Les femmes de science passent aux commandes dans les îles du Pacifique

23 mars 2020
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  • By Sylvie Castonguay, WMO Secretariat
Le changement climatique et ses conséquences touchent tous les membres de la société, femmes, hommes, filles et garçons, mais pas toujours de la même manière. Les différences sont encore amplifiées dans les îles du Pacifique, très dispersées et présentant des conditions géographiques, des cultures et des structures sociales variées. Pauline Pogi, hydrologue à la Division des ressources en eau du ministère des Ressources naturelles et de l’environnement de Samoa, a déclaré: «Les femmes, en particulier celles qui s’occupent d’enfants ou de personnes âgées, font partie des groupes les plus vulnérables aux effets du changement climatique. Leur point de vue mérite donc tout particulièrement d’être pris en compte quand il s’agit de traiter les problèmes qui se posent dans le cadre de ces domaines thématiques.» Dans ce contexte, Fiame Naomi Mata’afa, vice-première ministre du Samoa et grand-chef de la noblesse samoane, a exhorté les femmes scientifiques à montrer l’exemple aux écolières et à se soutenir mutuellement en créant un réseau féminin des îles du Pacifique. 
 
La problématique du genre a été intégrée dans l’initiative CREWS (Systèmes d’alerte précoce aux risques climatiques) pour sa mise en oeuvre afin de tenir compte du fait que les hommes et les femmes n’accèdent et ne réagissent pas aux alertes de la même manière. Ainsi, les systèmes nationaux d’alerte précoce soutenus par l’OMM peuvent être conçus de manière favoriser l’égalité des sexes. La culture, les structures sociales et religieuses et les systèmes institutionnels sont les principaux facteurs qui influent sur les rôles des hommes et des femmes au sein de la famille et dans la communauté au sens large. Les rôles des hommes et des femmes étant différents, le mode d’émission de l’alerte précoce et les risques en soi peuvent différer. Le projet CREWS pour les petits États insulaires en développement (PEID) du Pacifique a offert aux femmes des Services météorologiques et hydrologiques nationaux une formation au leadership afin de les rendre à même d’intégrer la dimension de genre dans leur travail, de ne pas hésiter à encourager les filles à choisir des carrières scientifiques et de constituer un solide réseau de dirigeantes dans les îles du Pacifique.

Pour marquer la Journée internationale de la femme, le 8 mars 2020, l’OMM a mené des entretiens avec des femmes des îles du Pacifique qui pilotent cette initiative.

Pauline Pogi


Pauline Pogi

Administratrice principale, Division des ressources en eau, Ministère des ressources naturelles et de l’environnement, (MNRE), Samoa 

Une carrière dans l’hydrologie 

J’ai toujours été intéressé par la gestion des ressources en eau car je suis convaincue que l’eau est l’une des ressources naturelles les plus importantes pour la préservation de la vie sur Terre. Les Samoa ont la chance d’avoir des ressources en eau abondantes et nous nous efforçons de les maintenir, compte tenu de la croissance démographique. Il faut absolument veiller à ce que les générations futures disposent de ressources en eau suffisantes, mais le défi est de changer les mentalités et de convaincre les personnes qui considèrent l’eau comme «gratuite», de l’utiliser avec plus de sagesse et de parcimonie. Notre objectif est de sensibiliser nos communautés à l’importance de la gestion des ressources en eau. Cette sensibilisation passe par des programmes d’engagement communautaire et par la participation de la population à l’élaboration d’outils pour la gestion des ressources en eau. Il faut aussi faire naître un sentiment d’appropriation au sein de la population pour la gestion de ces ressources. Jusqu’à présent, notre approche est très fructueuse, et nous voulons la développer à l’avenir. 

Les femmes et le changement climatique 

«Les femmes, en particulier celles qui s’occupent d’enfants ou de personnes âgées, font partie des groupes les plus vulnérables aux effets du changement climatique. Leur point de vue mérite donc tout particulièrement d’être pris en compte quand il s’agit de traiter les problèmes qui se posent dans le cadre de ces domaines thématiques.» 

Les femmes dans les sciences 
Les carrières scientifiques et techniques sont souvent qualifiées de «typiquement masculines». Cette mentalité doit changer. Les cours qui conduisent à ces carrières scientifiques sont aussi généralement considérés comme plus adaptés aux hommes. Souvent, les femmes doutent elles-mêmes lorsqu’elles cherchent une carrière dans laquelle elles peuvent exceller. Elles se demandent si une carrière scientifique est vraiment envisageable. 
 
