amélioration des systèmes d’alerte précoce et l’application de l’approche fondée sur les risques dans toute planification du développement afin de renforcer la résilience au changement climatique et aux catastrophes et de protéger la biodiversité.

La voie à suivre 

Des systèmes intégrés de prévision pour les zones de montagne sont nécessaires pour produire des modèles complets des scénarios et fournir des prévisions adaptées en matière de climat, de météorologie, d’hydrologie, d’écologie, de système humain et de changements cryosphériques spécifiques à la montagne dans les régions de montagne, et pour les bassins fluviaux qui s’y associent. Des observations supplémentaires des régions de montagnes sont essentielles pour l’élaboration de systèmes intégrés de prévision destinés à ces zones. Ces systèmes fourniraient dès lors des produits et des informations plus fiables sur l’évolution des risques liés au changement climatique. Ces informations seront précieuses pour établir des stratégies d’adaptation visant à réduire l’impact des catastrophes naturelles et de leurs conséquences, de même que l’exposition aux risques connexes. 
 
Pour que l’appel puisse se muer en action, il conviendrait de créer un consortium d’institutions et de réseaux (de portée nationale ou internationale) où seraient représentés les politiques, les praticiens, les scientifiques, les universités et les organismes de financement. Il est besoin d’une action conjointe et collective afin de soutenir la proposition de projet de services intégrés pour les régions de haute montagne et pour organiser des campagnes coordonnées d’observation et de prévision, éventuellement dans le cadre d’une Année de la prévision pour les régions montagneuses.
 
L’OMM apporte une contribution importante pour répondre au besoin, défini dans le cadre d’action de Sendaï, «de renforcer les capacités techniques et scientifiques afin d’en tirer le meilleur parti, de faire la synthèse des connaissances actuelles et d’élaborer et d’appliquer des méthodes et des modèles permettant d’évaluer les risques de catastrophe, la vulnérabilité et l’exposition à tous les dangers. 
 
Elena Manaenkova, secrétaire générale adjointe de l’OMM, a déclaré à la fin du sommet: «L’OMM assurera la direction de l’Initiative sur l’observation et la prévision intégrées applicables aux zones de haute montagne et fournira des orientations à cet égard. Il nous incombe d’améliorer partout dans le monde les observations, les prévisions et les échanges de données concernant les chaînes de montagne et les cours d’eau auxquels elles donnent naissance. C’est là un impératif dans la mesure où l’accélération du changement climatique est de plus en plus lourde de conséquences pour les populations vulnérables».
 
Pour ce faire, l’OMM appelle les institutions et réseaux de portée nationale ou internationale à conjuguer leurs efforts et à soutenir la proposition de projet de services intégrés pour les régions de haute montagne. Des ressources supplémentaires sont nécessaires, ainsi que des campagnes d’observation et de prévision coordonnées. L’Année polaire internationale, 2007, coordonnée par l’OMM, a démontré qu’elle pouvait amener la communauté internationale à agir aux fins de la réalisation d’objectifs scientifiques importants. Ces campagnes ne peuvent porter leurs fruits sans un engagement ferme de la part d’organisations de premier plan. Les grandes organisations du monde entier sont invitées à se joindre à l’OMM pour concrétiser les actions prioritaires de l’appel qui a été lancé.
 
Le Sommet sur les zones de haute montagne a été parrainé, notamment, par le Dispositif mondial de réduction des effets des catastrophes et de relèvement ainsi que le Programme de développement énergie-eau pour l’Asie centrale (relevant tous deux de la Banque mondiale), de même que par des agences fédérales suisses (Météosuisse, Office fédéral de l’environnement, Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL et Direction du développement et de la coopération). Parmi ses plus de 150 participants se trouvaient des universités, des scientifiques, des praticiens, des utilisateurs de services hydrométéorologiques, les décideurs politiques et des membres de la société civile – représentant au total 45 pays et plusieurs organisations internationales.

Donateurs et partenaires

Donors and Partners

Footnotes

GIEC 

Auteurs

Carolina Adler, Initiative pour la recherche sur la montagne (MRI) 

John Pomeroy, Initiative Global Water Futures; Centre d’hydrologie, Université du Saskatchewan (Canada)

Rodica Nitu, Secrétariat de l’OMM 

    Partager :