Les femmes adultes doivent s’autonomiser mutuellement et être des modèles pour les jeunes femmes. Celles qui travaillent déjà dans le domaine scientifique doivent y progresser et être influentes afin de donner aux plus jeunes les moyens de repousser les limites et d’exceller dans un domaine fortement dominé par les hommes.
 
Les qualités que je souhaite posséder et que j’aimerais également trouver chez les dirigeantes sont la confiance, l’empathie, l’honnêteté, la motivation et l’accessibilité.

Rossylynn Pulehetoa-Mitiepo
Rossylynn Pulehetoa-Mitiepo

Directrice du Service météorologique de Niue 

Une carrière en climatologie 

À l’école, j’ai opté pour les matières scientifiques, parce que j’aimais apprendre les lois physiques expliquant pourquoi les choses sont telles qu’elles sont. Par la suite, j’ai obtenu une bourse d’assistante prévisionniste, qui m’a conduite à une carrière dans le domaine de la météorologie. Depuis, je me suis spécialisée en climatologie, puis dans le domaine du changement climatique. 

Déterminée à réussir 

Je me rappellerai toujours que mon père me racontait que la vie était dure dans sa jeunesse, qu’il parcourait de longues distances à pied pour aller à l’école et qu’il profitait de la lumière du jour pour faire ses devoirs, car il n’y avait pas d’électricité chez lui. Quand il a trouvé un emploi et que ses enfants sont nés, il a travaillé dur pour que nous puissions manger à notre faim. Cela m’a encore plus motivée à saisir les opportunités qui se présentaient pour réussir. 

Les défis 
Être nommée directrice par intérim pour deux ans, puis devenir pleinement titulaire du poste a été un sacré défi. Maintenant, j’ai jà coeur de permettre aux membres de mon équipe de progresser à leur tour. C’est la première fois que j’occupe un poste de direction, et je suis bien consciente de la responsabilité qui pèse sur mes épaules. 
 
Assumer ses responsabilités avec force, en tant que femme, exige d’être courageuse et d’avoir le sentiment de sa propre valeur. L’absence de confiance en soi peut empêcher les femmes de faire une carrière scientifique. Une fois qu’elles ont osé faire ce saut dans l’inconnu et changer leur système de croyances, elles sont étonnées du résultat.
 
Il nous faut mettre sur pied un forum scientifique régional de femmes pour nous attaquer aux problèmes, en discuter et mettre en oeuvre des solutions qui nous permettent d’aller de l’avant. Les femmes ont la capacité de devenir des dirigeantes et de montrer la voie de la résilience aux personnes et des communautés vulnérables.

Seluvaia ‘llolahia
Seluvaia ‘llolahia

Prévisionniste principale, Service météorologique de Tonga (MEIDECC) 

Concilier carrière et vie de famille 
Tout au long de ma scolarité, les mathématiques et les sciences étaient mes matières préférées. Les plus grandes difficultés auxquelles j’ai été confrontée pendant mes études ont été d’ordre financier et familial. Je me suis battue pour m’occuper de ma mère, de mes jeunes frères et soeurs et de mon fils de 9 ans. Je suis particulièrement fière du rôle que je joue au travail, à la tête du département de climatologie, tout en poursuivant mes études supérieures. 
 
Ce qui bride les femmes tient aux mentalités. Les mères doivent élever leurs enfants dans un esprit constructif, en leur enseignant dès leur plus jeune âge l’importance de l’égalité. Il faudrait enseigner aux filles qu’elles sont libres d’apprendre ce qu’elles veulent à l’école et que tout le monde a les mêmes chances partout.
Les femmes dans le débat sur le changement climatique 

Le changement climatique et la météorologie sont des domaines cruciaux. Les femmes offrent d’excellents modèles de réussite, surtout lorsqu’il s’agit de prendre les commandes pour mener à bien des initiatives en faveur du changement. 

Les qualités requises pour devenir responsable 

Je pense que les femmes, pour assumer des tâches de direction, doivent être courageuses, intrépides, et avoir confiance en Dieu. 

Nous avons toutes un rôle à jouer 

Au travail, encouragez vos collègues femmes travail. Profitez des visites organisées par les écoles dans les bureaux météorologiques pour faire valoir l’importance des sciences auprès des élèves. Soyez un modèle, soyez fortes, créatives, solidaires, aidez-vous mutuellement et, surtout, ayez pleinement confiance.

Elinor Lutu-McMoore
Elinor Lutu-McMoore

Directrice du Service météorologique national, à Pago Pago, de l’Administration nationale américaine des océans et de l’atmosphère (NOAA)

Une carrière au service de météorologie 

J’ai commencé ma carrière au Bureau du service météorologique national (WSO) des Samoa américaines en 2005 en tant que technicienne en météorologie. Lorsque j’ai rejoint l’équipe de Pago Pago, j’ai réalisé que la meilleure façon pour moi d’utiliser mon diplôme de gestion d’entreprise était de devenir météorologue. En 2008, j’ai décidé de suivre un cursus de quatre ans en météorologie à l’Université d’Hawaï, à Manoa, que j’ai terminé en deux ans. À la fin de mes études, j’ai commencé un stage au bureau météorologique national des États-Unis à Honolulu, qui s’est rapidement mué en un poste à temps plein. En 2012, j’ai obtenu une maîtrise en administration publique (MPA) et, un an plus tard, je suis retournée aux Samoa américaines en tant que prévisionniste générale au WSO de Pago Pago, car il était important pour moi d’être utile à ma communauté. En 2017, j’ai été promue au poste de météorologue en chef. 

J’ai dû relever de nombreux défis au cours de mon parcours pour devenir météorologue. Mais j’avais appris à les considérer comme des leçons de vie dont je pouvais tirer profit pour progresser. Le fait d’avoir compris que les défis sont censés me donner les outils nécessaires pour avancer dans la vie a fait de moi la personne que je suis aujourd’hui. Je vais continuer à transmettre ces leçons à mes enfants, qui sont mes plus belles réalisations.

C’est pour moi un grand honneur et un grand bonheur d’être météorologue en chef. Les membres de mon équipe sont comme les membres de ma famille. En tant que responsable, j’apprends en toute humilité à mieux les servir. Je cherche à répondre aux besoins de l’équipe pour nous permettre de fournir à notre peuple les services qu’il mérite. En plus, nous pouvons ainsi fournir à nos chefs et aux responsables locaux des situations d’urgence les informations dont ils ont besoin pour prendre les décisions stratégiques pour nos communautés.

Tout au long de mon parcours, j’ai fait de très nombreuses rencontres, certaines éphémères, d’autres plus durables. Chaque personne m’a appris quelque chose et m’a aidée à devenir celle que je suis maintenant. Je suis donc pleine de gratitude. Je rends grâce à Dieu, à qui je dois tout. Je remercie aussi ma famille pour son soutien et sa patience, ainsi que mon peuple et ma culture samoane.

Les femmes dans la météorologie 
Les femmes ont toujours été des nourrices. Elles réagissent avec calme aux dangers imminents et cherchent toujours à servir leur famille et leur communauté. Dans une région où les femmes sont chéries par leur communauté et leur famille, et où on valorise leur patience et leurs compétences en tant qu’enseignantes, les dirigeantes peuvent joindre leurs voix à celles des autres leaders du Pacifique, passés comme actuels, pour préparer nos communautés insulaires à faire face aux catastrophes naturelles potentielles, afin que nos îles préservent leur résilience. 
 
J’ai la chance de vivre dans un pays aux possibilités infinies, et plus encore de travailler pour le gouvernement fédéral, qui a établi une politique contre toutes les discriminations. Les opportunités sont nombreuses. Avec beaucoup de travail et de passion, il est possible de les saisir. Les carrières scientifiques sont certes difficiles, mais leur difficulté peut être surmontée: il suffit de faire preuve de persévérance, d’utiliser les ressources disponibles et de demander conseil aux personnes qui se sont déjà imposées dans le domaine.
Les dirigeantes 
Chaque femme a son propre parcours de vie. La culture des îles du Pacifique nous enseigne à nous tourner vers celles et ceux qui nous ont précédés pour leur poser des questions. Nous apprenons à écouter et à servir afin de mieux diriger. Les femmes sont la clé de voûte de la structure familiale, villageoise et communautaire. Reconnaître les forces qu’elles apportent pour mener à bien une tâche, quelle que soit sa taille, c’est reconnaître les diverses dirigeantes qui existent au sein de nos communautés. Dans le domaine des sciences, peu de femmes occupent des postes de direction. C’est pourquoi il est important de saluer chacune d’elles et de saluer le rôle qu’elles jouent pour le succès de leur mission et de leur service. Par ailleurs, un programme de mentorat susceptible d’inspirer les dirigeantes potentielles de notre région pourrait se traduire par une augmentation du nombre de femmes leaders dans les domaines scientifiques. 
 
Une dirigeante d’envergure est très inspirante. Elle sait non seulement enseigner avec flexibilité, mais aussi encourager. Ses atouts sont nombreux: elle reconnaît les forces des membres de son équipe, et sait écouter. Malgré son humilité, elle n’a pas peur de défendre ce qui est juste, pour le bien de sa communauté et de son pays. Elle se distingue par son altruisme, par son engagement et par son esprit de service.
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